Sidi Boulknadel

Lalla Sfia N'Brahim

 Sidi Abdallah Ou El Hadj

Sidi N'Bir

 Sidi Bourja

 Sidi Boutini

 Sidi Tounsi

 Aït El Ghezoua

 Les autres saints d'Agadir

 

 

Au cours du XVe s. l'Islam se modifia par une sorte de renouveau populaire dérivé du mysticisme musulman (soufisme) en particulier dans le Sud marocain. L'établissement des Portugais à Mogador et à Agadir, eut pour conséquence de générer une puissante réaction maraboutique qui aboutit à leur défaite (Montagne, p. 22, Les Berbères et le Makhzen dans le Sud du Maroc).
C'est dans ces circonstances qu'apparurent au sein des tribus, des personnages religieux qu'on appela marabouts, saints, vénérés, mourabit en arabe, agourram - igourramene au pl. en berbère, ouali - oualiya au pl., dont le prestige fut immense durant des siècles ; ils pouvaient unir les Musulmans contre les étrangers, en prêchant les devoirs de l'Islam, en vantant la vie mystique et en appelant à la guerre sainte (Montagne, p. 83). Jusqu'au début du XVIIe siècle, la vie politique fut entièrement dominée dans le Sud du Maroc par l'activité maraboutique (Montagne, ibidem, p. 82).
Selon Justinard, le Sous était très islamisé mais dans ce pays d'indépendance et d'individualisme, la religion prit une forme particulière. La grande floraison maraboutique du soufisme berbère au XVIe s. n'a peut-être été nulle part au Maroc, aussi abondante que dans le Souss. Sidi Mohamed Ben Slimane el Jazouli El Semlali (un des sept patrons de Marrakech) qui a donné son nom à la doctrine mystique du Jazoulisme est un Chleuh de l'Anti-Atlas. Les saints du Souss se comptaient par centaines, fréquemment originaires des Ida Oultit et du Djebel Lkest si on en croit un recueil trouvé au Tazeroualt par Justinard dans les années 30. Ces saints développèrent une religion à tendance mystique opposée au puritanisme wahhabite qui n'admet pas d'intercession entre l'homme et Dieu. Ainsi chez les Chleuhs, le culte des saints était très répandu avec quantité d'intercesseurs qu'ils invoquaient familièrement à toute heure de la vie.
Chaque village, chaque quartier, chaque corporation de métier avait un saint protecteur. "Le Pays des Jazoula est la contrée qui fit naître saints et hommes pieux comme la terre fait bourgeonner la mauve", aimait à dire le saint des saints du Souss Sidi Ahmed Ou Moussa du temps du sultan saadien Moulay Abdallah El Ghalib Billah.

 Mausolées - koubbas et simples tombeaux

 
 Les koubbas des mausolées sont encore innombrables, "cubes surmontés d'une coupole dont la robe de chaux met si souvent une tache blanche dans la campagne marocaine"
(CADN, Lieutenant Colonel Justinard, La religion dans le Souss, Série Documentation Zaouias et Confréries, 27, 1933).

On y pénètre par une petite porte. Une balustrade en bois, le "derbouz" entoure le tombeau du saint souvent recouvert d'étoffes soyeuses de tons pâlis ou bien de couleurs vives rouges et vertes.
Quelques fois des chiffons étaient accrochés à la porte par la piété des femmes ; des poteries avec des débris de charbon et une odeur d'encens flottaient indéfiniment dans la pénombre.
C'est le tombeau d'un saint connu ou inconnu.

Parfois la quoubba est solitaire et il n'y a pas de gardien. Parfois un petit bâtiment voisin abrite des descendants du saint qui accueille les offrandes des pèlerins. C'est la forme la plus simple d'une zaouia, simple lieu de groupement des descendants de saints qui n'ont pas créé de confrérie. Les descendants peuvent jouir de la baraka du saint et des biens constitués en sa faveur. Les terrains de main morte qui leur étaient réservés portaient le nom d'agdal.
Quoiqu'il en soit, on y venait en visite pieuse, en "ziara". On apportait des offrandes ou des sacrifices pour obtenir une faveur ou pour s'acquitter de vœux faits en vue d'obtenir une faveur.
 

 
 Dans le Souss, les sanctuaires les plus vénérés furent ceux de
Moulay Brahim du Kik,
de Lalla Aziza des Seksawa,
de Sidi Ou Sidi
(Abou Mohamed Saleh ben Ouandalouss de Taroudant décédé en 592 H, fils du célèbre ouali Sidi Ouasmine Er Regragui),

Sidi Saïd Ou Abd en Naïm des Haha et de Sidi Ahmed Ou Moussa du Tazerwalt, patron des voyageurs et des acrobates.

