À partir de juin 1913 (date d'occupation d'Agadir par l'armée française, un an après le début du Protectorat français au Maroc de mars 1912), Agadir dont la situation que tous s'accordaient à trouver admirable, devient un lieu de garnison militaire avec des camps militaires, contraint et isolé, contrarié dans ses projets de développement par une "pacification" selon la terminologie lyautéenne, non terminée, très dépendant des autorités militaires de Marrakech et des services de la Résidence à Rabat.
 

 
Ce lieu se devait de rester un poste de renseignements, sans juridiction territoriale, sans zone d'expansion, sans avoir d'autre préoccupation que de suivre et de faciliter la politique générale du Commandant Général du Sud dans le Souss (Instructions politiques du poste militaire d'Agadir, 16 juin 1913, Rég. de Marrakech, E-M, N° 033 RG, signé Brulard, CADN).

Agadir était en zone d'insécurité ; il était strictement interdit à tout civil d'y entrer sans un laisser-passez et d'y commercer.

Néanmoins l'armée s'était organisée et avait créé "un petit port" avec un appontement en 1916 grâce au Génie militaire, ce qui lui permettait d'assurer ses approvisionnements.

 Le petit port :

 

L'armée se trouva vite à l'étroit dans la Kasbah qu'elle occupait, trouvant le lieu exigu, en mauvais état et inadapté à ses besoins.
Les militaires occupèrent Founti qu'ils trouvèrent étroit, vétuste et sans perspective d'amélioration.

Tout était à faire à Agadir et des commerçants de Mogador à l'affut rêvaient de venir s'y installer. On ne savait à qui appartenaient les terrains mais tous voulaient en acheter car Agadir semblait promis à un bel avenir.

Le général Brulard lui-même, malgré les interdictions, avait recommandé d'étudier les lots de terrains dont le Protectorat aurait intérêt à s'assurer la possession immédiate et d'examiner quels étaient ceux qui pourraient être revendiqués par le Makhzen (Brulard, ibidem, 16 juin 1913, CADN).

 
 
 
Agadir faisait partie du lot des villes nouvelles à construire dans l'inventaire établi par les services de Lyautey concernant les villes marocaines en particulier celles dont la situation portuaire présentait un intérêt.
Mais le résident n'était pas très optimiste en ce qui concernait les perspectives d'Agadir. Ainsi d'autres villes passeront avant, engloutissant les capitaux et en particulier Casablanca dont Lyautey fera la capitale économique du Maroc.
 
Néanmoins, après la guerre 1914-1918, de 1919 à 1922, il fut fortement question d'ouvrir Agadir au commerce ; le résident général Lyautey s'y refusa une fois encore.
La région montagneuse séparant Agadir de Mogador n'était pas complètement "pacifiée" et les caravanes qui s'engageaient dans ce couloir étroit avaient encore à redouter les pillards. La situation politique et l'état de la piste d'Agadir à Mogador rendaient les transports peu surs et très onéreux.
 

Préalables indispensables à l'ouverture d'Agadir
La construction d'une piste carrossable entre Mogador et Agadir était pour le résident général Lyautey un des deux préalables indispensables à l'ouverture d'Agadir aux civils (note 20 99 SGP du 30 mars 1920) ; le second était l'approvisionnement en eau potable.
La piste existait déjà entre Mogador et Dar Caïd Tamri et entre Agadir et Tamraght. Il restait environ 38 km à terminer, mais ces derniers kilomètres étaient difficiles à réaliser en raison des sables mouvants et des ravineaux profonds.
 

 
Mesures préparatoires à l'ouverture d'Agadir (1920-1930)

Le 1er novembre 1920, le colonel de la Bruyère, commandant la région de Marrakech (dont dépendait Agadir), proposa au Résident Lyautey la date du 1er avril 1921 comme date d'ouverture du port d'Agadir et de la vallée du Souss .

Pour donner aux différents services, en particulier civils, toute la souplesse nécessaire, il insista pour qu'Agadir soit constitué au préalable en Cercle autonome. Toutefois ce cercle devait rester subordonné à la région de Marrakech sur le plan politique et militaire. Il importait que la création du Cercle autonome d'Agadir ait lieu à la date du 1er janvier 1921 avant la date d'ouverture décidée pour le Souss (Colonel de La Bruyère, commandant la région de Marrakech à M. le Commissaire Résident général Lyautey, Lettre du 3 novembre 1920, CADN).


