Le port - Souvenir de Lahsen Roussafi

1955-1965


 

 
Dans les années 50, je fréquentais le port, tout jeune pour aller chercher le poisson gratuitement ou pour le pêcher dans les cales volantes.

En effet, lors du mois de Ramadan, nous étions nombreux à aller pêcher entre 12 h et 15 h, quand on était à l'école primaire de M. Simon. En moins de trois heures, nous arrivions à ramener beaucoup de poissons divers que nous écoulions surtout au quartier juif de Talborjt.
Nos institutrices (Mme Coëffic et Mme Faccio) le savaient et nous disaient : "Ça sent bon le poisson frais !".


Je ne me souviens pas qu'il y ait eu un marché parallèle sur les quais pour la vente au détail comme actuellement. Le poisson était à la portée de tout le monde au bassin et à la grande jetée.
C'est vrai, il y avait moins de monde que maintenant. Le port faisait partie de notre objectif en été, pour réaliser des performances lors des jeux du 15 août qui coïncidaient avec la Fête de la mer.

Ce qui nous poussait à aller au port, c'était encore la visite de Founti, couper la soif dans cette source historique. Cette source où nous nous lavions avant de regagner les classes pour atténuer les odeurs.
Je n'ai jamais oublié ces heures passées le long du Boulevard Alibert, où accoudés sur la murette nous suivions les jeux nautiques qui se déroulaient au bassin "Hollande".
En tant qu'enfants, on ne nous demandait pas d'autorisation pour entrer au port, ni de présentation de facture des poissons sortis. Il m'arrivait de sortir des petits sacs confectionnés (3-5 kg) où je mettais du blé "ramassé".


Il nous arrivait d'aller surprendre les ablutions des jeunes filles à la source Lalla Charija pas loin de la maison Bridoux. Je me souviens de la Moqaddem très âgée qui nous disait : "Qu'est-ce vous contemplez ? Allez, vous êtes encore petits !".

Je passais mon temps à admirer les chargeurs de poisson. Pour chaque dizaine de caisses chargées, on nous donnait une part (quelques 5 kg) de sardines, anchois et autres. On priait pour eux pour que la prochaine sortie soit encore plus fructueuse.

Aujourd'hui, plus rien n'existe de tout ce que je viens d'écrire. Les ports ont grandi, les pensées envers les démunis se sont évaporées. Il faut dire que le poisson d'antan a changé de demeure.
Nous disons, nous autres "d'autrefois" que la baraka est partie comme les précédents hommes … d'autrefois !

Lahsen Roussafi
Février 2015