Avant le débarquement des Français
en 1913, au temps où Agadir était composé
des deux villages historiques : Kasbah et Founti, les informations
recueillies donnent plusieurs cimetières :
- Un cimetière musulman
à l'emplacement de la future place Bourguignon avec le
mausolée de
Lalla Sfia ;
- Un
cimetière juif en bord de mer avec le mausolée
ou tombeau
de Khalifa Malka ; la gravure ancienne ci-dessus qui
représente Agadir en 1740 montre en bordure de mer un
cimetière avec "des tombes attribuées à
des Chrétiens et entretenues par des Chrétiens
aux cheveux roux".
- La carte établie par le commandant
Poulain en 1913 au débarquement de l'armée française,
confirme un cimetière en bord de mer sur la rive gauche
de l'oued Ghezwa.

- Des petits cimetières musulmans reconnaissables
à leurs pierres levées autour de mausolées
de saints vénérés :
- Un cimetière musulman tout autour
de Sidi Boutini,
- Un cimetière à El Ghezwa
où se trouvaient les sépultures des combattants
des Portugais,
- Un petit cimetière auprès du
mausolée de Sidi Abdallah au futur port,
- Un petit cimetière à Sidi
Nbir près du futur camp Alibert,
- Un petit cimetière à Sidi
Bourja au-dessus du précédent sur la colline
de la Kasbah.
- Un cimetière très ancien aurait
existé à l'emplacement de la Cité Rocca
route de Tildi, antérieur à celui d'El Ghazi d'Ihchach
;
- Le petit cimetière autour d'El
Ghazi.
- Un cimetière se trouvait au futur
Quartier industriel Lbattoir près du douar des Sahraouis.
Vieux Cimetière Juif du bord
de mer :
Au cours d'un voyage au printemps 1921, organisé dans
le Souss par Prosper Ricard (Chef du Service des Arts
Indigènes du Maroc à cette époque), le linguiste
Émile Laoust évoque le cimetière
juif qui s'y trouvait : "Le port berbère,
dit-il, s'étend au fond de la baie auprès d'un
wharf en construction non loin d'un cimetière juif avec
de grossières figurations humaines taillées dans
les pierres tombales" (É. Laoust, Pêcheurs
du Sous, Hesperis, 1923, vol. 3, p. 244).
 
Paul Zeys dans
son livre sur le règlement des conflits immobiliers à
Agadir en 1932 précise à propos du cimetière
juif :
"Ce cimetière se trouvait au Sud des 5e et 6e
secteurs, il était revendiqué par trois requérants
et occupé par un jeu de tennis. La Communauté Israélite
ne le revendiquait pas, parce que dit-elle : "Les Juifs
ne meurent pas à Agadir".
"Ce terrain (nous dit-il) avait servi de sépulture
depuis plus de deux cents ans aux Israélites, ainsi qu'en
fait foi la sépulture du Hazan Khalifat Melka
(écrit ainsi) qui s'y trouve. Avant la guerre,
Marx, un allemand de Hambourg, habitant Mogador, affirmait avoir
acheté ce terrain d'un musulman ; une délégation
d'Israélites d'Agadir était allée le trouver
pour lui représenter leurs droits sur la sépulture
de leurs ascendants. La guerre (14-18) survint et le conflit
ne fut pas tranché. Ces terrains furent mis sous séquestre,
mais parmi eux, ce cimetière ne fut pas retrouvé".
"En fait, disait-il, l'intention de la Municipalité
d'Agadir était de créer un cimetière nouveau
au Nord de Talborjt, dans les terrains que la Commission avait
attribué à l'État. D'autre part, le cimetière
devenu jeu de tennis tombait fatalement dans la règle
générale du front de mer à purger et à
libérer de toute occupation ; il appartiendra donc
aux intéressés, État et Communauté
Israélite de s'entendre. Quant aux revendiquants,
ils furent placés dans des terrains voisins" (Paul
Zeys, Conflits immobiliers des Confins Sud marocains (1911-1932),
p. 213).