Si le résident général Lyautey (résident d'avril 1912 à octobre 1925) fut favorable à la constitution du Cercle autonome d'Agadir à la date précise du 1er janvier 1921, il réserva à plus tard la date d'ouverture d'Agadir et du Souss pour les raisons évoquées précédemment qui n'étaient pas réglées (Le Résident Lyautey au Colonel de La Bruyère, commandant de la Région de Marrakech, 16 novembre 1920, CADN).
 

Novembre 1920 : création effective du Cercle autonome d'Agadir dont dépendaient les Bureaux d'Agadir et de Taroudant.


Selon le colonel de La Bruyère (commandant la Région de Marrakech, 3 novembre 1920, CADN) étaient à créer en priorité :

- Les Services civils (indispensables) :
Domaines, Service du Plan des villes (mission temporaire), Postes et Télégraphes, Travaux-Publics et Acconage, Douanes, un Receveur du Trésor ou faisant fonction ;

- Des Services militaires : Création d'un bureau de Renseignements d'Agadir-Ville ;

Étaient à créer en seconde urgence :
- Des Services civils comme l'Enseignement, la Police ;

- Des Services militaires : Chefferie du Génie, Sous-Intendance, État- Major du commandant du Cercle (1 officier).

 
 

Conditions sine qua non à l'ouverture d'Agadir :
Pour le résident général Lyautey, l'ouverture d'Agadir aux civils nécessitait toujours de régler au préalable la ressource en eau potable et sécuriser les accès à Agadir par voie terrestre.

"Il faut donc, en l'état actuel des choses, continuer à interdire l'accès d'Agadir et n'ouvrir cette ville et son hinterland au commerce que lorsqu'on pourra la rejoindre par voie de terre et qu'elle sera alimentée en eau potable. Il en est ainsi décidé." (27 février 1920, rapport administratif, Direction des AI et SR, N°1380 SGP, CADN).
 

 
En février 1920, M. Pradel (un des rares civils autorisé à séjourner à Agadir en raison de son activité sanitaire), qui avait été nommé en qualité de "comptable" à l'Infirmerie ambulance d'Agadir obtint exceptionnellement une autorisation de séjour pour sa mère (6 mars 1920, le Directeur des Affaires Indigènes et du Service des Renseignements, CADN).

 Edouard Pradel :

Mais les commerçants dont Léon Corcos (négociant à Mogador) qui voulait procéder dans la région d'Agadir à une plantation de bananiers, se virent refuser les autorisations, le port d'Agadir n'étant pas encore ouvert au commerce (Urbain Blanc, 13 octobre 1921, CADN).
De rares autorisations de séjour furent accordées à titre exceptionnel au personnel appelé à travailler pour le compte de l'Administration du Protectorat et aux familles (épouses ou enfants) des fonctionnaires, des militaires de la garnison ou des employés.

Les autorisations étaient strictement exigées par les autorités portuaires d'embarquement et par celles du débarquement à Agadir (Lyautey, 2486, 20 juin 1919, CADN).
 

En 1920, le Service des Travaux publics qui ne disposait encore que de moyens rudimentaires à Agadir allongea la jetée-abri construite près de la pointe de Founti et qui avait beaucoup souffert des tempêtes de l'hiver.
Une mission topographique fut créée.
Le levé de plan de la ville fut confié à la Société Sanglé qui devait l'exécuter pour la fin juillet 1920 et le levé suburbain pour la fin du mois d'octobre 1920.
On étudiait en même temps le projet d'adduction d'eau de la source de Tildi (La vie au Maroc, le port d'Agadir, juillet 1920 France-Maroc, p. 156).
M. Griguer, contrôleur des Domaines, reçut la mission de se rendre à Agadir pour déterminer les terrains domaniaux et habous. À l'issue de ces travaux, il fut prévu qu'une Commission mixte comprenant des représentants de l'autorité militaire, M. Griguer (Domaines) et des représentants du Service des Plans des Villes et de l'Hygiène publique, se réunisse à Agadir (De Sorbier de Pougnaboresse, N° 5 384, 15 septembre 1920, CADN).

