Évolution des ateliers de salaisons, usines de conserve, usines des sous-produits à Anza
 

 Listes des usines des produits de la pêche

 Listes des concentrations d'usines et des grands groupes de conserveurs
 

 
Vers la fin des années 40, l'évolution de l'industrie des produits de la pêche se fit en faveur des conserveries. Cependant le secteur fut rapidement confronté à différents problèmes :


- Tout d'abord celui du personnel :
On estimait à cette époque qu'il fallait 4500 ouvrières et ouvriers pour faire fonctionner 25 usines de conserve mais qu'on ne pouvait en trouver plus de 500 à Agadir. La plupart des conserveurs assuraient le transport de leur personnel en camion autour d'Inezgane. Mais il ne fallait pas dépasser une heure de trajet pour que cette solution reste acceptable : or les ouvrières se trouvaient de plus en plus loin dans l'Anti-Atlas, dans la région de Goulimine au sud. La mise en chantier de cités ouvrières à peu de distance des quartiers industriels d'Anza et des Abattoirs devenait urgente tant pour les ouvrières que pour les conserveurs ; pas moins de 1000 logements selon les besoins des industriels. En attendant ce furent des douars de tentes qui furent mis en place au QI d'Anza et au QI des Abattoirs.

 Douars des tentes


- L'énergie électrique :
La fourniture de courant-force en quantité importante, et ce, jour et nuit, était nécessaire pour assurer l'éclairage des locaux de travail, le fonctionnement des chaînes de travail, des chaudières, des sertisseuses, etc. Si en 1947, la consommation maxima des usines était de 100 kWh (des usines produisaient leur électricité), en 1948 la puissance nécessaire était évaluée à 1300 kWh. La situation était grave en raison de la faible capacité de production de la centrale thermique, installée en 1930, qui ne dépassait pas 1200 kWh et devait assurer sur cette quantité l'approvisionnement de la ville elle-même. Dès la fin de l'année 1949, la puissance de la centrale devait être portée à 2900 kWh.


- L'approvisionnement en eau :
L'eau était rare à Agadir. Cette eau était pompée dans la région des dunes au Sud de la ville en direction de l'oued Souss (eau de mauvaise qualité renfermant plus de 200 mg de sel par litre).
En 1948, les usines consommaient environ 700 m3 par jour mais en fonction des besoins liés à des usines nouvelles, aux installations frigorifiques, etc., on estimait que les 50 l/s dont disposait la ville seraient bientôt dépassés. Des usines avaient leurs propres éoliennes visibles sur les photographies.


- Les emballages métalliques :
Les besoins en emballages métalliques étaient de 6000 tonnes en 1939. En 1948, les usines traitèrent 12000 tonnes de fer-blanc dont 6500 pour la seule conserve de poisson. Cette production était subordonnée à la fourniture par les USA de fer-blanc (2/3 importé) que l'industrie française (1/3 du fer-blanc) ne pouvait plus livrer. En 1948, la pêche dut être réduite en raison du manque de fer-blanc.
C'est ainsi que l'usine Carnaud et Forges de Basse-Indre développa ses installations à Casablanca et ouvrit en décembre 1948 un atelier de transformation ultra-moderne de boîtes à Agadir au QI des Abattoirs.

Carnaud et Forges de Basse-Indre

Le Syndicat des Conserveurs d'Agadir estimait que la capacité de production de 125 t en 1948 pourrait être portée à 300 ou 350t de poisson si la question de l'approvisionnement des boîtes en fer-blanc était réglé.


- L'approvisionnement en huiles alimentaires dont l'huile d'olive :
L'approvisionnement en huile d'olive nécessaire à certaines préparations de sardines était largement déficitaire et réservée à l'exportation. L'huile d'arachide ne pouvait être employée pour les fabrications à destination des USA qui exigeaient des marchandises de 1ère qualité dont ils déterminaient eux-mêmes les caractéristiques (grosseur du poisson employé, nature de l'huile, forme et dimension des boîtes, boîtes soudées et non serties) (Source1948, René Vacquier, mémoire de stage des contrôleurs civils stagiaires, n° 190, La pêche et l'industrie de la conserve à Agadir. CADN)

 

- La modernisation des usines :
Si le nombre d'usines de conserve resta stationnaire après 1950, la modernisation, la mécanisation et l'automatisation des installations s'accélérèrent ainsi que les contrôles concernant l'hygiène et la tenue des établissements.
À son arrivée au port, le poisson subissait un 1er contrôle officiel par prélèvements successifs à la sortie des cales. Les poissons jugés de qualité insuffisante pour la conserve étaient vendus aux usines des sous-produits pour être transformés en farine de poisson.
Les sardines reconnues bonnes pour les conserveries étaient immédiatement dirigées vers les usines.
Dès son arrivée à l'usine, la sardine était étêtée, éviscérée, mise à tremper dans l'eau salée, puis mise en boîte à l'état cru.

