Bihi Ou Nzar
Le vendeur d'eau

 
 

 
 
 
 

 
Bihi était son prénom. On ne connaissait pas son nom. On l'appelait Bihi Ou Nzar (Anzar : la pluie, Bihi de la pluie).

C'était un homme de plus de quarante ans, solitaire, sans compagnon, vivant seul dans une petite échoppe. Des familles Ifnaouti lui avaient cédé une petite pièce tout en haut du village pour lui permettre de s'abriter et lui offraient de la nourriture et du thé. En contrepartie, ces habitants ne manquaient jamais d'eau.


Il était arrivé à Ihchach dans les années 40. Son travail consistait à ravitailler ses clients qui se trouvaient dans les endroits d'accès difficile, parmi les plus reculés, au prix le plus bas possible.
Bihi portait tous les jours la même djellaba en laine qu'il avait raccourcie jusqu'aux genoux en employant une corde comme ceinturon. Il marchait toujours pieds nus.
Il utilisait une gargoulette qu'il portait sur l'épaule. Un jour de pluie, il avait voulu passer par le ravin de Tildi (du côté de la mosquée) pour gagner du temps ; il fut emporté par la crue jusqu'au niveau du pont piétonnier reliant les fontaines et le village. De vaillants jeunes gens vinrent le secourir mais il perdit sa gargoulette.


La population dans un élan de solidarité lui en offrit une neuve.

Les jeunes gens dont faisait partie Lahsen, le harcelaient de temps en temps, hiver comme été, en lui criant :
"Adyawi rbi anzar a yawi Bihi ! " : "Que Dieu nous envoie la pluie pour emporter Bihi !".

Alors, il posait sa gargoulette chez le gardien et courait à travers les rues et les ruelles en criant après ceux qui l'avaient apostrophé. Il ne supportait pas le mot anzar (pluie).
Ainsi cet homme est entré dans la légende d'Ihchach qui se raconte encore aujourd'hui.

Souvenirs de Lahsen Roussafi