Agadir - sous la dynastie des Alaouites

 

 

 En 1670, Moulay Er Rachid marcha sur Iligh, capitale du Tazerwalt ; Agadir lui ouvrit ses portes mais ne tarda pas à retrouver son indépendance (D. Jacques Meunié, T II, p. 760).

 

 Agadir aurait connu un bon développement sous le règne du grand sultan alaouite Moulay Ismaïl (1672-1727) devenant un important centre de commerce caravanier avec le Soudan, connu sous le nom de "Bab Es Soudan". Selon l'explorateur Oskar Lenz, toutes les caravanes s'y rendaient (O. Lenz, I, pp. 366-7).

 

 Mais à la mort du sultan Moulay Ismaïl en 1727, l'anarchie s'installa dans le Souss en particulier sous le sultan Moulay Abdallah (plusieurs fois proclamé puis renversé) jusqu'à la nomination de son fils Sidi Mohamed comme gouverneur du Souss.



 

 

 


Séismes de 1731 et de 1755


Agadir aurait subi un séisme en 1731 ("Von Hoff écrit : 1731 - Ein Erdheben verwüstet die Stadt Sainte-Croix in Marocco" : Un tremblement de terre détruit la ville de Sainte-Croix au Maroc) (D'après Verneur, Journal de Voyage, t. XV, p. 50) ; Le commandant Roux (1934) identifie Sainte-Croix à Santa-Cruz d'Agadir (Cité par J.-P. Rothé, Séisme d'Agadir et séismicité du Maroc, 1962, p. 18).
On peut constater que le nom de Sainte-Croix persiste encore dans les écrits européens.
La Kasbah d'Agadir Ouflla aurait été restaurée ou reconstruite en 1732.

En 1755, le grand tremblement de terre qui détruisit Lisbonne aurait affecté le Maroc et Agadir à nouveau (Rothé, La séismicité au Maroc, p. 20, 1962).

 



Gérance du port d'Agadir

La plupart des ports du Maroc étaient mis en gérance par les sultans. Les Juifs qui jouaient un rôle prépondérant dans le commerce prenaient à ferme ou à rente les droits des souverains dans les ports.
En 1762, on apprend par Georg Høst qui fut vice-consul danois à Souira, que "le juif Ben Isso" tenait en gérance le port d'Agadir, pour lequel il était redevable d'une somme de 20 000 piastres.
Connaissant bien ce Juif, le sultan Mohamed Ben Abdallah le fit venir devant lui et lui aurait dit :
"Toi, le truand, tu vas recevoir la peine que tu mérites, non pas à cause de l'argent que tu me dois personnellement - tes frères (les autre Juifs) me le paieront jusqu'au dernier sou - mais pour ce que, toute ta vie durant, tu as truandé tant chez les Maures que chez les Chrétiens, et même chez les autres Juifs" ; "Et il lui fit couper les deux mains" (G. Høst, p. 62).

 Par ailleurs, le nommé Taleb Salah Ben Daoud El Mejjatti se serait rendu indépendant, propriétaire de nombreuses terres irriguées et habousées avec Agadir comme capitale. Il percevait des droits sur les bateaux étrangers et des redevances sur les caravanes.
Le sultan aurait résolu de le soumettre et vint camper avec sa mehalla chez les Haha Aït Tameur. Moulay Mohamed ben Abdallah aidé des Ksima du Cheikh El Hadj El Hassan Ben Ali put se porter au lieu dit Boggam au pied de la forteresse d'Agadir. La place se serait rendue après quelques jours de siège et Taleb Salah aurait été pris vivant et condamné à la torture. Il aurait réussi à se donner la mort.
Parmi ses descendants, se trouverait le Cheikh Mohamed Ben El Hassan Amjott (1927, Rapport Boniface, p. 7-8)

 
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Création de Mogador (Essaouira, Tassourt) - Déclin et fermeture d'Agadir (1765-1776)

En 1764-5, le sultan Sidi Mohamed ben Abdallah (1757-1790) décida de créer le port d'Essaouira (Mogador) en un lieu autrefois occupé par les Portugais, pour s'assurer et contrôler le monopole du commerce maritime et mettre un terme à l'insoumission des tribus du Souss qui menaçaient la sécurité de l'empire.
En conséquence, le port de Massa sera détruit et celui d'Agadir fermé en 1765 puis définitivement interdit aux navires étrangers en 1776.
Les habitants d'Agadir durent quitter la ville et s'installer à Essaouira où un quartier "Derb Ahl Agadir" leur fut attribué. Des négociants juifs furent encouragés à venir s'installer à Souira (Tassourt), logés à l'intérieur de la Kasbah. Les familles juives commerçantes Aflalo, Pena, Guedala (familles de Tujjar Es Soltan) quittèrent Agadir.


Le consul de France à Mogador, Louis Chénier, confirmera que la place d'Agadir fut pendant longtemps le centre d'un grand commerce jusqu'en 1773 ; les nations de l'Europe y avaient plusieurs établissements que l'empereur fit passer à Mogador, "après avoir fait démolir les fortifications de cette ville".

