Le Dr Maurice qui se trouvait en ville lors de
la secousse destructrice (23 h 45), regagne la base vers 0h 30
après s'être assuré rapidement que sa famille
était sauve et après avoir aidé aux déblaiements
de voisins enfouis sous les décombres.
À la base, les blessés
arrivent déjà en grand nombre ; le médecin
de 1ère classe Bouchet, le dentiste Kalfon
sont au travail avec la quasi totalité des infirmiers
de la base.
Vers 1 h du matin, ils sont débordés par l'afflux
des blessés. Heureusement, un ancien chirurgien de l'hôpital
est arrivé à la rescousse.
Toute personne ayant quelques notions de secourisme est immédiatement
employée. Le service intérieur de la base envoie
des marins pour servir de brancardiers.
Des médecins civils d'Agadir arrivent en renfort dont
le Dr Erades et le Dr Roussel.
Après que les marins ont commencé le sauvetage
dans les ruines, la cadence des arrivées de blessés
devient telle que les soignants doivent se limiter aux soins
d'extrême urgence : déchoquage et perfusions de
sérums, de plasma, tonicardiaques, parage des plaies,
désinfection et pansements, amputation d'urgence de membres
broyés, sutures, immobilisation des fractures, injection
de sérum antitétanique et d'antibiotiques.
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Une fois pansés
et traités, les blessés sont dirigés vers
l'infirmerie dont les locaux s'avèrent très rapidement
trop exigus malgré les dédoublements des lits dans
différents postes. À la fin de la nuit, les blessés
s'étendent dans les couloirs, dans la cour intérieure
et jusque sous les arbres devant l'infirmerie.
Très tôt dans la nuit, des contacts sont pris avec
le commandement pour prévoir des évacuations aériennes
vers les hôpitaux du Maroc.
L'hôpital d'Agadir (Hôpital Lyautey mixte civil et
militaire devenu Hôpital Mohamed V sur le plateau administratif
de Talborjt) s'est écroulé peu après la
secousse dévastatrice. Les médecins valides de
l'hôpital travaillent maintenant dans la cour où
un poste de secours a été installé. L'aspirant
médecin Derome n'ayant pu rejoindre la base, les a
ralliés. Mais sans eau ni électricité, ils
sont rapidement débordés.
Vers 3 heures du matin, les évacuations commencent sur
la base, Taroudant, Tiznit. À la fin de la nuit, il n'y
a plus qu'un petit poste de secours pour blessés légers.
Les médecins civils rallient alors Taroudant et le médecin
aspirant Derome rallie la base.
À la fin de la nuit,
malgré le déblocage du matériel de l'antenne
chirurgicale, les médicaments commencent à s'épuiser.
Le rythme d'arrivée des blessés augmente encore
à la base.
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Vers 8 h du matin
(soit 8 h après la secousse), se posent sur le terrain
d'Agadir le médecin principal Vialard (anesthésiste-réanimateur),
le médecin de 1ère classe Caiou, le médecin
de 1ère classe Renault, le médecin de 2ème
classe Granger-Veyron (fils de l'amiral) ainsi que deux médecins
aspirants de l'armée. Ces médecins apportent un
1er lot de médicaments de secours en particulier du plasma.
Quelques heures plus tard, arrivent
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des médicaments
américains et un envoi important des services de Santé
de la Marine et de l'Armée qui permettent de faire la
soudure. La base aérienne de Marrakech et la Croix-Rouge
envoient dans la matinée des médicaments et du
matériel ainsi que des couvertures en très grande
quantité. Le médecin chef de la base de Marrakech
propose son aide amenant progressivement dix médecins
de l'Air et de nombreux infirmiers.
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Évacuation des blessés
Dès 6 heures 30 du
matin, les premiers blessés à évacuer sont
dirigés vers les parkings des avions. Tous les avions
de la 56 S sont utilisés.
Les blessés français ou européens sont dirigés
sur Marrakech, les blessés marocains sur Taroudant.

À partir du milieu
de la matinée, de nombreux Junkers de l'armée
de l'Air participent également à ces évacuations.
Les blessés sont groupés sous le hangar SEA
2 et répartis en 3 groupes : les crâniens et
le blessés graves pour Casablanca, les Européens
pour Marrakech, les Musulmans pour Taroudant.
Un petit poste est installé dans ce hangar pour poursuivre
les traitements et soins. Les médecins de l'Air s'occupent
de ces blessés toute la journée. Plus tard des
avions civils (espagnols, avions d'Air France et un de Royal
Air Maroc) participeront à ce pont aérien.
