Bernard Sizun - Pilote
Groupe de transport (GT) Base Mobile n°1 d’Agadir
1945

 

 

Juin 1945 - Bernard Sizun et ses camarades de stage (Khouribga) sont déclarés aptes à piloter le Goéland et prêts à entrer en escadrille.

Message du 30 juin 1945 - Les SM Le Maguer et Sizun sont affectés au Groupe de transport Base Mobile n°1 d’Agadir.



Le Groupe de transport BM n°1 d’Agadir est armé de Catalina, avions amphibie USA, avions d’exploration, d’escorte et de convois. L’appareil est confortable, moderne avec pilote automatique, radar de bord ; 7 membres d’équipage, 2 pilotes, 1 radio, 1 navigateur, 2 mitrailleurs bombardiers.

Décollage de bon matin, cap sur Agadir. L’accueil est sympathique. Le commandant du groupe, le LV de Fleuriau (Cdt du groupe du 24 avril 1945 au 20 mars 1946) est une vieille connaissance de Bernard Sizun ; en 1938, De Fleuriau était l’adjoint du Cdt Brard au Groupe-École de Pilotage d’Hourtin, époque où le QM Sizun prenait ses premiers élans sur hydravion.

La base aéronavale d’Agadir est un point stratégique des côtes marocaines. Elle est encore sous le contrôle de l’US Navy qui en assure le fonctionnement et la logistique.

Le Maguer et Sizun sont satisfaits ; ils viennent de troquer le poste communautaire des sous-officiers, le hamac en poil de chameau pour une chambre à 2 lits, cellule confortable donnant sur une véranda à arcades avec ombre et fraicheur garantie.
Sizun loge avec le SM Walter, pilote du groupe de transport qui a monté la «carrée» avec tapis de haute-laine, poufs, poignard et plateau de cuivre accrochés au mur.
 
 Du côté restauration, on en est encore au stade de guerre avec service au plateau. Aux heures de repas, on fait la queue devant les cuisines.

On peut voir un sous officier, entre deux matelots, principe égalitaire dans l’US-Navy. La table est bonne, les mets copieux mais sans vin ; on déjeune de thé, café, coca et en plus on lave soi-même le plateau et les couverts après usage.
Les WC sont communautaires, on fait ses besoins en commun dans une baraque en bois ; les sièges, long banc percé de trous qui court le long des quatre murs, se font face. Chacun se retranche derrière un illustré, la fumée de tabac blond atténue les odeurs. Ici, les libérateurs yankees prétendent être les maitres des lieux qu’ils ont construits de leurs propres mains ; les Français rétorquent qu’ils sont sur leur territoire.
Après la présentation au commandant du groupe de transport, après la visite médicale et le passage par le bureau administratif, les SM Le Maguer et Sizun touchent leur sac de vol modèle super-look, combinaison de vol en popeline crème, un petit blouson de cuir à col de loutre, des gants de peau souples avec des gants de soie pour l’hiver, un serre-tête fourré en mouton avec des écouteurs, des lunettes de vol teintées cerclées d’or, une caquette en toile à large visière, plus tout l’attirail d’hiver : blouson de cuir ¾ doublé de mouton, des bottes.

Sizun est copilote de Catalina, guidé par le PM pilote Conq, chef de bord.
Commencent alors la valse, l’entrée en rodéo, la prise en main du Catalina, avec décollages, atterrissages, cap compas, pratique à tout va du «touch and go» où le Catalina se pose, roule quelques mètres et redécolle sur sa lancée.


Le 16 juillet 1945 : le tableau des vols indique que :

Catalina n° 28 - liaison Agadir-Casa-Agadir
Pilotes PM Conq, SM Sizun,
Radio SM Girard,
Mec QM Le Dreff

Décollage 09h00.

Les pilotes Conq et Sizun effectueront les voyages Agadir-Hyères embarquant des permissionnaires à la cadence d’une liaison par semaine.
À chaque voyage, le copilote Sizun est heureux ; et chaque jour plus heureux de piloter son Catalina.
Il est heureux, seul au poste de pilote, les deux Pratt et Witney, les deux moteurs du Catalina, tournent rond.

