Dans les années 50, je fréquentais le port, tout jeune pour aller
chercher le poisson gratuitement ou pour le pêcher dans
les cales volantes.
En effet, lors du mois de Ramadan, nous étions
nombreux à aller pêcher entre 12 h et 15 h, quand
on était à l'école primaire de M. Simon.
En moins de trois heures, nous arrivions à ramener beaucoup
de poissons divers que nous écoulions surtout au quartier
juif de Talborjt.
Nos institutrices (Mme Coëffic et Mme Faccio) le savaient
et nous disaient : "Ça sent bon le poisson frais
!".
Je ne me souviens pas qu'il y ait eu un marché parallèle
sur les quais pour la vente au détail comme actuellement.
Le poisson était à la portée de tout le
monde au bassin et à la grande jetée.
C'est vrai, il y avait moins de monde que maintenant. Le port
faisait partie de notre objectif en été, pour réaliser
des performances lors des jeux du 15 août qui coïncidaient
avec la Fête de la mer.
Ce qui nous poussait à aller au port, c'était encore
la visite de Founti, couper la soif dans cette source historique.
Cette source où nous nous lavions avant de regagner les
classes pour atténuer les odeurs.
Je n'ai jamais oublié ces heures passées le long
du Boulevard Alibert, où accoudés sur la murette
nous suivions les jeux nautiques qui se déroulaient au
bassin "Hollande".
En tant qu'enfants, on ne nous demandait pas d'autorisation pour
entrer au port, ni de présentation de facture des poissons
sortis. Il m'arrivait de sortir des petits sacs confectionnés
(3-5 kg) où je mettais du blé "ramassé".
Il nous arrivait d'aller surprendre les ablutions des jeunes
filles à la source Lalla Charija pas loin de la maison
Bridoux. Je me souviens de la Moqaddem très âgée
qui nous disait : "Qu'est-ce vous contemplez ? Allez,
vous êtes encore petits !".
Je passais mon temps à admirer les chargeurs de poisson.
Pour chaque dizaine de caisses chargées, on nous donnait
une part (quelques 5 kg) de sardines, anchois et autres. On priait
pour eux pour que la prochaine sortie soit encore plus fructueuse.
Aujourd'hui, plus rien n'existe de tout ce
que je viens d'écrire. Les ports ont grandi, les pensées
envers les démunis se sont évaporées. Il
faut dire que le poisson d'antan a changé de demeure.
Nous disons, nous autres "d'autrefois" que la baraka
est partie comme les précédents hommes
d'autrefois
!
Lahsen Roussafi
Février 2015