L'habitat pour le plus grand nombre l'exemple d'Agadir dans les années 50


Agadir - Cités au Quartier industriel Sud et à Anza.

À la fin des années 40, lors du développement industriel de la ville d'Agadir, des travailleurs ou des personnes sans ressources, fuyant la misère, élevèrent clandestinement en différents points de la ville, un nombre croissant d'abris précaires : tente traditionnelle ou khaïma (des "hommes bleus" de Goulimine), nouallas en roseaux recouvertes de terre, des abris parmi les plus rudimentaires pour lesquels l'administration fit la chasse : les "trous à rats" " constitués d'une cavité oblongue creusée horizontalement dans le sol dans laquelle on se glissait couché, en tirant derrière soi une planche en guise de porte (Aujard architecte DPLG, L'hinterland et l'urbanisme de la ville d'Agadir, p. 52 et suivantes, 1955).

Des campements existaient à Khiam au Quartier industriel au-dessus des conserveries et à Anza, près de l'usine à plâtre, avant la création de la Cimenterie et près des conserveries (tentes des "Bleus"). Il existait également dans les conserveries ce que les femmes appelaient des "écuries" constituées de cellules minuscules dans lesquelles elles "vivaient", à la disposition de la conserverie.

Au début des années 50, des occupants d'abris précaires furent recasés soit dans le douar Mareuil du côté d'Anza, assez sommaire mais construit en dur, soit dans le douar de tentes des "Bleus" proprement tenu et organisé dans lequel un centre d'hygiène et une infirmerie avaient été installés.
Le service de l'urbanisme organisa parallèlement aux quartiers industriels les zones nécessaires à l'habitat ouvrier ; les terrains expropriés par la Municipalité après équipement, furent revendus à prix coutant et construits essentiellement par le Service de l'Habitat et par le Groupement foncier.

 

Sur le plan de l'urbanisme, les principes suivants furent retenus :

      • Déterminer les surfaces d'extension pour créer un habitat sain (préoccupation constante de M. Écochard) pour résorber les bidonvilles et décongestionner les médinas ;
      • Application de la Charte d'Athènes pour toute sorte d'habitat, concernant les besoins en lumière, espace, hygiène, repos, éducation et travail ; en respectant les 4 fonctions essentielles :
                • Habiter,
                • Travailler,
                • Se Re-Créer,
                • Circuler.
      • Aucune distinction entre les différentes catégories de population ne devait être admise (principe absolu pour Écochard) : les quartiers ouvriers et les quartiers résidentiels devront bénéficier de la même organisation et des mêmes équipements. Les fonctionnements des quartiers, la hiérarchie des circulations, les zones vertes, les espaces publics devaient recevoir les mêmes solutions.
      • L'organisation des quartiers devait être permanente quelle que soit l'évolution ; les quartiers devaient recevoir les aménagements nécessaires à une vie sociale pleinement développée : voierie, espaces libres, bâtiments publics et ce, à toutes les étapes de la transformation de l'habitat.
      • À l'intérieur des zones d'extension : création d'unités de voisinage de 6 à 9 000 habitants centrées sur l'école et comportant : dispensaire, administration, terrains de sport et les éléments traditionnels : mosquée, kissaria, souk, fours communs.

Trame Écochard :

Afin de remplacer les bidonvilles, Michel Écochard conçut selon un fonctionnalisme vernaculaire, des logements simples et économiques en carré de 8m x 8m comportant 2 chambres, une cour et un sanitaire d'une surface totale de 64 m2. Fondés sur l'analyse des médinas anciennes, ces logements étaient assemblés en rez-de-chaussée sur une trame urbaine, constructible en série, permettant préfabrication, industrialisation pour loger 350 habitants à l'hectare.

