Khalifa ben Malka
(Rabbi Khlifa Malka)
Tsaddik (sage) d'Agadir
 
 

 
 
 
 

   

 
Rabbi Khalifa ben Malka serait au XVIIe siècle, un des notables juifs et nagid-s "princes de la communauté" à la fois hommes d'affaires et fins lettrés, érudits en halakha (prescriptions, coutumes et traditions juives) et poètes : Khalifa Ben Malka serait l'une de ces fortes personnalités rabbiniques qui dominèrent la mémoire collective du Sud marocain et dont le renom et la célébrité dépassent même le cadre du judaïsme (Haïm Zafrani : "2000 ans de vie juive au Maroc : histoire et culture, religion et magie", p. 172).

Il serait né à Safi vers 1670 (selon Moshé Amar) et mort très âgé (plus de 90 ans selon le Rav Hid''a) vers 1760 à Agadir et enterré dans "le vieux cimetière de la ville haute d'Agadir (Talborjt), p. 172". Le nom de son père n'est pas recensé et nous n'avons aucun renseignement à son sujet.
(Moshé Amar, p. 7)
Khalifa Ben Malka vécut sous le règne de plusieurs sultans : sultan Moulay Ismaïl (1672-1727), Moulay Abdallah et sous
celui de Sidi Mohamed Ben Abdallah qui régna de 1757 à 1790 après avoir été khalifa à Marrakech en 1748 ;
il s'agit d'une période faste pour Agadir et son port jusqu'à la construction du port d'Essaouira /Mogador en 1764 et avant la fermeture d'Agadir au commerce maritime en 1775. Les juifs jouaient un rôle économique important à Agadir, certains géraient le port et entretenaient des relations importantes avec les Pays-Bas et l'Angleterre. En 1683, un pacte fut signé après que les États généraux en eurent confié la négociation à la famille Mesquita. Il semblerait qu'en 1731, Agadir ait subi un tremblement de terre qui aurait détruit la ville, immédiatement reconstruite en 1732.

 Khalifa ben Malka se trouva très jeune orphelin de père et de mère sans beaucoup de famille selon son récit (Kaf Naki, Chap. 2, Par. 74). Adolescent, il aurait été instruit par Rabbi Joseph Bueno de Mesquita ; il aurait beaucoup voyagé avant de s'établir à Fès où il étudia la Thora dans les écoles rabbiniques (yeshivot) de Rabbi ha-Gaon Yéhouda Ben Attar et de Rabbi Shmuel Hatsarfati. Il serait resté à Fès près de 2 ans (de fin 1695 à début 1698). Rabbi Khalifa revint ensuite à Safi et reprit le chemin de la Yeshiva de Rabbi Joseph Bueno de Mesquita. La famille de Mesquita avait, semble-t-il, émigré des Pays-Bas dans la 2ème moitié du XVIIe siècle en raison du négoce que la famille gérait entre les deux pays, tout comme la famille Mendès.
Rabbi Khalifa mentionne avec gratitude et respect la relation qu'il eut avec Rabbi Joseph à qui il attribua sa réussite.

 Rabbi Khalifa serait arrivé à Agadir vers 1699 (Moshé Amar, p. 13). Il devint un homme d'affaires aux intérêts nombreux et marchand notable dans la ville et le port d'Agadir. Il veillait à mener ses négociations avec loyauté, sans tromperie et ne cherchait à recevoir que son dû. Il s'occupait lui-même de chaque transaction. Il était, semble-t-il, un riche commerçant à l'échelle internationale.
 Ses bateaux entraient et sortaient du Maroc, en provenance et à destination d'Europe, emplis de marchandises de toutes
sortes, chargées de matières premières pour l'industrie européenne et revenaient chargés de soieries et de tissus, épices et armes.
Sa richesse et les affaires le mettait en relation avec les ministres et la cour du sultan. Il mit à profit ses succès et ses biens pour aider ses coreligionnaires vivant à Agadir et ailleurs. Il vint en aide à Joseph Toledano qui avait fui Meknès pour Agadir par crainte des autorités.