Sidi Saïd Ou Abd en Naïm fonda au début du XVIe siècle, la zaouïa des Aït Daoud chez les Haha.
Il avait la réputation d'être un grand découvreur de sources.
Son fils Abdallah, menacé par les sultans en raison de son indépendance, s'établit en montagne.
Son petit-fils Yahya Abou Zakarya se rapprocha de Taroudant.

Dans le Souss, on trouve le saint Sidi Mehend Ouchchen et ses descendants chez les Haha ainsi que Sidi Brahim Ou Ali N'Tghanimine, disciple de Sidi Saïd Ou Abd en Naïm chez les Ida Ou Tanane (ibidem, p. 93-4).

 
 Zaouias

Les zaouias sont des établissements religieux à la fois sanctuaire où s'accomplit le culte, une école où l'on enseigne le Coran, un lieu d'accueil pour les pauvres.
Pour les saints les plus vénérés, une grande zaouia se bâtit parfois près de leurs tombeaux, maison de prière et maison de rapport pour les descendants du saint dans laquelle on héberge les pèlerins et centre d'enseignement sous la forme d'une médersa ou d'une école coranique simple "akharbich".
Tous ces saints ont leur histoire, mêlée à l'histoire du pays. Les Mnaqibs ou Vie des saints sont presque les seuls documents anciens pouvant fournir des détails sur l'histoire du pays. Les légendes même les plus absurdes en apparence contiennent une part de vérité (Justinard, ibidem).
Les plus grands saints du Souss (Sidi Ahmed Ou Moussa, Sidi Saïd ou Abd en Naïm, Sidi Mohamed ou Yacoub) ne créèrent pas de confrérie, ne laissèrent pas d'ouard mais leurs descendants jouirent de leurs barakas et de leurs biens.

 Confréries soufies

À cette époque apparurent les Confréries avec leurs annexes que l'on retrouve à Agadir dans les différents quartiers : Founti, la Kasbah, à Talborjt, au Quartier Industriel et à Yachech et certaines perdurent dans les quartiers actuels.

Les confréries sont des groupements fondés par des personnages religieux dans un but mystique, réunissant des initiés (foqara) ayant en commun certaines obligations ; partie du Coran imposée comme lecture(Ouard), des prières (dikr) et obéissent à un chef spirituel (cheikh).

Parmi les différents ordres religieux (tariqa, turuq au pl.), les tariqa Naciria, Tijania, Derqawa, Qadiria furent les plus répandus dans le Souss :