1er janvier 1921 : Un bureau de Renseignements de 3ème cat., chargé du contrôle administratif d'Agadir-Ville fut créé par arrêté résidentiel du 25 janvier 1921. À ce bureau furent rattachés les villages de Tildi, Taddert, Tamraght, Aourir qui constituaient le pachalik d'Agadir.

 
 
Création du futur Centre commercial du front de mer : En janvier 1921, le lieutenant-colonel Freydenberg, commandant le Cercle autonome d'Agadir, prit conscience qu'il n'y avait pas un seul hôtel à Agadir susceptible d'héberger les voyageurs de passage ; il réclama une chambre d'hôte et son aménagement (25 janvier 1921, lettre au Directeur des Renseignements et AI à Rabat, CADN). M. Dorée, agissant pour la maison Bessonneau, proposa des "baraques démontables".
Cette prise de position fut en quelque sorte le point de départ du développement du front de mer éphémère que nous allons étudier.
 

 
 

 Consulté, l'architecte en chef, M. Prost, directeur du Service des Plans de villes, souhaita se rendre sur place avant de donner son accord (lettre du 2 février 1921) ; mais annonça qu'il attendrait l'ouverture de la route prévue courant mars pour s'y rendre.

On se demandait à qui appartenaient les terrains sur lesquels seraient construites les "baraques" (CADN).
La Direction générale des TP lança un appel d'offres le 10 février 1921 pour la construction rapide de maisons, logements ouvriers, souk et hôtels destinés aux premiers arrivants au Port d'Agadir (extrait article journal, 10 février 1921, CADN)


Une réunion relative à l'installation de baraques démontables eut lieu le 9 février 1921 à la Direction des Travaux Publics à Rabat en présence :
- du directeur général adjoint des TP au Maroc (M. Maitre-Devallon),
- du directeur du Service des Plans de ville (M. Prost), du Chef du Service de l'Administration Municipale (De la Casinière).

Le calendrier se révéla très court pour réaliser l'appel d'offre, installer les baraques au plus tard le 1er août et ouvrir le port dans la foulée.


Le 16 juillet, on en était à se demander si l'on pouvait disposer des terrains figurant au plan Prost (21 juillet 1921, le directeur général des TP au secrétaire général du Protectorat, CADN).
  

 

Aménagement de la future ville
Commissions fondatrices : Commission mixte des 13, 14, 15 mars 1921 réunies à Agadir en vue d'examiner les problèmes posés par l'ouverture du port au commerce - avec un plan en annexe très confidentiel (Plan Prost).

C'est à l'occasion de ces commissions que fut dévoilé le plan Prost sur lequel les commissions furent appelées à travailler.
L'étude de l'aménagement de la future ville d'Agadir avait été réalisée par le service de M. Prost, grand maître de l'Urbanisme du Protectorat.
 

 

Henri Prost :

En résumé, trois agglomérations étaient prévues à la sortie Est de Founti qui permettaient de dégager Agadir de la montagne en direction de la plaine du Souss. Ces lieux utilisaient les structures géologiques pour appliquer les théories de Lyautey de séparation des populations en présence : indigène, israélites marocains, européens.

- une "cité indigène" placée sur le plateau de Talborjt au Sud-Est de Founti ; cité qui était appelée à se développer rapidement pour décongestionner Founti, les habitants de la Kasbah étant censés migrer en ce lieu pour avoir accès à l'eau potable et les caïds y installer leur demeure et des entrepôts ; c'était la 1ère fois qu'on étudiait au Maroc une nouvelle ville indigène ;

- un "plateau administratif" avec le centre militaire, des villas et des bâtiments administratifs sur le plateau peu élevé d'Idourane ;

- une "ville européenne" s'étageant vers l'Est en amphithéâtre, face à la mer.

Ces trois lieux étaient séparés par des ravins qu'on envisageait de traiter en jardins fleuris.
(1923, J. Raymond, Dans le Souss mystérieux, Agadir :1921, La Géographie, T39, N3, p. 339-340).