  L'innovation la plus importante fut l'emboitage à cru qui permit une automatisation poussée des différentes phases de cuisson et de séchage après que la sardine ait été mise en boîte (cuiseurs et chaines de cuisson IMC (International Machinery Corporation).
Un tel processus éliminait de nombreuses opérations en particulier l'engrillage et toutes les manipulations délicates du poisson cuit qui entraînaient de grosses pertes. L'économie de manutention réalisée pouvait atteindre 50 %, les déchets de poisson par casse et les pertes d'huile devinrent quasi inexistants.
Les boîtes ainsi remplies étaient disposées sur des grils, qui après avoir subi un lavage étaient introduits dans un four à vapeur où les sardines étaient soumises à l'action de la chaleur pour assurer leur cuisson.
À la sortie du four de cuisson, les boîtes étaient dirigées mécaniquement vers des huileuses automatiques, puis conduites sur un tapis roulant vers les sertisseuses pour fixer hermétiquement le couvercle de la boîte.
Les boîtes étaient ensuite introduites dans un autoclave à vapeur et soumises à une température de 115° pendant 45 mn pour assurer leur stérilisation. À la sortie de l'autoclave, les boîtes subissaient 2 contrôles successifs à 15 jours d'intervalle.
Le contrôle de la fabrication à l'usine était assuré par des contrôleurs officiels de l'Office Chérifien d'Exportation (OCE) qui s'assuraient de la tenue de l'usine du point de vue de l'hygiène et de la salubrité (Source : Fédération des Industries de La Conserve au Maroc, Casablanca, Janvier 1959).
  M. Bonnefon à Anza inventa et réalisa sa propre machine : un cuiseur permettant l'emboitage à cru, simple de fonctionnement et robuste (Réalités Marocaines, Évolution du Maroc en 1951, L'Essor d'Agadir et du Souss, p. 83 et suivantes).
Les huileuses automatiques Sudry remplacèrent le procédé lent et peu hygiénique de l'immersion des boîtes dans un bac d'huile. Le sertissage des boîtes se fit grâce à des machines automatiques ou semi-automatiques Carnaud ou Sudry.

- L'approvisionnement en poissons : 

 
 C'est à proximité des côtes d'Agadir que l'on trouvait de mai à décembre les bancs de sardines en quantité et en qualité convenable pour la conserve. La sardine se pêchait de nuit et durant le 2ème semestre de l'année en particulier de novembre à janvier. Vers la fin des années 40, la sardine pouvait être pêchée 10 mois de l'année contre 3 ou 4 mois en France atlantique. Les conserveurs en France avaient pensé parer à ce péril en transportant partiellement leurs intérêts au Maroc (Amieux, Saupiquet, Delory etc.).
Dans les années 40, la proximité des lieux de pêche du thon au large des Canaries permettait aux usines de travailler 11 mois sur 12 même lorsque la campagne sardinière était terminée (1948, René Vacquier, La Pêche et l'industrie de la conserve à Agadir, mémoire de stage des contrôleurs civils stagiaires, n°190, CADN).
Des industriels traitant du poisson à Agadir se firent armateurs pour disposer rapidement du poisson dont ils avaient besoin au meilleur coût.
La pêche se faisait par des bateaux à moteur, généralement équipés de radios et de sonars, au moyen de filets tournants (sennes) dont la longueur variait suivant l'importance du bateau et pouvait atteindre jusqu'à 300 m. de long sur 50 m. de hauteur.
Les bancs de poisson se déplaçant beaucoup, l'évolution se fit vers des bateaux disposant de moyens de pêche de plus en plus efficaces, de méthodes de détection des bancs de poissons de plus en plus sophistiqués, et de cales réfrigérés permettant la conservation.