 Il semble avoir fait partie de la riche famille Mendès d'Amsterdam qui œuvra pour l'obtention d'un pacte commercial entre le Maroc et les Pays-Bas. Il entretenait des relations amicales et commerciales avec Rabbi Isaac ben Shlomo Yeshurum d'Amsterdam à qui il dédiera son ouvrage Kaf Naqi ("Main propre") (Haïm Zafrani, p. 172).
Selon des sources différentes, Rabbi Khalifa se serait marié avec la fille de Rabbi Joseph et pour d'autres avec la fille de Rabbi Itzhak Mendès d'Agadir. Rabbi Itzhak Mendès était un marchand qui habitait Agadir ; il vécut de commerce et
voyageait beaucoup par bateau suivant les voies maritimes, d'Agadir à Salé et au-delà.
Des relations familiales et commerciales s'établirent entre la famille de Rabbi Khalifa et la famille de Rabbi ha-Gaon Shlomo Pinto de Mogador qui aurait épousé Sim'ha, la sœur de Rabbi Khalifa.
En 1704, Rabbi Khalifa raconta son voyage à Taroudant "pour une affaire royale au nom de mon beau-père za''l" (Kaf Naki, Chap. II, par. 66).

 Rabbi Khalifa fut un grand talmudiste, kabbaliste et thaumaturge. Il était actif dans la synagogue où il priait et qu'il dirigeait avec son ami Rabbi Yaakov Guedalia. Il en aurait fait un centre spirituel et un séminaire où il enseignait la Thora. Vu le nombre de ses affaires, il ne siégeait pas officiellement comme rabbin et guide spirituel bien qu'il fut considéré comme l'un des sages notoires de la ville.
C'était un homme juste (Tsaddik), disciple des Sages, et érudit, épris de poésie et de littérature rabbinique.
 Il parlait plusieurs langues et aurait beaucoup voyagé. Il écrivit des ouvrages dont "Kaf Naqi" ("La Ligne pure", "Main propre"). La 5ème partie de cet ouvrage précise les convictions religieuses et les relations qu'eut Rabbi Khlifa Malka avec les personnalités de l'époque et des commerçants chrétiens (catholiques et protestants) qui vivaient ou séjournaient à Agadir pour leurs affaires. Les œuvres écrites de Khlifa Malka auraient disparu accidentellement alors qu'elles étaient transportées à dos de mulet, coulées dans l'oued Tamri.

La légende raconte que Khlifa Malka, un jour de Kippour alors qu'il priait, vit arriver ses navires à décharger. Il exprima le vœu qu'ils coulent sur le champ et les navires disparurent.

Ils réapparurent après Kippour à la surprise générale.
Selon la légende, tous les ans, la veille de Kippour, les deux mâts des navires sortaient de l'océan.

 Khlifa Malka fut connu par un procès qui le concernait ainsi que son gendre Isaac Mendès (procès en matière de donation entre vifs, jugé devant les magistrats juifs d'Agadir, de Marrakech et de Meknès).
L'affaire fut jugée par le tribunal d'Agadir et portée devant les magistrats de Meknès. Isaac Mendès habitait Agadir et il lui arrivait fréquemment de prendre le bateau pour aller d'Agadir à Safi.

 Rabbi Khalifa aurait eu deux fils et deux filles. Dans son ouvrage Kaf Naki, il ne mentionne explicitement que son fils aîné David décédé à l'âge de 11 ans. Une de ses filles aurait été mariée à Rabbi Moshé Ha-Cohen et une autre au Rabbi ha-Gaon David Ben Baroukh Grand Cohen dont le lieu de sépulture réputé se trouve à Aït Baha. Sa tombe sert de lieu de pèlerinage où les gens viennent se recueillir et prier.  L'épouse et une fille de Rabbi Khalifa seraient mortes au cours d'une épidémie en 1728.
Rabbi Khalifa était de constitution robuste ; il garda l'esprit vif à un âge avancé. Il aurait vécu très âgé (plus de 90 ans selon le Rav Hid''a) mais on ne connaît pas la date de sa mort. Il serait mort à Agadir vers 1760 et "enterré dans le vieux cimetière" (Moshé Amar, p.12).

