Sidi Boulknadel
L'homme aux chandelles

 
 
 

 

 Le plus vénéré des saints de Founti fut Sidi Mohamed Ben Yahia, connu sous le nom de Sidi Boulknadel (Bou El Quenadil) ou encore Bou Tifaouine (l'Homme aux lanternes) patron des pêcheurs et des gens en perdition, patron de Founti.

Le moussem de Sidi Boulknadel avait lieu vers le 15 Chaaban et attirait à Founti de nombreux visiteurs des environs.

La corporation des marins de Founti (une quarantaine de membres en 1927) avait pour patron Sidi Boulknadel, auquel on réservait sa part de la pêche, dans la crainte de voir apparaître le saint sur les flots, tout de blanc vêtu, monté sur sa chamelle, réclamer son dû aux pêcheurs qui l'auraient négligé (Boniface, 1927, p. 33).

 Zaouia de Sidi Boulknadel

La tombe creusée à l'endroit appelé Tioughza N'nçara (lieu où l'on pille les Chrétiens) devint une petite zaouia comprenant le sanctuaire, un fondouk et des boutiques. Cette zaouia aurait été édifiée vers 1875 par Si Ali Ould Mohamed Goujjan dans le but de procurer des revenus aux descendants du saint (Boniface, p. 22, 1927). Ces biens étaient gérés par les Habous.

 Légende de Sidi Boulknadel

Une légende le faisait vivre au temps de Youssef Ben Tachfine qui lui aurait dédié un livre du Coran transmis de génération en génération.
Selon une autre croyance, Sidi Boulknadel serait un chérif originaire du Tafilalet qui descendrait de Sidi Bou Brahim Ed-Dghoughi enterré à Bira Ouijjan chez les Ida Ou Baaqil.
Mokhtar Soussi écrivit ceci à propos de Sidi Boulknadel : "Les Dghoughi Ouajjani prétendent qu'ils sont de sa lignée. Moi, j'ai vu les dahirs relatifs à ses fils. Les Regraga prétendent eux aussi la même chose. Dieu seul sait".

 Le sanctuaire vénéré de Sidi Boulknadel devrait son origine et sa situation à un fait historique :
la prise de Santa-Cruz portugaise par les Saadiens en 1541 et à la pieuse légende s'y rattachant.

Un des assaillants ayant été tué puis enseveli, on aperçut au cours de la nuit sur son tombeau, des lampes qui brûlaient en signe manifeste de sa sainteté.
Pour honorer sa mémoire, on aurait construit un mausolée portant le nom de Sidi Bou El Quenadel (Rapport Boniface 1927, CADN).

Le nom de Boulknadel évoque en particulier les mille feux, cierges allumés pendant la nuit dans ce mausolée, qui permettaient aux pêcheurs en mer de s'orienter avant la construction du phare.

La légende raconte que le saint aurait été un moudjahid ayant combattu les Portugais à côté des Saadiens. Une fois les Portugais chassés, le saint se serait installé à cet endroit jusqu'à sa mort et y aurait été enterré.

 

Selon la légende qui a cours, Sidi Boulknadel aurait été de son vivant un saint homme qui priait Dieu et prêchait la bonne parole. Les habitants de Founti, en majorité des pêcheurs, venaient près de lui car la présence de cet homme dans leur village leur apportait la prospérité. Cependant, une partie de la population vivait des naufrages qui se produisaient sur les récifs de la côte et cherchait à les provoquer ; ces gens soutenaient que les bateaux en péril étaient une manne envoyée par Dieu. Le saint homme essayait par la bonne parole, de les convaincre que ce qu'ils faisaient était interdit par la loi et par la religion ; qu'il s'agissait d'un crime que Dieu ne pardonnerait jamais. Ces gens-là ne voulaient rien entendre.
Un jour, lors d'une sortie de pêche, ils demandèrent au saint de les accompagner dans le but de se débarrasser de lui. Le saint crut qu'il avait été entendu et accepta. Arrivés au milieu de la mer, ils le jetèrent dans les flots, lui qui ne savait pas nager et revinrent au village, satisfaits d'avoir mis fin à la vie du gêneur. Tout le village crut que le pauvre homme avait péri dans l'océan.
Mais un jour, alors que les pêcheurs préparaient leurs filets, ils virent au sein des déferlantes, un homme ou plutôt une sorte de fantôme qui s'approchait du rivage ; il semblait marcher à la surface de l'eau comme s'il s'agissait de la terre ferme.
Ceux qui avaient voulu se débarrasser du saint, le reconnurent et s'enfuirent.
Le saint ne prononça pas un seul mot ; il se dirigea vers la mosquée et pria Dieu comme il avait l'habitude de le faire.
Il alluma des feux sur la montagne d'Agadir Ouflla pour permettre aux bateaux d'éviter les récifs. Les malfaiteurs essayèrent à plusieurs reprises d'éteindre les feux mais à chaque fois, ceux-ci se rallumaient.
Tous comprirent que pour avoir de tels pouvoirs, cet homme était un saint et se mirent à le respecter.
Les malfaiteurs commencèrent à changer de comportement et devinrent des pêcheurs ordinaires ; ils apprirent à gagner leur vie honnêtement.
Sidi Boulknadel aurait vécu en ermite là où il fut inhumé. Son tombeau devint un lieu de recueillement pour les pêcheurs qui célébraient chaque année au mois de Chaâbane, une fête religieuse à la mémoire du saint vénéré.
La fête de Sidi Boulknadel attirait à Founti non seulement les pêcheurs et leurs familles mais aussi les visiteurs des alentours (légende recueillie par Lahsen Roussafi).

 Sanctuaire et moussem

Le sanctuaire de Sidi Boulknadel devint un lieu de recueillement mais également de recherche de la baraka du saint pour guérir des maladies, assurer la fertilité des femmes, etc.
Le sanctuaire était ouvert toute la semaine mais le vendredi était le jour de visite le plus prisé. Les femmes venaient avec des offrandes et allumaient des bougies en demandant la baraka.
Pendant le moussem consacré au saint, les femmes confectionnaient le 1er jour les gâteaux traditionnels et assistaient aux sacrifices des animaux avant de préparer les plats de couscous. Le jour suivant, les fqihs lisaient les versets coraniques avant de se regrouper près d'un palmier. Les offrandes étaient ensuite exposées (Majda Saber, La baraka de Sidi Bouknadel, Aujourd'hui.ma, 2008).

 

 Après le séisme du 29 février 1960
Le séisme de 1960 détruisit le mausolée de Sidi Boulknadel qui fut reconstruit en 1962 mais pas à l'identique. Une mosquée à minaret fut ajoutée.
Ce sont maintenant des anciens habitants de l'ancien Founti qui assurent la gestion de Sidi Boulknadel reconstruit : Aït Ougourram, Aït Ouboudrar, Aït Imjad.
Hadj Mohamed Ben Lahoucine Largo fut président de la Commission chargée de la gestion des biens du sanctuaire des années 60 à 80. Les descendants de la zaouia de Founti depuis la mort d'Hadj Largo assurent la gérance du sanctuaire avec Ahmed Kimaoui, Hadj Brahim Kimaoui puis Hadj Mohamed Errabani.

 

 

Photos en couleur : reconstitution de Sidi Boulknadel après le séisme
comparaison avec les photos en noir et blanc d'avant le séisme.