Avant 1936, ils n'étaient pas plus d'une dizaine de colons
qui défrichèrent, irriguèrent et plantèrent,
prouvant qu'ils avaient eu raison de miser sur cette région
tant renommée pour sa fertilité sur la route de
Taroudant ; on se souvient que le Souss avait fait la fortune
du "port" d'Agadir et la richesse des Saadiens au temps
de la culture de la canne à sucre au XVIème siècle.
Dans le domaine de la colonisation, Jean
Épinat fut le 1er à préconiser dès
1930 la mise en valeur du Souss par les Marocains. Il acheta
des terres à cet effet mais son projet ne put aboutir
et les terres furent revendues.
Les premiers colons comme Charles Brodoux et Ludovic
Fourny défrichèrent et plantèrent sur
ces terres des agrumes, des primeurs et des tomates. Le développement
agricole de la vallée se poursuivit à un rythme
rapide, parallèlement aux travaux d'irrigation.
En 1955, on considérait qu'une propriété
de 10 ha dans le Souss équivalait à une propriété
de 30 ha dans une autre région du Maroc.
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Il en était de même pour
les agrumes ; quand un hectare produisait 10 à 15 tonnes
d'oranges ailleurs, on considérait qu'un hectare dans
le Souss pouvait produire 30 à 40 tonnes de fruits.
Toutefois la création d'une plantation
d'agrumes exigeait un capital important (1,5 million de francs
à l'ha en 1958 selon Jean
Soldini) et il fallait compter 6 ans pour obtenir l'équilibre
entre les recettes et les dépenses.
À partir de la mise en exploitation du Souss en 1936,
le nombre de colons passa de 10 en 1936 à 300 au milieu
des années 50. 3 000 ha d'agrumes étaient
cultivés surtout par les Européens. L'accroissement
était de 500 ha par an (on atteignit 5 000 ha en 1954).
Ouled Teïma et environs, du km 33 au km 47 sur la
route de Taroudant, où se trouvaient des propriétés
de 20 à 40 ha en moyenne, étaient consacrés
aux cultures agrumicoles et maraichères.
Autour de Taroudant, du km 55 au km 72, se trouvaient
des propriétés agrumicoles de plusieurs centaines
d'hectares.
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Production d'agrumes
La production d'agrumes alla de pair avec la progression du nombre
d'hectares cultivés : de quelques tonnes en 1936, elle
passa à 28 000 tonnes en 1952 pour espérer
50 000 tonnes en 1955 (ce qui n'eut pas lieu en raison de l'accident
acridien). On attendait une production régionale de
200 000 tonnes en 1964.
Le rendement moyen était de 30 tonnes à l'hectare
pour une plantation de 12 ans d'âge.
10 à 12 000 tonnes d'agrumes étaient consommées au Maroc. Le reste
de la production était exporté (W. Cappe, 1955,
p. 25, annuaire). Cependant un gros tonnage partait encore
par camions jusqu'à Casablanca pour être embarqué
dans ce port et non dans celui d'Agadir pas suffisamment aménagé.
Les produits phares étaient les clémentines, oranges
"Valencia Late", pomelos roses et rouges, oranges Navels,
sanguines et demi-sanguines cultivés à partir du
km 30 sur la route de Taroudannt.
La région d'Agadir qui était au 7ème
rang de l'agrumiculture en 1951 passa au 2ème rang
en 1953 avec 3 600 nouveaux hectares plantés.
Progression de la production
d'agrumes de 1946 à 1957-58 :
- 1946 : 400 ha étaient concernés
- 1949 : 2 500 ha plantés - 12 000
tonnes de production
- 1951 : 18 000 tonnes de production
- 1952 : 28 000 tonnes de production
- 1953 : (12 000 tonnes exportables dont 5
à 6 000 exportées (R. Lauriac, La VM, 1954)
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- 1954 : 5 000 ha plantés et 1ère
grande invasion acridienne en octobre et novembre 1954 (Soldini,
Les agrumes dans le Souss, Journal Agadir, 1958) sur la 1ère
vraie récolte attendue, estimée à 20 000
tonnes qui sera insignifiante en raisons des sauterelles.
- 1955 : 50 000 T attendues ; récolte
insignifiante en raison des sauterelles.
- 1956-57 : 15 000 tonnes de production
- 1957-58 : 30 à 40 000 tonnes (Soldini,
Les agrumes dans le Souss, Journal Agadir, 1958)
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De son côté, l'agriculture
autochtone était en évolution très rapide
mais sur de plus petites superficies avec un captage en eau souvent
traditionnel.
L'exploitation de l'arganier restait traditionnelle répondant
à des besoins familiaux avec extraction de l'huile avec
des moulins à bras.
D'autres arbres fruitiers étaient
cultivés : amandiers, bananiers, abricotiers, figuiers,
grenadiers, arganiers, oliviers.
Une bananeraie avait été créée
en 1932 qui 20 ans après donnait toujours de bons résultats.
Le caroubier poussait à l'état sauvage et
en abondance dans le Souss. Les fruits étaient traités
par des entreprises de concassage pour en tirer un aliment mélassé
et nourrissant pour les animaux ; les grains entraient dans la
fabrication de produits pharmaceutiques.
En 1955, la production de caroubes atteignait quelques
milliers de tonnes. Il y avait parmi les exportateurs, David
Abisror, Nessim Ben Daoud, etc.
Tomates et primeurs :
Pour les cultures autres que les agrumes, on estimait que lorsque
les terres produisaient 6 à 10 tonnes à l'hectare,
elles en produisaient 15 dans le Souss.
2000 à 2 500 ha étaient dédiés
au maraîchage dont 1 500 ha cultivés par des
Marocains.