Commission mixte fondatrice des 13, 14, 15 mars :



 

 
 
 

 
Juillet 1921 : le maréchal Lyautey vint inspecter Agadir.
Il approuva les grandes lignes du projet établi par la Commission mixte mais décida d'en retarder la réalisation pour les raisons suivantes :
1-Il était trop dangereux, selon lui, de créer une ville reliée avec le Nord du pays uniquement par la mer ;

2-Il fallait pour ce faire réaliser, au préalable :
- La route de Mogador à Agadir pour la rendre accessible aux véhicules ;
- Les adductions d'eau avant l'arrivée des Européens ;
- Apurer la situation juridique des terrains ;
- Faire cesser l'insoumission des Ida ou Tanane qui commandaient la route de Mogador et étaient voisins immédiats d'Agadir.
Agadir n'avait, selon Lyautey, que peu d'avenir ; il y avait mieux à faire dans le Nord et ne pas disperser les efforts. La dépense était hors de proportion avec la richesse réelle du pays et les disponibilités financières actuelles.
(4 novembre 1925, Note au sujet de l'ouverture du Port d'Agadir, Service des Renseignements région de Marrakech, CADN).


Maréchal Lyautey :

 

 
Pour pouvoir commencer les constructions de Talborjt, il était nécessaire que les travaux de voirie soient entrepris rapidement mais aucun crédit n'avait encore été délégué à la ville, et il n'y avait pas de conducteur de travaux susceptible de tenir cet emploi (Capitaine Mondet, Chef du Bureau des Renseignements d'Agadir-Ville, faisant fonction de chef des Services Municipaux, 18 juillet 1921).

27 juillet 1921 - Le commandant Cavard réclama la mise à disposition d'un crédit de 150 000 francs obtenu par le capitaine Mondet pour l'aménagement de la voirie d'Agadir et la désignation d'un technicien comme chef des Travaux Publics.

Population d'Agadir en 1921
La population indigène d'Agadir était d'environ 1600 personnes (Kasbah et Founti). Il y avait en tout 130 Européens, presque tous Français, y compris les familles des officiers et des sous-officiers. Dans ces chiffres n'étaient pas compris les militaires français et indigènes (Jean Raymond, Dans le Sous mystérieux, p. 331).

Il n'y avait encore ni hôtel, ni restaurant pour accueillir les visiteurs et travailleurs civils.
Le ravitaillement en vivres était fait par l'administration militaire : par l'intermédiaire de la coopérative militaire bien achalandée (Subsistances militaires) où tous les Européens civils pouvaient se servir (J. Raymond, p. 331).

Septembre 1921 : Travaux d'adduction d'eau réalisés
En septembre 1921
, le chef de bataillon Demillière qui avait remplacé le colonel Freydenberg à la tête du Cercle autonome d'Agadir, informa la Résidence et la Région de Marrakech que les travaux d'adduction d'eau étaient achevés et que la conduite d'eau principale qui partait du réservoir et traversait le 1er secteur de la Ville nouvelle et le village de Founti était réalisée.
 

La 1ère borne fontaine d'Agadir fut inaugurée le 4 septembre 1921 en présence de l'ingénieur subdivisionnaire Monat. Le pacha d'Agadir Si Mohamed ben Lahcen Ksimi remercia pour l'alimentation en eau du village de Founti (Demillière, 7 septembre 1921, CADN).
En réalité, la question de l'eau ne fut pas résolue; la source de Tildi s'avéra insuffisante.

Implantation du tracé de la ville indigène
23 septembre 1921
: Le Service du Plan des Villes acheva l'implantation du tracé de la ville indigène d'Agadir et de son lotissement. Les constructions pourront être entreprises par les Indigènes qui en avaient déjà manifesté le désir dès que le Service des Domaines sera en mesure de faire connaître les conditions dans lesquelles les terrains pourront être mis à la disposition des intéressés.

Le 22 avril 1922, M. Prost fit savoir que le plan directeur d'Agadir, établi conformément aux décisions prises lors de la réunion de la Commission en mars 1921 serait terminé dans un très bref délai. En outre, en cours d'année dernière, une partie de la ville nouvelle indigène, le lotissement réservé aux quartiers administratifs ainsi qu'une fraction de la ville nouvelle européenne avaient été implantés par les soins du géomètre qui à cette époque avait été envoyé à Agadir pour 5 mois. M. Prost devait envoyer courant mai 1922, une brigade mobile chargée de terminer les travaux d'implantation des quartiers européens et indigènes de la Ville Nouvelle et de soumettre le plan directeur à l'autorité militaire (SGP N°2373, mai 1922).
Toutes les dispositions devaient être prises sur place pour l'implantation définitive d'accord entre le Service Spécial d'Architecture et l'autorité militaire.