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Selon Haïm Zafrani, la
tombe de Lalla Sfia, sainte locale honorée par
les Musulmans mais aussi par les Juifs se trouvait proche de
la tombe de Khalifa Malka (Haïm Zafrani : "2000
ans de vie juive au Maroc : histoire et culture, religion et
magie", p. 172).
Le mausolée de Lalla Sfia qui comprenait une pièce
funéraire avec une entrée est très reconnaissable
sur les photos au niveau la future station-service de la place
Bourguignon, en face de l'ancien cimetière juif qui se
trouvait de l'autre côté de la RN 25. Le mausolée
aurait été déménagé lors de
la création de la Place Bourguignon.
Les deux sépultures, nous dit Haïm Zafrani, furent
transférées depuis le front de mer, l'une dans
le nouveau cimetière juif de Yachech (Khalifa Malka),
la seconde dans une zaouïa de Sidi Bouknadel près
du port (Lalla Sfia).
Sur les photos des années 20 et 30, le seul mausolée
visible était selon les Musulmans, celui de Lalla Sfia.
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Selon Moshé Amar, Khalifa ben Malka
avait été inhumé dans "le vieux cimetière"
sans toutefois préciser s'il s'agissait du cimetière
du bord de mer. Mais nous n'en connaissons pas d'autre.
"Lors de la construction d'une route décidée
par les autorités et dont le tracé traversait les
lieux, les Juifs de la ville durent _ le jeudi 5 Taouz 5706 (4
juillet 1946) _ transférer sa sépulture au
cimetière neuf d'Agadir" (Moshé Amar,
Histoire du Rabbi Ha-Gaon Khalifa Ben Malka, Tsadik d'Agadir,
p. 12).
Or le cimetière juif du bord de mer avait disparu au début
des années 20, laissant place à un terrain de tennis
(Paul Zeys).
Le nouveau cimetière juif se trouvait dans le ravin d'El
Ghezwa selon les anciens Gadiris (Lahsen Roussafi) et selon la
réunion préparatoire à la construction d'Agadir
tenue en 1921 (CADN).
Selon Moshé Amar, la sépulture du Rabbin Khalifa
Malka aurait été transférée au cimetière
juif d'Ihchach en 1946.
Elle repose actuellement dans un mausolée de marbre avec
une longue épitaphe en termes hébraïques sur
un plateau de marbre blanc.
Situation des cimetières de
1913 à 1922
En fonction du développement important et rapide de la
ville et de son urbanisation à partir des années
20-30, il fut nécessaire de créer des nouveaux
cimetières en dehors des zones à urbaniser :
Cimetière européen de
la Kasbah
Durant l'occupation française, un cimetière
européen fut créé vers 1915 en haut de la
colline de la Kasbah, à l'extérieur de celle-ci
et de l'esplanade, entouré d'un mur chaulé de blanc.
Les tombes blanches étaient parfaitement alignées
selon un dispositif bien ordonné ; tombes d'Européens
morts à Agadir après 1913, celles de légionnaires
de toutes nationalités et de toutes religions, de militaires
français ou étrangers dont le carré de militaires
musulmans ayant combattu pour la France, la tombe du jeune explorateur
Michel Vieuchange mort en 1930 pour avoir voulu découvrir
Smara abandonnée à cette époque par son
fondateur Ma El Aïnine.
Réunion préparatoire
à la construction d'Agadir :
Les 13,14,15 mars 1921, se tint à Agadir une réunion
très importante, précédemment évoquée,
présidée par M. Maitre Devallon (directeur adjoint
des Travaux Publics au Maroc) en présence du colonel Freydenberg
(commandant le Cercle autonome d'Agadir), en vue d'examiner les
problèmes liés à l'ouverture d'Agadir au
commerce. La question des cimetières fut évoquée
et semble avoir été réglée tout au
moins jusqu'en 1932, selon l'extrait suivant :
- 1. "Cimetière Européen : il est longuement discuté sur l'emplacement
du futur cimetière européen. Le Président
expose les raisons pour lesquelles il lui semble propice d'installer
ce cimetière à l'ouest de la ville [de la Ville Nouvelle]. Par 9 voix contre 7, il
en est ainsi décidé".
- 2. "Cimetière Indigène : ce cimetière peut suffire aux besoins actuels
et futurs (ravin depuis la Kasbah)".
- 3. "Cimetière Israélite : le cimetière actuellement existant [bord de mer en 1921] serait compris dans l'enclave
retenue par les Services de M. Prost [Chef du Service de
l'Urbanisme au Maroc]. Il est de toute nécessité
de le désaffecter et de le transporter en
un autre endroit. Mais les notables juifs se sont jusqu'ici,
refusés à consentir le transfert des ossements.
Le moyen devra être étudié de transférer
ce cimetière dans un ravin au bord de la kasba, à
500 mètres environ de celle-ci" (Agadir, Réunions
des 13,14,15 mars 1921, CADN)
Un budget de 30.000 Fr fut dégagé
pour clôturer les cimetières, déplacer
le cimetière israélite et régler les
pompes funèbres.
Au début des années 30,
Ihchach accueillait les nouveaux cimetières musulmans,
juif et européen.
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