À partir de cette date, le mouillage d'Agadir ne sera plus guère fréquenté et la ville sera quasiment ruinée
(D. Jacques-Meunié, II, 555).

Les voyageurs qui traversaient le Souss et passaient devant Agadir, s'étonneront de cette situation déplorable ; en 1789, le chirurgien anglais William Lempriere appelé à Taroudant pour soigner le fils du sultan Sidi Mohamed Ben Abdallah, put observer que la place d'Agadir était déserte ; Il s'étonna qu'on n'ait pas continué à donner la préférence à cette place pour toutes les spéculations de commerce (W. Lempriere, 1791, Voyage dans l'Empire du Maroc et le Royaume de Fez fait pendant les années 1790 et 1791). Dans la traduction française de cet ouvrage sous le titre : "Le Maroc il y a 100 ans" figure une gravure de Peter Haas représentant la Kasbah d'Agadir Ouflla et Founti (Santa Cruz) qu'on retrouve dans l'ouvrage de Georg Höst, vice-consul danois à Mogador (Efterretninger om Marokos og Fes (1760-1768).

 En 1880, l'explorateur Oskar Lenz séjournant dans le Souss, constata à son tour que le port d'Agadir était le meilleur des ports marocains ; cependant, il était vide et abandonné. La ville était en complète décadence ; elle ne comptait que quelques centaines d'habitants, tous Maures, à l'exception de quelques familles juives. Agadir située sur un rocher de plus de 200 mètres d'altitude constituait une forteresse naturelle en outre fortifiée par des murailles et des batteries
(O. Lenz, I, p. 366).

 

 En 1882, deux ans plus tard, l'officier Jules Erckmann, instructeur et chef de la mission française au Maroc (1878-1883) pour le compte du sultan Hassan I (1873-1894), constatait que les murs de la forteresse d'Agadir étaient en bon état mais les chemins qui y aboutissaient étaient difficiles et tortueux. Celui qui passait à l'Est longeait le mur d'enceinte à un endroit où il n'y avait guère que deux mètres de hauteur, ce qui permettait aux voleurs de l'escalader ; du côté de la mer, on voyait un misérable village de pêcheurs appelé Founti.


La place d'Agadir étant le meilleur mouillage de l'océan depuis le cap Spartel jusqu'au cap Juby, la ville aurait dû s'étendre, mais il n'en fut rien : après la fondation de Mogador (Essaouira), elle fut fermée au commerce européen et ses relations avec l'Europe cessèrent à peu près complètement
(J. Erckmann, pp. 50-51).

Les grandes puissances s'intéressaient particulièrement au Maroc et parmi elles les Français (installés en Algérie) et les Allemands ; la région du Souss était réputée pour sa richesse, les Français et les Allemands en rivalité essayaient de s'implanter en achetant des terrains et en effectuant toutes sortes de recherches.

 


Coup d'Agadir (1er juillet 1911- 28 novembre 1911)

 

 Après l'occupation de Fès par les Français au printemps 1911, l'ambassadeur d'Allemagne M. de Schoen fit savoir au gouvernement français que l'Allemagne, très mécontente, avait décidé d'envoyer un bâtiment de guerre dans la rade d'Agadir afin de protéger les intérêts de ses ressortissants dans le Souss et affirmer ses prétentions dans la région.



La canonnière allemande "Panther" fut envoyée en rade d'Agadir. Le "coup d'Agadir" déclencha une crise internationale d'une extrême gravité.


La canonnière "Panther" fut remplacée par le "Berlin" le 6 juillet et par l'"Eber" pour assurer le ravitaillement des Allemands depuis les Canaries jusqu'au 28 novembre.

 



Une certaine effervescence régnait à Founti et à la Kasbah où se trouvaient réunis les journalistes Georges Mercier et Hubert Jacques, l'ingénieur Gustave Evesque et Antoine Fleury de l'Union des Mines Marocaines, Léon Corcos, grand commerçant de Mogador et correspondant de la Vigie marocaine, les époux Leroux dépêchés à Agadir par la Délégation de France à Tanger et par M. Morizet sénateur et son épouse en voyage au Maroc.


Un incident se produisit quand les Allemands hissèrent leur couleurs sur les navires, les Français hissèrent les leurs à la Kasbah ; le consul de France à Mogador dut intervenir pour faire cesser ces manifestations.
Finalement, un accord fut négocié et signé le 4 novembre 1911 entre la France et l'Allemagne qui laissait à la France les mains libres au Maroc en échange de territoires au Congo qu'elle concédait à l'Allemagne.


Coup d'Agadir

 


 

Protectorat français sur le Maroc (1912-1956)

 Le traité franco-marocain conclu à Fès le 30 mars 1912 entre la République française et le sultan Moulay Hafid instaura le Protectorat français dans l'Empire chérifien.
Cependant dans le Souss, la situation n'était pas acquise aux Français ; la résistance prenait de l'ampleur.