15 octobre 1923 - Réalisation du lotissement indigène d'Agadir.
Le bureau des Plans de Villes fut invité à procéder au piquetage et numérotage des lots à attribuer aux Indigènes musulmans. Le chef du Service des Contrôles civils et du Contrôle des municipalités fit connaître qu'il ne possédait plus d'agent technique à Agadir. Les travaux topographiques furent confiés à M. de Ligondès, géomètre affecté au Service géographique depuis le 1er janvier 1923.

 
 
La Route principale 25 d'Agadir à Mogador, la piste côtière.
La piste côtière
, longue d'environ 170-180 km de Mogador à Agadir, piste plutôt que route, n'était praticable qu'aux automobiles légères et cela dépendait des intempéries.
 

 
Son parcours pittoresque était en réalité très accidenté. La piste était souvent impraticable aux camions et les généraux qui voulaient terminer la pacification des Ida Ou Tanane au plus vite ne pouvaient envisager cette pacification sans la possibilité de pouvoir faire circuler des camions entre Mogador et Agadir et entre Marrakech et Agadir (Lettres entre la Résidence, la Direction des TP, généraux Daugan (commandant la Rég. Marrakech), Mouveaux (commandant la Rég. Agadir), Ingénieur Picard, dir. adj. des TP Maitre-Devallon, 1922-23, CADN).

La construction de la Route Principale 25 de Mogador à Taroudant, passant par Agadir commencée en 1922, se poursuivit en 1923 et 1924 (Paul Zeys, p. 176).

En réalité, pour les militaires, l'intérêt de cette route résidait dans le fait qu'elle soit rendue accessible aux camions. Il fallut attendre 1926.

La Route d'Agadir à Mogador :


 
 

En 1923, Henri Prost quitta le Maroc.
En octobre 1925 - Le résident Lyautey démissionna de ses fonctions de résident au Maroc en octobre 1925.
Il fut remplacé par le résident Théodore Steeg (octobre 1925-janvier 1929) qui était très favorable à l'ouverture d'Agadir.
 

 
 
Novembre 1925 - Note au sujet de l'ouverture du Port d'Agadir :
La route d'Agadir à Mogador est accessible aux automobiles et camionnettes à l'exclusion des camions lourds. Les crédits sont demandés pour achever cette route en 1926 et la rendre accessible à tous les transports.

- Le port : pas de modification : il est quasi inexistant ;
- L'adduction d'eau a été réalisée en 1921 puis en 1923. Elle s'avère insuffisante : 200 m3 au maximum par jour au lieu de 600 m3 escomptés. Des recherches sont entreprises pour trouver de nouvelles adductions ;
- La ville indigène nouvelle est en création ;
- La ville européenne nouvelle est implantée et desservie par des canalisations d'eau. Le lotissement devrait être rapidement réalisé. Les plans existent ;
- L'inventaire des biens domaniaux et habous se poursuit. Très avancé.
- Les Ida Ou Tanane, en dissidence passive, n'inquiètent en réalité ni la route ni Agadir. Les tribus sont toujours insoumises et pourraient constituer un danger. L'Anti-Atlas est alternativement calme ou troublé mais Agadir est protégé par les marches de Taroudant et Tiznit.
 

 

 
 4 novembre 1925 :
L'ouverture d'Agadir tant espérée par les commerçants est une fois de plus remise à plus tard : elle sera possible quand la soumission des Ida Ou Tanane sera réalisée et la route achevée (Service des Renseignements, section de Marrakech, 4 novembre 1925, CADN).

Agadir et le Souss sont maintenus en zone d'insécurité. Cependant la tranquillité la plus parfaite règne et le commandement a pu réduire les effectifs de stationnement à un bataillon d'infanterie et trois goums.

L'ouverture de cette région est désormais envisagée comme prochaine du moins en ce qui concerne Agadir et sa banlieue immédiate (Boniface, Rapport de stage, p. 36).

Le problème ne semble plus être celui de la route mais celui de l'eau : une conduite amène à Founti l'eau potable de la source de Tildi mais son débit suffit à peine à la consommation de la population actuelle, c'est là le principal obstacle à l'ouverture immédiate d'Agadir.

