Les souvenirs que l'armateur
Jean Le Rouzic a bien voulu nous confier nous permettent
d'introduire ce chapitre sur le port de pêche d'Agadir
dans les années 50-60.
Jusqu'à la fin de la guerre 39-44,
le port de pêche restait réduit à une darse
abritée par un embryon de jetée Nord-Sud où
se réfugiaient de nombreux petits bateaux de pêche.
Le tonnage de poisson ramené à Agadir par comparaison
avec celui du port de Safi était le suivant :
- En 1938 : 2 168 T (Safi : 9 054 T),
- En 1939 : 1 203 T (Safi : 15 500 T)
- En 1940 : 677 T (Safi : 12 724 T)
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La déclaration de guerre provoqua
un ralentissement économique à Agadir comme partout
ailleurs en raison du manque de carburant, des difficultés
à entretenir et remplacer le matériel de pêche.
Mais la nécessité de ravitailler les troupes d'opération
après le débarquement des alliés en 1942,
permirent à Agadir de se développer rapidement.
Une reprise de la pêche se produisit particulièrement
à Safi mieux outillée qu'Agadir.
Des armateurs et petits industriels d'Agadir se lancèrent
alors dans la salaison et le fumage de poissons pour lesquels
ils trouvèrent un écoulement facile tant en France
qu'en Afrique du Nord et Afrique noire.
À Anza, les premiers ateliers de salage et de saurissage
apparurent, puis ce fut en 1946, la conserverie Consaga et en
1947, 9 conserveries s'établirent à ses côtés.
En 1948, elles étaient 25 et les premiers ateliers de
salaisons se convertirent en conserveries. Très vite,
elles furent 50 conserveries en activité et 16 ateliers
de salaison.
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Pour ne pas manquer de poisson, certains
conserveurs se firent armateurs. La construction du port de pêche
était à la traine : ce n'est qu'en 1948 que fut
confiée à la Sté DAYDÉ, la construction
d'un port de pêche avec quai et halle aux poissons (terminée
en 1952), un slipway (plan incliné avec treuils et bers)
terminé en 1950.
Une criée s'établit, alimentée par de petits
chalutiers et des floucas. Quelques Marocains et Juifs très
pittoresques et très bruyants l'animaient l'après
midi car le poisson se transportait de nuit (à cause de
la chaleur) sur Casa ou les villes. Les sardiniers venant de
Casablanca, de Fédala (Mohammedia actuelle) allaient peu
à peu emplir le port. Une trentaine en 1948, une cinquantaine
en 1950, une centaine quelques années plus tard et de
plus en plus grands jusqu'à 20 mètres.
Des pontons avec rampe furent établis sur la jetée
pour le débarquement des poissons mis en caisses de bois,
et recouverts de gros sel.
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Quand un bateau rentrait au port, un
mousse, plongé dans la sardine, remplissait des "canastas"
en osier que les marins en chaîne amenaient aux caisses
sur les quais ; les manuvres ou "talmachous"
chargeaient ensuite les caisses pleines sur les camions des usines
qui passaient ensuite à l'agréage et à
la pesée.
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Au quai Est-Ouest, devant la halle aux
poissons, les sardiniers s'installaient en épi, étrave
au quai. Pendant ce temps, un mousse, sur son kanoun, grillait
des sardines pour les besoins de l'équipage, pour des
mendiants et des pêcheurs à la ligne qui venaient
quémander un seau de sardines qui ne se refusait jamais.
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La pêche augmentait du fait de
l'apparition de nouveaux bateaux de plus en plus grands. Le débarquement
de la sardine invendue ou impropre à la consommation ne
pouvait plus se faire par la manipulation des canastas. Il fallut
installer des pompes puissantes dans le grand bassin pour
aspirer dans les cales ce poisson dit "guano" destiné
à la farine et à l'huile, et à le déverser
dans des camions étanches.
Réginald Monia Ostrowsky (OMACI à Anza) installa la première
"suceuse" de sardines au port de pêche puis par
la suite en rajouta une autre sur chariot. Ensuite toutes les
usines de poissons eurent la leur.
À la bascule, on injectait dans le lot du bleu de méthylène
pour que le poisson ne soit pas livré à la conserverie.
Ce poisson était sans doute de qualité le plus
souvent mais de prix très inférieur.
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Il est indispensable, nous dit Jean Le
Rouzic, d'évoquer à cette époque, l'ambiance
qui régnait dans ce port, créée par la cohabitation
très amicale entre Marocains, Français, Espagnols,
Portugais, Italiens, Juifs marocains.
La nationalité n'avait pas d'importance et l'humour berbère
y jouait un grand rôle. C'est l'esprit de Founti qui imprégnait
tout le monde.