  • La tariqa Chadilia procédant du Jazoulisme fut fondée par Abou Al-Hassan Al Chadilia (disciple de Abdessalam ben Mchîch) qui avait opté pour un soufisme combattant les déviations populaires ;
    à cette tariqa se rattachait la Naciria fondée vers 1575 à Tamgrout par Abou Hafs Omar ben Ahmed Al-Ansâri basée sur la Sunna.
    Une autre zaouia Naciria fut fondée à Timgguiljt entre Tafraout et Tiznit, d'autres furent fondées à Agadir, Tiznit et Taroudant ;
    La zaouia de Tighanimine, centre important de Chorfa fondé par Sidi Brahim Ou Ali à Souk Tnine des Ida Ou Tanane avait 2 moussems, un au printemps et un en automne.
    Les Naciria des Ahl Agadir avaient leur zaouia à Djorf chez les Ksima depuis 1294 H, où enseigna Sidi Mohamed Ould Bou Beker Tamghrouti puis le moqaddem Sidi El Hadj Brahim El Ksimi ;
    une zaouia Naciria ainsi qu'une école coranique se trouvaient rue Amiri à Talborjt avant le séisme ;
    une autre petite zaouia Naciria à l'entrée de Yachech.
    À la tariqa Chadilia se rattachaient également la Taibia, l'Aïssawa ;
  • La tariqa Qadiria se rattachait à la Mokhtaria ;
  • La tariqa Tijania la plus récente ne se rattachait à aucune autre. Elle fut fondée en Algérie par le Cheikh Sidi Ahmed Al Tijâni (1737-1815), fqih malékite.
    C'est celle qui comptait le plus d'affiliés chez les Ahl Agadir. Elle aurait été introduite au XIIIe siècle (H) dans le Souss par le Cheikh Sidi El Hadj Saïd El Hihi qui avait reçu du Cheikh Sidi Mohamed ben Akensous l'autorisation d'enseigner les principes.
    Le Cheikh Sidi El Hadj Saïd fut enterré à Drarga, village des Mesguina Aït Abbès, situé sur la rive droite du Souss à 20 km d'Agadir. Son sanctuaire devint le centre d'une zaouïa dont le moqaddem fut Sidi Saïd Ould El Arabi Ould Ech-Cheikh Sidi El Hadj Saïd (Boniface, p. 20).
    La petite zaouia de la Kasbah d'Agadir était une zaouia Tijania.
    À Founti, il y avait deux zaouias dont une Tijania dans une des maisons Ksimi (boulevard Alibert).
    La zaouia de la rue de la Zaouia à Talborjt relevait de la tariqa Tijania.
    Au Quartier industriel, la zaouia de la Cité Lbattoir avec sa petite école coranique, les deux zaouias Couscous de la rue de Meknès et de la rue d'Oujda (devenue mosquée à minaret) et la petite zaouia de la rue Moulay Driss relevaient de la tariqa Tjania.
    À Anza, la zaouia des frères Hadj Aït Taghjijt Miloud et Brahim étaient Tijania.
    Une zaouia Tijania existait à la mosquée sans minaret de Yachech.
    À Tiznit, la zaouia sur le méchouar relevait de la tariqa Tijania ; il y avait à Taroudant deux zaouias Tijania et une à à Tiout.
  • La tariqa Derqawa était le prolongement de la tariqa Chadilia.
    Cette tariqa atteignit son apogée grâce aux efforts de Sidi Hadj Ali ben Ahmed Al-Darqâwi (père de Mohamed Al-Mokhtar Al-Soussi (1900-1963). Il se retira avec les fouqara en se séparant de l'habit des Oulemas. Il prit un bâton, un vêtement rapiécé, un rosaire autour du cou, se déplaçait de village en village, de souk en souk se conformant aux exigences de la tariqa : "Silence, faim, dikr (invocation) et solitude".
    Il construisit la zaouia Derqawa à Dougadir (son village natal) en 1885, qui devint le centre d'un moussem annuel.
    Cet ordre perdit de son influence à partir de la révocation de l'ancien pacha Mohamed Ould El Hadj Hassan El Ksimi qui comptait parmi ses adeptes. (Abdelkabir Faouzi, L'enseignement et l'éducation dans l'œuvre de Mohamed Al Mokhtar Al-Soussi, région du Souss (XXe siècle), 2003).
    Deux zaouias Derqawa se trouvaient à Talborjt : une, rue Allali, avant le séisme, près de la résidence du caïd Derqawi, l'autre à Founti dans une maison Ksimi.

Almouggar et Moussem


Anemouggar (pl. inemouggarene en berbère) et almouggar (pl. almgagir) du verbe nmouggour se rencontrer) ; le nom arabe est moussem (pl. mouassem).
Les moussems furent créés au XVIe s.
Ces foires saisonnières, religieuses et commerciales se déroulaient près des lieux saints quand les marabouts étaient assez puissants pour assurer des trêves dans les querelles et les guerres et assurer la sécurité des routes et des marchés (CADN, Lieutenant Colonel Justinard, La religion dans le Souss, Série Documentation Zaouias et Confréries, 27, 1933).
La réunion durait plusieurs jours. Le premier jour, les pèlerins faisaient leurs dévotions, le deuxième jour était celui des affaires et le troisième jour celui de la grande prière et de la dislocation (souvent un vendredi).

Saints de Founti

Les Ahl Agadir (originaires des Ksima, Mesguina, Ida Ou Tanane) vouaient un culte fervent à leurs saints dont les mausolées se trouvaient nombreux à Founti, sur la colline et dans la Kasbah.
Selon la légende, la plupart de ces saints avaient pris part à la guerre sainte contre les Portugais.

  • Sidi Boulknadel, l'Homme aux lanternes, l'Agourram de Founti

Le plus vénéré des saints de Founti fut Sidi Mohamed Ben Yahia, connu sous le nom de Sidi Boulknadel (Bou El Quenadil) ou encore Bou Tifaouine (l'Homme aux lanternes) patron des pêcheurs et des gens en perdition, patron de Founti.

Sidi Boulknadel

  • Lalla Sfia N'Brahim
    En arrière du mausolée de Sidi Boulknadel se trouve le tombeau de Lalla Sfia N'Brahim, fille de Sidi Brahim Ou Ali de la zaouia de Tighanimine dont le tombeau fut déplacé depuis la place Bourguignon lors des diverses constructions dans les années 40.