Ainsi la flotille de pêche à Agadir qui était de 13 unités en 1945, de 32 en 1948 passa en 1951 à 109 sardiniers jaugeant 1978 tonneaux dont une cinquantaine équipée en radiophonies et 2 possédants des sondeurs électriques.
Les chiffres de la Pêche furent en progression malgré des périodes incertaines pendant les années 50 :
- En 1938 : 2 168 t de poisson ramené à la côte
- En 1940 : 677 t de poisson débarqué
- En 1948 : 12 150 t de poisson débarqué
- En 1949 : 21 600 t de poisson débarqué
- En 1950 : pêche de 28 905 t de sardines
- En 1953 : le port d'Agadir se hissait au 1er rang des ports de pêche du Maroc avec 56 739 t de poisson débarqué pour une valeur contrôlée de 762 738 563 francs (F. Barutel, Journal Agadir du 30 juin 1955) dont 46 000 t de sardines et 4 200 t. de thonidés (annuaire professionnel de Cappe 1955, p. 22)
- En 1954, malgré une sensible pénurie du poisson sur les côtes atlantiques, la pêche s'était maintenue avec 39 471 t de poisson débarqué dont 14 500 t de sardines, 16 000 t de sous-produits et 625 t de thonidés (annuaire professionnel de Cappe, 1955, p. 22) pour une valeur encore jamais atteinte de 751 871 072 francs (F. Barutel, Journal Agadir du 30 juin 1955).

 

- Développement de l'Industrie des sous-produits de la pêche :
La conserve, par son essor, stimula l'industrie des sous-produits de la pêche qui fit d'énormes progrès et permit d'utiliser les déchets des usines (soit 30% des tonnages de poissons consommés) et les poissons non usinables (L'essor d'Agadir et du Souss, Réalités Marocaines, Évolution du Maroc en 1951, p. 89).
Au début, on se contentait comme nous l'avons vu de faire sécher au soleil les déchets pour obtenir un "guano" qui servait d'engrais peu coûteux. Mais la possibilité de créer des sous-produits de plus en plus élaborés (provendes pour les animaux, huiles siccatives, huiles comestibles) fit apparaître des usines spécialisées en huiles et farines de poisson comme OMACI à Anza.
Pour fabriquer 100 kg de farine de poisson, il fallait environ 500 kg de poissons et déchets. Le problème dans ce secteur était l'approvisionnement en poisson le moins cher possible.
L'industrie des sous-produits de la mer exporta 7 982 t de farine en 1953 contre 900 kg en 1947 (F. Barutel, journal " Agadir ", 30 juin 1955)

 

- Industrie de la congélation :
L'industrie de la congélation s'implanta solidement à partir de 1953. De nombreuses installations frigorifiques modernes furent mises en place par des particuliers. Elles disposaient en 1955 d'une capacité journalière totale de 130 tonnes de congélation et de 772 t de stockage sans parler des capacités de l'entrepôt frigorifique du Port (F. Barutel, 1955).

 

- Concentration des usines et grands groupes de conserveurs :
L'industrie de la conserve connut des heures difficiles entre 1951 et 1954 en raison de l'augmentation continue des prix des matières premières, de la contraction des marchés et de l'approvisionnement en poissons incertain.
Cette crise obligea les conserveurs à faire des concentrations d'usine pour augmenter leurs capacités de production et fabriquer à des prix de revient inférieurs. Les usines qui se concentraient et les autres affiliées ou non au syndicat des conserveurs faisaient elles-mêmes parties de grands groupes de conserveurs

Concentrations d'usines et des grands groupes de conserveurs

Sur les 200 usines qui fonctionnaient en 1952 au Maroc, seulement 75 à 80 fonctionnaient encore en 1958 tout en produisant autant que les 200 usines précédentes du fait de l'amélioration des moyens techniques.

En 1950-51 : les usines de conserve d'Agadir exportèrent 560 237 caisses soit près du ¼ de l'exportation totale marocaine.
En 1955 : les 60 usines de conserve d'Agadir étaient en mesure de produire 1 million de caisses par an (100 millions de boîtes).
Les conserveries d'Agadir constituaient une industrie florissante même si les débouchés étaient moins nombreux qu'en 1949-50-51 (Cappe p. 24).