Cette source captée en 1921 fournit en effet l'hiver une moyenne de 150 m3 par 24 h et cette quantité est réduite à 125 m3 l'été.
En temps ordinaire, elle suffit à peine aux besoins de 2 500 habitants, européens et indigènes et doit alimenter les 500 têtes de bétail.

Les travaux du port sont insuffisants. Il n'y a encore qu'une petite jetée ce qui n'offre pas de protection quand la mer est à peine houleuse.

1926 : Population de la ville d'Agadir en 1926 : Recensement de 1926 (P. Zeys, p. 229)
Agadir comptait 1956 habitants dont :
219 Européens,
214 Français
1 523 Indigènes.
 

1927
Selon Boniface, la route d'Agadir à Mogador est maintenant empierrée sur la majorité de son parcours ; les pistes qui la prolongent sur Tiznit et Taroudant sont en bon état et peuvent être utilisées presque toute l'année depuis la construction du pont des Aït Melloul (Rapport de stage de Boniface, p 36-37).
Les caravanes circulent encore : 3 500 chameaux passent mensuellement par Agadir en direction de Mogador et autant dans l'autre sens en direction du Souss (rapport de stage de Ph. Boniface, 1927, CADN).

1927 : la misère dans le Souss était insupportable : on rencontrait des enfants squelettiques, couchés de fatigue contre le mur qui bordait le boulevard. Le commandement s'inquiéta de tant de misère, nous dit Boniface ; des distributions d'orge furent faites dans le bled et de pain aux portes des bureaux (Boniface, Rapport de stage, CADN).
L'année 1927 vit un passage destructeur de sauterelles entrainant à nouveau une famine importante.

Pendant ce temps-là, le front de mer évoluait à grande vitesse sur la rive Sud de la route principale 25.
Il s'organisait autour du souk municipal (Bougame) et des Établissements de transports (Barutel, liaisons CTM, CAT). M. Boisseuil fut autorisé à monter sa cantine dite Popote des TP, Ré son hôtel et les frères Barutel l'entreprise de transports qui révolutionnera le Souss desservi par ses bus et camions. Des garages puis des postes à essence envahissent le boulevard qui longe le front de mer

1928
À Agadir, la Route Principale 25 (futur boulevard Bourguignon) a été classée et reconnue avec une emprise de 30 mètres de large par arrêté viziriel du 28 avril 1928 puis du 3 avril 1931 en application du Dahir du 16 avril 1914, valant déclaration d'utilité publique et cessibilité des terrains (P. Zeys, p. 176).

 
 
 

En mai 1928, le jeune sultan Sidi Mohammed ben Youssef fit une tournée dans les ports du Sud en automobile de marque "Avion-Voisin" décapotable : Mazagan, Safi, Mogador et Agadir, au cours de la 2ème quinzaine de mai. Sur tout le parcours une foule portant des drapeaux, des bannières l'acclama de ses youyous.
 

 
Le sultan traversa Founti dans son automobile découverte accompagné du grand vizir El Mokri et de son précepteur El Mammeri.

Il fut accueilli par le résident Théodore Steeg, le général Huré (commandant la Région de Marrakech) et par le lieutenant-colonel Marratuech commandant le Cercle d'Agadir.

L'accueil fut chaleureux à Agadir, acclamé par la foule qui se pressait à Founti et sur le front de mer pour le voir passer en automobile (photo de Flandrin).

Son arrivée donna lieu à une réception "grandiose" (1928/06/09 L'Illustration).

Sidi Mohammed ben Youssef :


 
 
 

En 1928, il fut décidé à Rabat d'élever Agadir en municipalité. En effet, les ressources agricoles, les ressources d'élevage, minières et maritimes y étaient respectables et proches d'un développement permettant de justifier l'autonomie budgétaire de la Ville.
 

 
Apurement de la situation foncière
En 1928, la zone domaniale d'Agadir (Makhzen) fut délimitée sous la dénomination de Terrain d'Agadir, rendant inévitable la solution de la question immobilière d'Agadir placée sous le régime juridique de droit commun et soumise à la procédure d'immatriculation.

Le Protectorat déclara "Makhzen" tous les terrains du périmètre urbain d'Agadir (Pierre Robitaillie, p. 89).