Accumulation des cadavres
Un
problème crucial se pose rapidement : celui des morts.
Ceux-ci sont d'abord déposés dans la salle PN et
dans la radio, puis quand ces locaux seront pleins, sous la tente
qui sert au poste de garde Est.
Un vent très chaud se met à souffler et les cercueils
manquent cruellement ; il faudrait pouvoir procéder rapidement
à l'enterrement.
Dans la journée du 1er mars, une tranchée de 1,50
m est creusée à l'extrémité Est de
la base. L'OE2 Joyeux prend la direction de ce travail
; les corps sont inhumés sous une épaisse couche
de chlorure de chaux.
Très rapidement le médecin major Maurice
demande au commandement de n'accepter sur la base que les corps
des marins et de leurs familles ainsi que les corps des Français
identifiés.
Il en sera ainsi jusqu'à
la fin des déblaiements.
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La fréquence de l'apport
des blessés reste identique toute la journée et
toute la nuit du 1er mars.
De nouveaux médecins offrent leur aide : le Dr Vaytet
(ex-médecin commandant de l'Armée), le Dr
Salard (un des 1ers médecins arrivés à
Agadir). Ce dernier sera d'une aide précieuse comme chirurgien
dans la journée du 1er mars.
De nombreux bénévoles aident à faire boire
les blessés, à les surveiller.
À plusieurs reprises, le Dr Derome est envoyé
en ville pour opérer ou réaliser des amputations
de blessés coincés sous les ruines.
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Jusque-là, la
BAN, aidée par d'autres services de la Marine au Maroc
et par l'Armée de l'Air a été la seule à
faire face aux tâches énormes induites par le séisme.
Mais à partir du 2 mars, les secours affluent :
Ils viennent d'abord de la Marine. Le 2 mars à l'aube,
l'Escadre française mouille dans la baie d'Agadir.
Un poste de secours est installé près du Bâtiment
des TP sur le front de mer. Il traite des blessés peu
importants, opère, trie et dirige vers la base les blessés
plus graves.
Des équipes médicales volantes sont constituées
pour opérer directement dans les ruines. Elles surveillent
et pansent les marins qui travaillent dans les décombres.
Dans la nuit du 2 au 3 mars, trois médecins dont le médecin
principal Lestage, viennent relever les médecins de
la base qui n'ont pas dormi depuis le séisme.
Les secours des nations étrangères
affluent également.
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Les Américains
installent un pont aérien à l'aide de C 130,
de Globe Masters, de DC 4.
Des avions civils français, allemands, italiens, espagnols
transportent les blessés.
Bientôt le rythme des évacuations dépasse
celui des traitements et le médecin major Maurice
doit même rester sur le parking pour aiguiller les départs
et éviter les erreurs.
Un hôpital italien est installé sous tente à
Inezgane, dédié aux blessés légers.
Les médecins français et étrangers arrivent
maintenant de partout, harcelant le médecin major de demandes
d'intervention.
À partir du 2 au soir, le nombre de blessés
diminue considérablement. Un point est fait avec le
médecin en chef de 1ère classe Rivaud venu
le matin même de Casablanca.
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Le 3 mars au matin, l'infirmerie est à moitié
vide. Les blessés graves pouvant supporter le transport,
sont évacués vers les hôpitaux de Casablanca,
Rabat, Marrakech. Seuls sont gardés, les blessés
très graves ne pouvant être transportés et
les blessés musulmans dont l'état de santé
permet d'espérer rapidement une issue favorable. Les blessés
qui arrivent encore, sont souvent très choqués.
La base dispose de nombreux avions pour évacuer ces blessés.
Des infirmières de la Croix-Rouge (Mme Bordas et Mme
Coudrec) arrivent ce matin là et prennent en mains
les soins de la salle d'hôpital.
Un important ravitaillement
en matériels et médicaments est adressé
à la BAN par les Services de Santé. La Chefferie
de Casablanca en liaison avec la Direction des Forces terrestres,
le Dépôt de matériel régional 348
et la Pharmacie Régionale 349 ont adressé plus
de 10 tonnes de ravitaillement sanitaire de toute nature. Les
médicaments ayant été déposé
en vrac devant l'infirmerie, l'aide de la gendarmerie est nécessaire
pour éviter le pillage.
Le Dr Farrier (médecin chef de la région)
organise l'installation de l'hôpital italien.