Lalla Sfia

  • Sidi Abdallah Ou El Hadj

Sidi Abdallah


  • Sidi N'Bir (Sidi Ali Ou Ahmed)


 
 

 

Le mausolée de Sidi Nbir était très proche du camp Alibert avec un petit cimetière.



Sidi N'Bir

  • Sidi Bourja

 
 

 

Ce saint serait originaire des Neknafa.

Autre combattant des Portugais, son sanctuaire se trouvait à mi pente de la colline, non loin de l'ancien fort portugais.

Sidi Bourja

  • Sidi Boutini

Le nom de Sidi Bou Teïni (Sidi Boutini) serait Ali Ou Hmad Ben M'bark ben Omar El Mesguini El Abbassi.

Sidi Boutini serait mort en combattant ; il fut enterré à l'ombre d'un palmier majestueux dans le cimetière situé au Sud de Founti (Boniface, 1927, p. 22).

 

 

  • Sidi Tounsi

 
 Sidi Tounsi serait mort en combattant à El Ghezwa où il est enterré dans une simple tombe blanchie à la chaux (El Qber) ; il aurait eu le corps coupé en deux par un boulet de canon ; une partie de son corps aurait été enterrée sur place et une autre chez Les Chtouka.

  • Aït El Ghezoua
    À l'extérieur des remparts de la Kasbah, seraient enterrés les fidèles tués pendant le siège de Founti au XVIe s.: on les appelle les Aït El Ghezwa. On les honorait en même temps que Sidi Boulknadel (Boniface, 1927, p. 22).

    Boniface dans son rapport de 1927 cite le nom des moudjahidines Sidi M'barek et de Sidi Abd Alllah Ou M'barek.
    On trouve dans les archives portugaises le nom du caïd Sidi Ou Mbark (fils du marabout de Tidsi, cousin et beau-frère de Mohamed Ech-Cheikh Es Saadi) qui perdit la vie en 1525 dans le ravin de Tildi à l'occasion d'une expédition de 400 lances qu'il dirigeait avec 3 autres caïds contre Santa-Cruz (SI Port. II, 16 janvier 1525, p. 332-342).

Selon des anciens Gadiris, un petit cimetière très ancien se trouvait à l'abandon sur la rive droite du Tildi près de la Cité Rocca à côté d'une vieille bâtisse qu'on pouvait encore voir sur les photos des années 50.

  • Parmi les autres saints d'Agadir :

    - À la Kasbah :

Le tombeau de Sidi Bou Jemaa Ignaoune originaire du Sahara réunissait pendant plusieurs jours à son moussem qui avait lieu chaque année à la fin de l'été, les esclaves des Ahl Agadir (Boniface, p. 23-24).

 Sidi Bou Jemaa


Lalla Yamena Brahim autre fille du Chérif de la zaouia de Tighanimine était honorée d'un moussem avant les semailles auxquels se joignaient les Houara.

 Lalla Yamena Brahim

- À Tildi, près d'une source appelée la Source du Marabout, se trouvaient la koubba de Sidi Ahmed Ou Mohand, ancêtre des Chorfa de la Zaouia de Tarrast des Ksima ;

- À Yachech : Le saint Sidi El Ghazi Ou Hmad est enterré à l'entrée de Yachech. Son mausolée entouré d'un petit cimetière ne fut pas détruit par le séisme. Le petit cimetière qui l'entoure serait très ancien (Lahsen Roussafi).

- À Anza, un autre moudjahid : Sidi Sahnoun (Sidi Hnine) a son sanctuaire près de la route d'Agadir à Essaouira (Tiroir Sidi Hnine d'Anza).

- En Ville nouvelle : Sidi Bel Abbès fut un saint vénéré par les femmes, mitoyen de la villa du Dr Sallard enterré sous un arganier. Tous les vendredis elles préparaient sous l'arganier du couscous pour les plus démunis. Cela n'est pas sans rappeler Sidi Bel Abbès es Sebti, cheikh et savant qui incitait les gens à offrir leurs premières ressources aux nécessiteux. Il y a des années encore on commémorait la "part de Sidi Bel Abbès" (zlafet Sidi Belabbas) à Taroudant.

- À Taddert : Sidi Bou Jaffar de Taddert est le frère du saint vénéré d'Aourir, Sidi Amor Ou Saïd et de Sidi Bou Daoud enterré aux Aït Youssi chez les Haha ; tous les 3 morts au combat (Boniface, p. 24).