 

Le pilote automatique va bien mais par mauvais temps, attention à l’ "os", l’action trop rapide des gyros sur les commandes amène des désagréments. Au cours d’une liaison Agadir-Hyères, le Catalina est chargé à ras bord de permissionnaires et de bagages, le temps est orageux ; on marche sur pilote automatique bien que le temps soit orageux et que ça tabasse un peu. À la verticale de Fès, un méchant coup de tabac se produit, le Catalina se retrouve commandes bloquées et croisées et part en abattée sur son aile droite. Bernard Sizun réagit très vite, débloque le pilote automatique, reprend le volant et le palonnier et rétablit la stabilité. Le chef de bord venu à la rescousse ne peut que constater le sang-froid de son copilote.
Avant juin 1945, les Catalina avaient pour mission l’exploration, la surveillance des côtes atlantiques, l’escorte des convois entre Gibraltar et le Sénégal.
Les missions duraient 10 à 12 heures. L’équipage prenait ses repas à bord. Les mécanos étaient chargés de réchauffer les plats. Les pilotes prenaient leur repas sans quitter leur siège, confiant au pilote automatique le soin de tenir le cap.
 
 Le groupe de transport mobile N°1 comme toute escadrille est une unité à part entière avec son état-major, son personnel volant, son personnel au sol, ses bureaux, ses ateliers, ses magasins.
Dans cette unité, chacun a sa tâche selon sa spécialité mais chacun doit participer au service intérieur de la base, services dits généraux.
Par exemple, le SM pilote Sizun peut être de garde 24 heures à l’aubette ; il peut être de patrouille en ville, de veille à la tour de contrôle en tant qu’adjoint au contrôleur de la tour de contrôle, lequel est américain.
Ici le trafic se fait en anglais, quand l’avion qui se pose est français, c’est au tour de l’adjoint de prendre le trafic en compte. Celui-ci bénéficie des douceurs américaines : coca-cola, ration casse-croute, chocolat, chewing-gum, cigares et cigarettes.

Les volants du groupe de transport doivent aussi se porter volontaires pour exécuter une tache particulière (travail de bureau, entrainement sportif, magasinier). Sizun prendra en main le magasin des effets de vol.

 

En octobre 1945, le SM pilote Sizun passe maître pilote (MP). Trois galons d’or à lézardes en oblique sur les manches de la tenue, un galon d’or à la casquette.
C’est la voie royale pour passer chef de bord sur Catalina. Déjà le personnel de bord l’appelle "patron" expression qu’emploie le marin envers son supérieur quand celui-ci répond au grade de maître.

Sources :


- Livre de Bernard Sizun, ex-maitre pilote Aéro : l’Aéronavale d’hier

- Livre de J. Selosse-Goujon : Sizun & Cie dans notre Aéronautique Navale

- Source : René Bourneton

 

 

 
 

 

Rappel :

Le 1er septembre 1944 :
Création d’une base mobile Maroc à Port-Lyautey : échelon de soutien appelé par les Américains "French Head squadron of fleet air wing 15" et "Base mobile Maroc" par les Français. Elle est destinée à appuyer les 4 flottilles françaises du Maroc (6FE, 8FE, 3FB et 4FB).

Le 15 octobre 1944 :
Les 9 Catalina de la flottille 6FE restés à Agadir forment alors une Section Catalina de la 6FE, laquelle est renommée en novembre Groupe de Transport de la Base mobile Maroc, baptisé "Hedron 15 Utility Aircraft Group" dans la terminologie US Navy ; cette formation auxiliaire est mise au service des 2 flottilles 6FE et 8FE pour assurer les liaisons et le transport du personnel et du matériel entre Agadir, Port-Lyautey et la France ainsi que pour les vols d’observation météo en haute mer.

Le 23 décembre 1944
Cette formation se scinde en 2 :

-Base mobile n°1 à Agadir (BM1 : 6FE et 8FE)
-Base mobile n°2 (BM2 : 3FB et 4 FB) à Cognac.


La base mobile n°1 est administrée par Comar Casablanca puis par Agadir à compter du 1er mars 1945.