Chaque famille possédait un ou
deux coffres qui recevaient les vêtements quotidiens et
ceux des jours de fête. Aux murs de la pièce, on
accrochait des djellabas, les haïks, une glace, des chapelets,
des calottes.
Dans la pièce, les parents dormaient d'un côté,
les enfants de l'autre. Le matin au sortir de la pièce,
on embrassait ses parents ou les locataires. On embrassait la
main de l'homme et la tête de la femme avec un grand respect.
On faisait la même chose avec les parents avant d'aller
dormir.
Chaque famille avait une table basse pour
servir les repas. Le repas était frugal, plat unique de
couscous ou de tagine. Il n'y avait pas d'entrée, ni de
dessert, ni de boisson autre que de l'eau fraiche dans un verre
en terre provenant d'une gargoulette miniature maculée
de cette matière noire qui donnait un bon goût et
assouplissait la soif.
A l'entrée de la maison, dans une sorte de vestibule,
il y avait de la place pour les vélos, les jarres d'eau,
les couffins pour chaque famille. La cuisine était assez
grande pour contenir quatre emplacements pour cuire le pain et
pour faire les tagines, le couscous, etc. On utilisait du charbon
et du bois pour la cuisine.
Pour conserver la viande (en particulier celle de l'Aïd
El Kebir), on la faisait sécher comme les poissons (taghroust
ou salaison) de même pour les surplus de tripes ou de lièvres.
Pour les légumes, on séchait les navets beldi et
les figues de barbarie qu'on mangeait avec la harira.
La maison en terre était en quelque sorte climatisée.
On était à l'aise en été, le basilic
était à portée de main pour chasser mouches
et moustiques. Les familles se rencontraient dans la cour, discutaient
de la vie. On aimait le kanoun : chaque famille mettait de l'encens
et on embaumait les djellabas et les haïks des femmes.
Il y avait une toilette à l'extérieur pour toutes
les familles (réservée aux femmes le jour, la nuit
pour les hommes) ; Lahsen allait dans les toilettes de l'école
toute proche.
Autour de la maison, il y avait un grand espace
entouré d'une épaisse haie de jujubiers : on y
trouvait de tout : de la menthe, des oignons, des herbes pour
la cuisine, des tomates cerises, du basilic, des ruches, des
poulaillers avec poussins, et des chèvres.
Les ruches appartenaient à Fatima qui s'en occupait pour
récupérer les nouvelles abeilles et le miel, assistée
de Lahsen qui jetait de la cire à bougie ou de la graisse
dans le kanoun pour que sa maman ne soit pas attaquée
par les abeilles quand elle accédait aux galettes de miel.
Elle gardait une part pour ses enfants et les locataires et vendait
le reste.
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Les volailles appartenaient aussi à
Fatima. Mais c'était Lahsen qui était chargé
de récupérer les ufs pondus sous les cactus
et il avait toujours très peur de tomber sur un serpent
qui cherchait aussi les ufs.
Quand les poussins sortaient de leurs coquilles, la sur
de Lahsen se chargeait de coller les coquilles avec de la bouse
de vache sur le mur de la pièce n°8 : ce geste étant
censé protéger les poussins et leur permettre de
grandir ensemble. La bouse sèche servait à allumer
les feux rapidement. Elle était ramassée et séchée
quand la plante moutarde fleurissait et distillait une bonne
odeur.
Les chèvres appartenaient à Fatima ; elle tirait
le lait et arrivait à en faire un peu de beurre pour constituer
des pommades protectrices pour le visage, les mains et les cheveux.
Elle vendait de temps à autre un agneau et cela les faisait
tous pleurer. Fatima avait une vache à Tildi, moitié-moitié
avec Moulay Ali de Tildi. Elle possédait également
deux vaches avec sa sur ainée dans la région
de Mazagan (El Jadida actuelle).
L'un des piliers fondamentaux qui assurait
la cohésion des habitants d'Ihchach c'était
l'entraide. Le voisin qui s'appelait Lahoucine Nghoussane
avait aidé à poser le toit avec des bois ronds,
des roseaux et de la terre. Lahoucine travaillait comme peintre
chez M. Ronsin d'où son surnom de "Nghoussane"
jusqu'à sa mort.
À Ihchach, les maisons étaient
ouvertes ; à Tassouqt, l'Amine
(aide du Cheikh) y tenait boutique. Tout objet perdu ou trouvé
était amené chez cet homme de confiance. Ceux qui
avaient perdu un objet venaient chez lui le récupérer.
L'objet ne lui était remis que s'il était accompagné
par deux témoins qui signaient un PV et juraient devant
Dieu, la main sur le Coran, que l'objet lui appartenait bien.
En ce temps-là, les gens ne se plaignaient pas beaucoup
et géraient au quotidien leur vie comme ils pouvaient
avec ce qu'ils avaient.
Un autre temps !
, nous dit Lahsen.