Cet esprit, Jean et Renée Le Rouzic (son épouse,
institutrice), qui habitaient sur le yacht "Djeilan"
amarré devant Founti, le ressentaient plus que d'autres.
Une "blague" partie le matin d'Agadir-Pêche faisait
dans la journée le tour de la cité.
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Jean Le Rouzic
se souvient encore d'Emmanuel de la Roche Macé
(dit Mano) d'Ancenis et de son partenaire juif d'une conserverie
voisine de la sienne, d'Yvon Hubert de Concarneau (directeur
d'Étamarbéziers à Anza), de Paul Pourtaud,
de Marcel Tardy d'Albi associé d'André
Guelfi et de tant d'autres dont le Raïs Aboudrar,
Ali Bou Allal, El Mekki, Amesguine.
Ce dernier emporté à la mer dans la nuit par le
filet et s'en dépêtrant réapparut à
la surface en criant : "Ah ! Couac, couac ; l'Assurance,
elle a de la chance !!"
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Le port avait aussi ses visiteurs attitrés
parmi lesquels des chalutiers de Vigo, d'Alicante, de Barbate
et d'Isla Christina, qui pêchaient habituellement le long
des côtes marocaines, maquereaux et sardines au chalut,
et s'y ravitaillaient ou s'y reposaient.
Mais la flotte la plus fidèle était celle des
langoustiers et homardiers de Camaret. Ils arrivaient traditionnellement
tous les ans à 21 bateaux au mois d'avril après
la fermeture de la pêche de 3 mois pour la protection du
stock de crustacés et ils faisaient ensuite 3 marées
de 3 mois et remontaient chaque fois en France avec le plein,
environ 5,5 tonnes de langoustes et homards vivants dans leurs
viviers de coques percées pour la circulation d'eau de
mer. Ils pêchaient sur Mogador, Imsouane, Cap Sim, Cap
Ghir et Tifnit. Ils étaient très liés aux
pêcheurs marocains qui les ravitaillaient en sardines pour
appâter leurs casiers.
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Ces bateaux de 20 m environ à
voile et moteur, venaient mouiller le soir entre la Madrague
et le village de Taghazout et pouvaient ensuite se rendre à
terre en canot. Régulièrement, ils venaient se
ravitailler à Agadir en vivres, boissons, appâts
(sardines et thons).
Monsieur Masquefa du Souk Sebt Guerdane, propriétaire
d'une station d'emballage, les approvisionnait gratuitement en
agrumes qui avaient été refusés à
l'agréage pour un défaut d'apparence.
Peu de temps après l'Indépendance, les eaux furent
portées à 35 milles et cette pêche qui s'effectuait
assez près de la côte fut désormais impossible.
Ce stock remarquable ne devait profiter à personne car
l'introduction au Maroc de filets maillants japonais invisibles
eut vite raison de ce pactole.
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La nuit, le port recevait des visiteurs
clandestins. Au début des années 50, quand fonctionnait
la Madrague de Vergara, Jean et Renée qui logeaient dans
la darse de Founti, voyaient passer le soir, tirées par
un petit remorqueur deux ou trois grosses "mahonnes"
(bateaux de charge à deux bouts pointus) chargées
à ras bord de tassergalts (d'un poids moyen de 5 kgs environ).
Pendant la manuvre d'accostage au ponton, des pirogues
et des floucas venaient très discrètement se ranger
sous le couvert des mahonnes et leurs occupants tiraient sur
les queues des tassergalts très huileux qu'ils embarquaient
pour aller les vendre à Founti
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aux Marocains ou aux Juifs qui raffolaient
de ce poisson très abondant alors et devenu rare aujourd'hui.
Les jeunes garçons du coin faisaient en passant un signe
de complicité sachant qu'ils ne seraient pas dénoncés
aux marins espagnols de Vergara. Les Mahonnes vides étaient
ensuite amarrées dans la darse et aussitôt livrées
aux sternes très bruyantes. Les pêcheurs camarétois
qui en recueillaient également sur leurs bateaux, la nuit
au mouillage, les appelaient les Tchu-Tchi-Couac-Couac
d'après les cris qu'elles poussaient.
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Cette vidéo a été
réalisée dans la réserve aquatique Cabbage
Tree Bay à Manly, une banlieue de Sydney en Australie.
Pomatomus (Temnodon) saltatrix, vulgairement connu sur la côte Nord-Ouest
d'Afrique sous le nom de Tassergal et encore mieux connu,
parce qu'abondant, sur la côte orientale des États-Unis
sous le nom de "Poisson bleu" ou Blue fish.
(Jean Le Gall Le Tassergal ou Blue Fish - Pêches
coloniales)
(Souvenirs de Jean Le Rouzic, armateur, Agadir
années 50-60).
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