Apurement de la situation foncière :

1928 - Le résident Théodore Steeg (Octobre 1925-janvier 1929), partisan de l'ouverture du port, participa en 1928 à l'inspection du chantier de la construction du port d'Agadir.

Résident Théodore Steeg :

Il autorisa, à titre provisoire, des commerçants patentés de Mogador à pratiquer certaines opérations commerciales (Revue Nord-Sud, 1933).
 

 

 

1930 : Ouverture d'Agadir érigée en municipalité par le Résident Lucien Saint (janvier 1929-août 1933)

Vers 1930, le boulevard bitumé prit le nom du capitaine Bourguignon.

Capitaine Bourguignon :

- Le port d'Agadir fut officiellement ouvert au commerce par le résident Lucien Saint qui se rendit sur place à Agadir.
- La ville fut érigée en municipalité. Les Services municipaux étaient installés à Founti près des Services militaires.
 

 
La ville n'est plus considérée comme étant en situation d'insécurité.
Le Bulletin Officiel du Protectorat dans une note résidentielle du 1er avril 1932 consacra Taroudant en zone de sécurité et l'ouverture de la région au Sud d'Agadir jusqu'à Biougra.

L'écriteau sur le pont d'Inezgane :

"Interdiction absolue d'entrer dans la zone d'insécurité" disparut.

La belle voie goudronnée du boulevard Bourguignon permit de parcourir le front de mer jusqu'au pied de la future ville européenne pour la venue de Lucien Saint en automobile (8 mars 1930).

Résident Lucien Saint :

1931-1932 - l'organisation municipale se mit en place. Le foncier et l'aménagement d'Agadir étaient presque réglés. Le Protectorat déclara Maghzen tous les terrains du périmètre urbain d'Agadir et en 1931 les opérations d'expropriation purent commencer (Pierre Robitaillie, Docteur en Droit, Agadir Le Sous, Aperçus d'organisation économique rationnelle, Éd. Albert Arnaud, Paris, 1932).

Réseaux d'eau : Les recherches permirent de trouver aux abords de la plage, dans les dunes une nappe d'eau pure d'une valeur estimée "considérable" à une profondeur d'environ 7 m.


Électricité :
Une usine électrique fut créée sur la pointe d'Aghesdis.

Recensement du 8 mars 1931 de la population de la ville d'Agadir :
3 081 habitants se répartissant ainsi :
Français : 725 (702 citoyens français, 22 sujets français, 1 protégé français) ;
Européens : 123 (32 Espagnols, 41 Italiens, 50 autres nationaux) ;
Indigènes : 2 233 (1967 Musulmans, 266 Israélites marocains) (Zeys, 229-230).
Militaires : 817
La population avait augmenté de plus d'un tiers en 5 ans.
La population du Souss était évaluée à 300 000 habitants.

1931 et 1932 subirent à nouveau le passage destructeur des sauterelles.

1932 :
La situation foncière fut rapidement et efficacement apurée en 1932 grâce à la Commission de Conciliation présidée par P. Zeys.
Pierre Robitaillie dans un ouvrage qui s'intitulait : "… Agadir Le Sous … Aperçus d'organisation économique et rationnelle" (paru en juillet 1932) concernant la période allant de février à septembre 1931, écrivait : "Les constructions édifiées près du port au flanc de la Kasbah, abritent surtout des bureaux administratifs et militaires. Plus loin sur le Front de mer, se trouvent le souk, la poste, les baraquements à usage de comptoir, garages, hôtels, etc." (Robitaillie, p. 106).

Sur la rive Sud du front de mer, des constructions légères, bâties côté mer, représentaient le commerce et l'industrie à Agadir ; "ce qui caractérise Agadir, disait-il, c'est l'extraordinaire circulation qui s'y développe, l'activité qui s'y déploie, la foule bizarre qui s'y coudoie ; le tout s'apparente avec les caractéristiques d'une ville embryonnaire du Far-West" (Robitaillie, 1932, p. 106).

 
 
 

Ce fut l'éphémère front de mer au dynamisme exceptionnel et à la durée de vie programmée qui permit à Talborjt, au plateau administratif, à la ville nouvelle européenne de se développer et que nous allons étudier dans les pages suivantes.