"Le vieux cimetière".
Où se trouvait la sépulture de Rabbi Khalifa ben Malka ?

"Dans le vieux cimetière" nous dit Moshé Amar ; mais où se trouvait ce "vieux cimetière" ? Serait-ce en bord de mer comme semble le suggérer la gravure de 1740 ?

 

Une réunion concernant la construction de la ville d'Agadir en avril 1921 évoqua la situation des cimetières. "Le cimetière (israélite) actuellement existant serait compris dans l'enclave retenue par les Services de M. Prost. Il est de toute nécessité de le désaffecter et de le transporter en un autre endroit. Mais les notables juifs se sont jusqu'ici, refusés à consentir le transfert des ossements. Le moyen devra être étudié de transférer ce cimetière dans un ravin au bord de la Kasba, à 500 mètres environ de celle-ci" (Réunion du 14 mars 1921, CADN).

Paul Zeys (président de la Commission de conciliation) écrit en 1931-32 : "ce cimetière se trouvait au Sud des 5e et 6e secteurs ; il était revendiqué par trois requérants et occupé par un jeu de tennis. La Communauté Israélite ne le revendiquait pas, parce que dit-elle : "Les Juifs ne meurent pas à Agadir". "( ?)
"Ce terrain avait servi de sépulture depuis plus de 200 ans aux Israélites, ainsi qu'en fait foi la sépulture du Hazan Khalifat Melka qui s'y trouve ; Avant la guerre (14-18), Marx, un allemand de Hambourg, habitant Mogador affirmait avoir acheté ce terrain d'un musulman; une délégation d'israélites d'Agadir était allée le trouver pour lui représenter leurs droits sur la sépulture de leurs ascendants. La guerre survint et le conflit ne fut pas tranché. Ses terrains furent mis sous séquestre, mais parmi eux, ce cimetière ne fut pas retrouvé.
En fait, l'intention de la Municipalité d'Agadir (nous dit Paul Zeys en 1931-32) était de créer un cimetière nouveau au Nord de Talborjt, dans les terrains que la Commission avait attribué à l'État. D'autre part le cimetière devenu jeu de tennis tombait fatalement dans la règle générale du Front de mer à purger et à libérer de toute occupation ; il appartiendra donc aux intéressés, État et Communauté israélite de s'entendre. Quant aux revendicants, ils furent placés dans les terrains voisins" (P. Zeys, Aménagements Urbanisme, p. 213).

Moshé Amar écrit ceci :
"Lors de la construction d'une route décidée par les autorités et dont le tracé traversait les lieux, les Juifs de la ville durent transférer sa sépulture (Khalifa Malka) au cimetière neuf d'Agadir, le jeudi 5 Tamouz 5706 (4 juillet 1946)" (Moshé Amar, p. 12).
Sa tombe est encore aujourd'hui telle une source vers laquelle chacun se tourne pour y puiser ses forces dans les moments de détresse et de peine, d'ordre privé ou commun à tous, et nombreux sont ceux qui ont raconté avoir été sauvés par son mérite (Moshé Amar, p. 12).

Sa sépulture, se trouva longtemps dans le cimetière du bord de mer en arrière de la jetée portugaise. Son mausolée qui se trouve maintenant au cimetière juif de Yachech est un lieu de pèlerinage.

 

À propos du nom de Khalifa : Rabbi Khalifa était ennuyé par le nom arabe Khalifa que ses parents lui avaient donné. Plus d'une fois, il pensa à en changer et à le remplacer par un nom hébraïque de saint patriarche au lieu du nom laïque. Il ne le fit pas au nom du respect qu'il avait acquis pour ses parents. En songe, une voix puissante l'appela Assaf : il prit conscience que la valeur numérologique de Khalifa (141) était égale à celle d'Assaf. Il décida de se servir des deux noms mais ne renonça pas à celui de Khalifa car c'est sous ce nom qu'il était connu (Moshé Amar).