La vallée entre Inezgane et Aït Melloul (du
km 7 au km 10) (propriétés de 5 à 20 ha
en moyenne) étaient consacrée à la culture
de primeurs.
La tomate considérée
comme la "reine du Souss" connut une réussite
étonnante dans le bassin des Aït Melloul,
donnant des résultats excellents à partir de 1937.
Elle occupait 500 ha dans les années 50 (on espérait
atteindre rapidement 1500 à 2000 ha et une production
de 10 à 12 000 tonnes), les melons (80 ha). Parmi les
autres primeurs qui donnaient de bons résultats : les
artichauts, haricots verts, petits pois, pommes de terre, oignons,
poivrons, courgettes, choux fleurs, pastèques.
Parmi les Tomateros (producteurs de tomates) et primeuristes
marocains se trouvaient Abdallah Amjod El Hamidi, Ahmed Terraq
Tanani, El Gdih aux Aït Melloul ; Ayad Boudlal, Belamine
aux Ouled Teïma.
Les agrumiculteurs, maraichers et primeuristes
du Souss étaient réunis en syndicat.
Daniel Mattéra fut président de l'Union
des Syndicats de Maraichers, Primeuristes et Agriculteurs
du Souss.
Jean Soldini fut ensuite président du Syndicat
des Agriculteurs du Souss.
Il existait une Société des Horticulteurs
(section d'Agadir).
Des exportations directes de tomates, primeurs
et agrumes se faisaient depuis le port d'Agadir en direction
de la métropole et de l'étranger par des navires
réguliers, spécialement conditionnés.
Des stations de conditionnement et d'emballage
d'agrumes et de tomates furent créées
en moins de 3 ans. Elles s'échelonnaient le long des propriétés
: on en comptait quatre entre le Km 33 et le km 46 traitant plus
de 85 tonnes de fruits ou primeurs par jour ; une autre station
installée au km 69 traitait 40 tonnes, et six autres installées
entre Agadir et Aït Melloul traitaient 300 tonnes par jour.
Parmi ces entreprises :
- STAFF : Station
fruitière et Frigorifique du Souss (conditionnement de
fruits et primeurs Aït Melloul) ;
- GAMA, ICOPRA, LUBET et Cie (Inezgane), L'Oasis
du Souss (km 33), SFEA (Ouled Teïma) ;
Colons trouvés dans l'annuaire
officiel des abonnés au téléphone de 1953
- Aït Melloul :
- Jean Breton
(colon),
- Compagnie du Souss
(agrumes, primeurs),
- Germain Massol (colon
primeuriste),
- Pierre Petermann
(ingénieur ICT, colon),
- Sté Aguedal
(exploitation agricole).
- Aït Oumrhar :
- Lucien Casiez père (colon au km 34,200),
- Lucien Casiez
fils (exploitant km 36, habitant au km 32),
- Roger Casiez
(colon, km 36,5),
- Charles Deussous
(colon, km 33),
- Georges Kriegel
(primeurs, km 31),
- L'Oasis du Souss
(Cocherif),
- Gabriel Sintès (colon, km 32),
- André Zagovian (colon km 32) ;
- Inezgane :
- André Bachy
(Domaine "El Mers"),
- Jacques Bachy
(colon),
- Charles Brodoux
(colon depuis 1938 dans le Souss, primeuriste Aït Melloul,
président de la section agricole de la 1ère Chambre
Mixte en 1947, délégué au Conseil du Gouvernement
),
- Compagnie du Sous
(Aït Melloul et Inezgane),
- Louis Martin
(primeuriste),
- Daniel Mattéra
(colon) ;
- Oulad Teïma :
- Amédée Alléon (colon, piste de Bou Amara),
- Aomar ben Ahmed
(colon),
- J. Bru (station
d'emballage),
- Jean Casiez
(colon),
- André Lobet (Domaine
de "La Dime"),
- Fourny, Foing
(Ferme Cherarda du Souss),
- Hadj Ali ben Abdallah (colon),
- Hadj Mohamed Ouakrim
(colon),
- Jean Lecacheur,
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- Jacques Mange
(colon),
- Moussa Ben Bouih (colon,
commerçant),
- Henri Rondot (colon),
- Sté d'Exploitation Fruitières
des Oulad Teïma (SODEFROT),
- Ludovic Fourny
(ferme de Cherarda, Hortival, Pépinière)
Sté Hortival (pépinière) ;
- Sté Fruitière d'Emballage (SFEA);
- Oulad Barhil :
- Eugène Paris (colon
Riad Hiba),
- Wicacket (colon,
Aïn Lacid)
- Oulad Mehalla :
- Domaine de Brakek,
- Domaine d'Agafaye,
- Domaine de Smahya,
- Henri Germain
(colon, Bouksissat),
- Fernand Masquefa (Domaine de Guerdane) un des pionniers du Souss (km
60),
- Société Africaine de Packing
- Taroudant :
- Jean Bachmann
(colon : domaine "Bled El Boura"),
- André Barutel
(colon, domaine "Bouifergane"),
- Georges Patiou (km 37)
- Cachet (domaine
de "Ben Tadout"),
- Lahoucine Demnati
(administrateur de sociétés, habitait Dar Baroud
à Taroudant),
- Comtesse de Saint-Léon (domaine "Haïta"),
- Soussia ("Omnium
Oléicole du Souss").
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L'annuaire professionnel de 1955 de W.
Cappe donne la liste des colons : on entend par colon,
celui qui cultive la terre dont il est propriétaire qu'il
soit marocain ou européen. Ils sont très nombreux
à posséder "un bled" comme on disait.
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