 

El Hiba dans le Sud marocain


Avant l'occupation française, les caïds des Ida Ou Guelloul (Haha) avaient à Agadir un khalifa qui prenait le titre de pacha.
Lorsque le prétendant El Hiba (d'origine saharienne, fils du grand marabout Ma El Aïnin) autoproclamé sultan à Tiznit, quitta cette ville (1912) pour se faire proclamer à Marrakech, il plaça un khalifa de ses proches, son cousin et beau-frère Cheikh Sidi Ahmed (N'Ahmed) à la Kasbah d'Agadir.
El Hiba projetait de parvenir au Haouz en passant par le territoire de ses partisans Ida ou Guelloul ; il préféra prendre le chemin d'Ameskroud (dans le territoire des Ida Ou Tanan) pour ne pas s'exposer aux tirs des croiseurs français.
Agadir fut bombardée par le "Cosmao" (en particulier la nzala de Tanout ou Roumi, le vendredi 19 juillet 1912) puis durant deux jours consécutifs (7 et 8 août 1912) sur la citadelle où se trouvaient les partisans hibistes (R. Agrour, p.128-136).
La mosquée de la Kasbah fut atteinte, son minaret détruit en août 1912. Les habitants d'Agadir prirent la fuite ; les partisans hibistes des Ida Ou Tanan et des Ida Ou Guelloul s'installèrent dans la Kasbah. El Hiba aurait envoyé un contingent de 400 cavaliers pour empêcher tout débarquement à Founti (R. Agrour, p. 128).

 

 Moulay Hmed Hiba fut proclamé sultan à Marrakech le 15 août 1912 (R. Agrour, p. 138) mais fut défait militairement à Sidi Bou Othman le 6 septembre 1912 et se réfugia à Taroudant.

Cheikh Sidi Hmed (khalifa d'El Hiba à Agadir) et les partisans hibistes Mesguina et Ida Ou Tanane tenaient encore la Kasbah d'Agadir.



Cheikh Sidi Hmed avait installé pour son compte une nzala (droits de porte) au Fondouk de Sidi Boulknadel (R. Agrour) ; les Ida Ou Tanane en contrôlaient trois autres sur la côte dont une à Aghroud, les Imesguine (Mesguina) une à Tamghart, les Aksimen (Ksima) celle de Founti (R. Agrour, p. 160). Les gens du Souss se plaignaient des exactions des partisans hibistes qui accompagnaient El Hiba (R. Agrour (p. 160-1).

Après la défaite de Sidi Othman, le caïd El Hadj Lhassen Ou Fkir des Guellouli (ex-allié d'El Hiba) fit sa soumission au Makhzen et les Ida Ou Guelloul projetèrent de reprendre Agadir.
À la suite d'une querelle survenue au sujet du partage des nzalas, les Ida Ou Guelloul battirent les Ida Ou Tanane à Taghazout (mars 1913) où ils établirent un poste qui devait leur servir de point de départ pour atteindre Agadir.

Tandis que les grandes harkas se constituaient pour chasser El Hiba de Taroudant (avril 1913), les Ida Ou Guelloul reprirent la marche en avant vers Agadir. Pendant la nuit du 23 au 24 mai 1913, ils s'emparèrent de Founti par surprise, mais en furent chassés les jours suivants.


 Les Ida Ou Guelloul se replièrent sur Tamraght et demandèrent l'appui d'un croiseur français ; le "Du Chayla" fut envoyé. Il entra en relation avec la harka du Guellouli et la protégea par le feu de ses canons.
Le 31 mai, cette harka commandée par le caïd Makhzen Lahsen Oufkir des Haha, put atteindre Agadir convoyée par le croiseur et s'empara le même jour de la forteresse.
Le khalifa d'El Hiba fut chassé par le caïd des Haha ainsi que les partisans Mesguina et Ida Ou Tanane. La harka Guellouli s'installa sous la protection du "Du Chayla" mouillé en rade.
Le 6 juin 1913, les officiers du "Du Chayla" seraient descendus à terre, fêtés par les habitants. Cependant El Hadj Abderrahman Guellouli aurait été gravement blessé et soigné à bord du "Du Chayla".

 

Le résident général Lyautey qui avait refusé jusque-là d'occuper Agadir, point d'appui important dans le Souss pour sa conquête, mais impossible à tenir sans avoir les forces militaires nécessaires. Cette fois l'occasion parut trop belle aux Français pour que l'occupation d'Agadir soit remise à plus tard.

 

 


Occupation française d'Agadir : 14 juin 1913


La garnison du poste d'Agadir fut embarquée le 13 juin 1913 à Mogador et débarquée le lendemain matin 14 juin sur la plage de Founti.
La prise d'Agadir complétait l'entrée dans Taroudant des harkas Glaoua et Goundafa (23 mai 1913).


Prise d'Agadir (Agadir Ouflla)

 

El Hadj Abderrahman Ben Mohamed El Guellouli représentant le caïd des Ida Ou Guelloul fut nommé pacha d'Agadir par Dahir chérifien en date du 4 Choual 1331 (6 septembre 1913) (CADN, Occupation du Poste d'Agadir, Marrakech 14 juin 1913, S-A R G-28 juin 1917).