Les Espagnols mettent pendant plusieurs jours des Douglas
DC3 à la disposition du pont aérien. Ils envoient
le 3 mars des médicaments et une équipe médico-chirurgicale
avec des infirmières.
Le 3 mars également, une flotte allemande de Nord 2005
apporte un hôpital complet avec médecins et infirmiers,
mais le plus gros de la crise est passé.
Travail accompli
Selon le médecin major Maurice, les marins de la
base ont été pratiquement les seuls à faire
du déblaiement et du sauvetage durant les 36
premières heures. Il n'y eut pas d'accident à
déplorer, mais de très nombreuses plaies des mains.
Chaque équipe était pourvue d'une trousse de pansements
et de désinfectants.
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Les équipes volantes
de l'Escadre ont ensuite beaucoup aidé au déblaiement. La chaleur qui régnait, a précipité
la décomposition des corps. L'odeur épouvantable
a obligé à confectionner des masques spéciaux
(compresses de gaze et pansements tous prêts imprégnés
de désogène et d'huile gomenolée).
Une quarantaine de cas d'épuisements accompagnés
de délire et d'agitation chez des marins secouristes ont
été soignés à l'infirmerie de la
base.
Les nombreuses secousses, heureusement de faible intensité,
qui se sont succédées depuis le cataclysme ont
été à l'origine de crises de panique.
L'évacuation des bâtiments fissurés et l'installation
du personnel sous la tente ont apporté une certaine détente
au personnel.
Prophylaxie
L'eau potable fut un gros problème.
La base puisait son eau dans une nappe située entre 25
et 35 m de profondeur. La secousse sismique ne paraissait pas
l'avoir remaniée.
Mais les Marocains avaient environ 3 000 morts en face
de la base en bordure de la route. Les premiers cadavres avaient
juste été recouverts de sable. Du CL2 CA fut déposé
et les bulldozers recouvrirent les cadavres de terre rapportée.
Des analyses journalières
furent faites aux points critiques, même à l'extérieur
de la base.
Une équipe de désinfection
sous les ordres du lieutenant de réserve De Feny
impressionna le médecin major. Le matériel de cette
équipe et en particulier le swing fog permit de
désinfecter les locaux de la base, les tentes des réfugiés,
les stocks de vêtements, les détritus, les parcs
à ordures. La base fut entourée au sol d'une bande
de DDT.
Tout animal errant fut systématiquement abattu. Tout animal
non abattu devait avoir reçu une vaccination antirabique
datant de moins de 6 mois.
Il n'y eut pas de problèmes de rats sur la Base. Les marins
reçurent un rappel de TABDT. Les familles volontaires
purent se faire vacciner.
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Bilan
1500 blessés
environ furent soignés
à l'infirmerie de la base à partir du séisme
(après recoupement plus précisément : 1784
blessés et 200 blessés légers).
Parmi les blessés arrivés vivants à la base,
60 sont morts ; les 250 autres morts enterrés au
cimetière de la Base, furent amenés de l'extérieur.
Bilan des victimes
appartenant à la base :
Décédés : personnel militaire (17)
- Membres des familles (23)
Disparus : Personnel militaire (5) - Membre des familles
(14)
Blessés hospitalisés : Personnel Militaire (11)
- Membres des familles (6)
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L'infirmerie de la base
fut le seul organisme capable de traiter immédiatement
les blessés pour deux raisons : l'hôpital Mohamed
V situé à Talborjt sur le Plateau administratif
s'était écroulé et la secousse destructrice
avait épargné la base suffisamment éloignée
de l'épicentre.
Pendant les 36 premières heures, c'est-à-dire pendant
les heures les plus cruciales, la base a du faire face à
un afflux extraordinaire de blessés, aidés par
les autres formations de la Marine et de l'armée de l'Air.
Quand l'aide extérieure arriva, la quasi totalité
des blessés se trouvait déjà dans les hôpitaux
des grandes villes grâce aux avions de la base et des autres
bases du Maroc.
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Devant un tel afflux,
l'opération déchoquage, réanimation, évacuation
fut efficace et fut la seule possible selon le médecin
major.
Aucun blessé n'est mort faute de soins ou de médicaments.
Mais selon le médecin major, les énormes moyens
mis en uvre sont malheureusement arrivés trop tard
pour effectuer les déblaiements qui auraient permis de
sauver des victimes enfouies sous les décombres.
Les premières heures
sont cruciales
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Source : Témoignage
du Dr Maurice, Agadir 1960, Le Toullec, p. 114-120
Rapport sur le rôle du service de santé de la BE
Agadir
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