Dans la lutte antiacridienne, l'Aéronavale
sollicitée, mit à disposition un avion JU-52
muni d'une zone d'épandage ; il faisait partie de la 56
S et il était piloté par René Bourneton.
L'un des bons moments de ma vie de pilote, raconte René
Bourneton, fut mon affectation auprès du gouvernement
chérifien avec le JU 52 et son équipage.
Nous recevions les ordres du Ministère de l'Agriculture
chérifien via un officier de liaison.
Les vols se déroulaient avant neuf heures le matin, heure
où les criquets sont secs et peuvent prendre leur envol.
Ce vieil appareil de conception allemande d'avant la GM2, en
tôle ondulée, lent mais robuste qui en cas de fort
vent debout, pouvait à peine avancer, était parfait
pour ce genre de boulot car il volait lentement et tenait bien
la basse altitude avec ses 3 moteurs (J.-C. Laffrat).
Les campagnes de lutte anti-acridienne avaient pour équipage
:
CDT aéronef Mtre René Bourneton - S/M mec
de bord Jean Bartissol - Radio de bord Mtre Duchet.
Pas de copilote.
La Marine, donc l'escadrille 56 S,
mit pour la lutte antiacridienne cet équipage et un avion
JU 52 à la disposition du Ministère Chérifien
de l'Agriculture pour 3 années consécutives 1957-1958-1959
du 1er octobre jusqu'au 1er mars de l'année suivante c'est-à-dire
pendant la période d'activité des criquets pèlerins.
Le JU 52 fut modifié par le
SEA de la base avec une rampe d'épandage, d'un réservoir
provenant d'un avion Avro Lancaster et d'une pompe entrainée
par une hélice de ventilo, placée sous l'avion
entre les deux roues, actionnée par un frein depuis le
poste de mécanicien.
Le produit mis dans le réservoir, était en 1957
du DDT liquide et en 1958-1959 du HCH, 100 fois plus toxique
que le DDT.
La liaison Marine avec le ministère de l'agriculture était
assurée par le LV Leyrat du PC/OPS de la BAN détaché
au PC des Aït Melloul. Le LV Leyrat ne faisait
pas partie de la 56 S et n'a jamais volé sur le
JU 52 pendant la période concernée.
Le JU 52 épandage était parqué face
au hangar SEA de la base pendant la période de traitement.
Pour la mise en uvre du remplissage en HCH, c'était
l'équipe civile de la Lutte anti acridienne PC des Aït
Melloul qui en avait le responsabilité.
Les vols se déroulaient avant 9 heures
le matin, heure à laquelle les criquets sont secs et peuvent
prendre leur envol.
Les vols du JU 52 étaient effectués en rase motte
à 5 ou 10 mètres ce qui nécessitait une
vigilance accrue. La difficulté provenait du fait que
lorsque surgissait un champ de tomates ou de toute autre culture
comestible, il fallait cesser immédiatement l'épandage
au risque d'anéantir les productions. Il était
interdit de traiter les criquets en vol car ces derniers en obstruant
les orifices de refroidissement d'huile moteur provoquaient surchauffe
et arrêts des moteurs.
Les criquets pèlerins
se cantonnaient au Maroc dans les années 50 dans les zones
arides du continent africain.
Durée du développement : ufs : 12 à
15 jours ; larves : 4 à 6 semaines ; adultes : longévité
3 mois.
La femelle fécondatrice cherche un terrain meuble et suffisamment
humide ; avec son abdomen, elle fore un trou, enfouit les ufs
(une centaine) puis rebouche le trou.
La larve qui sort ensuite, a la forme d'un petit ver de terre.
René Bourneton raconte qu'il a vu en Mauritanie des km2
recouverts d'une épaisseur de 5 cm de larves verdâtres
formant une gadoue dans la région d'Akjoult.
Pour passer de l'état de larve à celui d'adulte,
le criquet subit 5 mues.
Le criquet ne peut voler qu'à une température comprise
entre 20 et 40° C. Quand il fait trop chaud, l'essaim se
pose si possible à l'ombre. Il peut transiter de nuit.
Il consomme son propre poids (soit 2 grammes
de feuilles chaque jour). Il a été calculé
qu'une tonne de criquets consomme chaque jour une quantité
de végétaux équivalant à celle qu'ingurgiterait
dix éléphants ou 20 chameaux.
La vitesse de déplacement varie selon le vent ; on a vu
des essaims faire 300 à 1 000 kms au-dessus de la mer.
|
Avant les traitements,
les populations mangeaient les sauterelles ; René Bourneton
se souvient qu'au souk d'Inezgane entre 1955 et 1960, il y avait
des gros tas de sauterelles grillées que les autochtones
vendaient. René se souvient des sauterelles qui séchaient
au soleil sur les toits plats des mechtas dans l'Anti-Atlas.
souvenir
de sauterelles -Lahsen Roussafi |
 |
René n'a jamais eu l'occasion de rentrer
dans un essaim de sauterelles en vol, effectuant des rase-mottes
tôt le matin quand les sauterelles sont encore au sol de
6 h à 10h du matin.
En transit vers le lieu d'épandage, il eut droit à
la queue d'un vol et les vitres furent sales d'insectes écrasées
; quand René ouvrit le petite fenêtre à droite
du Ju 52, il reçut à 200 km/heure un criquet
sur son casque !
À la fin de son affectation, René
Bourneton reçut en remerciement du personnel du PC chérifien
des Aït Melloul, un criquet métallique ! L'officier
de liaison marine-civile quant à lui, aurait reçu
le mérite agricole marocain.
Source : René Bourneton, pilote
56 S