Il s'appelait Brahim Ntouma. Il était originaire des Ida Ou Tanane.
C'était un homme élégant, d'une bonne constitution physique qui lui permettait de conduire l'unique car qui faisait la navette entre Agadir et Imouzzer dans cette région montagneuse, pittoresque, touristique mais très dangereuse pour les conducteurs qui ne connaissaient pas la région des Ida Ou Tanane.
Brahim connaissait tous les virages, un par un, et devait effectuer pour certains, vu l'angle difficilement négociable, des manœuvres de va-et-vient, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui.
Le car avait son point d'attache dans la rue Hilala à Talborjt dans la grande maison des Aït Ou Belaïd. Ces derniers étaient les dignitaires des Ida Ou Tanane qui contrôlaient l'alfa surabondante en ce temps-là, et surtout le miel de thym de renommée mondiale.

Brahim Ntouma rendait d'énormes services aux habitants d'Ihchach. Il habitait la rue 2, au début de cette rue qui menait à Tassouqt.

Il recevait les commandes des Aït-Ihchach et faisait tout pour les satisfaire, les servir sans qu'ils aient à se déplacer. Les gens de ce village utilisaient le miel de thym pour certaines maladies, pour lutter contre la toux, la coqueluche, les furoncles, les brûlures, les troubles intestinaux, etc… Les femmes l'utilisaient comme fond de teint et pour lutter contre les rides. D'autres l'employaient pour assouplir et nourrir la chevelure.
L'alfa broyé finement était utilisé pour faire des sommiers, garnir les banquettes et coussins de salon.

Brahim ramenait aussi des dattes des Ida Ou Tanane, très connues pour leur goût mais trop maigres par rapport aux dattes bien charnues du Sud marocain. Ces dattes apaisaient les douleurs intestinales et renforçaient, disait-on, la muqueuse gastrique. Les commandes portaient même sur l'eau des cascades d'Imouzzer que l'on comparait à celle des sources d'Ifrane. Ce bon Brahim, rendait service en portant ou en rapportant le courrier de main à main, étant donné qu'une grande partie d'Ihchach était originaire des Ida Ou Tanane.

Au cours du séisme, Brahim et toute sa famille périrent à l'exception de son épouse gravement blessée qui fut soignée à Rabat.