Au Quartier Industriel Sud :

Le logement économique comprenait au Quartier industriel du Sud-Est dit " Battoir " :

      • La Cité indigène ou "Cité Lbattoir ", 1ère cité du Quartier Industriel Sud habitée exclusivement par des marocains, réalisée dans les années 40 par le Service de l'Habitat marocain sur trame horizontale (deux minuscules pièces, basses, un petit patio, eau saumâtre au robinet) avec un ou deux cafés maures et gargote, petites épiceries, boucher, coiffeur, un ou deux vendeurs de charbon de bois et de pétrole lampant. La cité s'ouvrait par quatre portes extérieures qui n'étaient jamais fermées car il n'y avait pas d'insécurité. Une petite mosquée sans minaret avec une petite école coranique de la Tariqa Tijania occupait une maison. Après le séisme, le jardin Lalla Meryem actuel sera aménagé à l'emplacement de cette cité.
      • La Cité domaniale ou cité ouvrière du QI Sud avec 8 blocs ou îlots de maisons à patio en rez-de-chaussée sur trame horizontale type Écochard réalisée par l'Habitat marocain à partir de 1951 ; 2 000 logements dits Trame Écochard à rez-de-chaussée seront réalisés et 200 à étage de type standard (Cité Elasco).

 

 

 Blocs B3-B4-B6 furent construits de juillet 1951 à juillet 1953 : 260 logements économiques
Les services généraux furent intégrés avec
- l'école des mères,
- la garderie,
- le Centre de bienfaisance (l'Orphelinat),
- les écoles musulmanes de filles et de garçons du QI,
- le hammam,
- le dispensaire,
- le cinéma Salam,
- un petit marché de la rue de Meknès,
- des commerces, fours à pain et boulangers.
Bloc B3 :
68 logements économiques (1951-1952) ;
74 logements économiques (1951- 1952)
 Bloc B4 :
20 logements pour " fonctionnaires Maroc " (1951-1953)
 Bloc B6 :
98 logements économiques (1951-1953)

      • La Cité Mesguina : B9-B10-B11-B12 entre la rue Poincaré et la rue Turgot, entre le Dispensaire et le Tribunal d'Instance ainsi qu'une petite partie du Bloc B1. Elle n'aura vécu que quelques mois avant le séisme, elle sera détruite et reconstruite.

      • La Cité du Groupement Foncier ("La Foncière" ou surnommée par ses habitants encore actuellement : Boutchakat) sur trame horizontale type Écochard commencée vers 1953 (650 logements) constituant un bel ensemble avec plantations, commerces, etc (Aujard, p. 51). Les habitations furent mises en location-vente avec succès.


      • La "Cité que nous connaissons sous le nom d'Elasco" ou Habitat amélioré du QI Sud comprenant des petits immeubles à deux niveaux avec loggias et cours intérieures, non alignés sur la rue, orientés NO-SE destinée à une classe moyenne marocaine et musulmane (techniciens, fonctionnaires, entrepreneurs, personnel de la BAN) marocaine et européenne.

        Cette unité d'habitat collectif horizontal de 250 logements (1 000 personnes pouvant être logées) semble avoir été conçue par :

Plan masse : Robert Aujard architecte DPLG ;
Direction : M. Écochard, architecte ;
Réalisation : Frolich (ainsi écrit)
(Hinterland et l'urbanisme de la ville d'Agadir, 1955, p. 59-60)



 

 Cet ensemble était constitué de 250 logements d'une superficie de 100 à 112 m2, orientés Sud-Est et Ouest :

- 186 étaient à rez-de-chaussée avec patio et jardin ;
- 64 se trouvaient à l'étage avec une loggia.
-101 disposaient de 3 pièces ;
- 103 disposaient de 2 pièces.
Il y avait 40 garages et 20 portiques

Les logements étaient prévus pour être constitués en unités avec mosquée, commerces, centre sanitaire, école des mères et garderie, garages, et placés dans des jardins.

 

Cet habitat situé dans le secteur d'habitat traditionnel au QI Sud était destiné à recevoir des marocains, chefs de maitrise ou d'un standing de niveau moyen ou des européens de même standing, et se situait entre la trame 8 x 8 ordinaire et la villa.
Il présentait les avantages de l'habitat occidental dans le respect des traditions musulmanes.
Il pouvait être utilisé par les européens aussi bien que par les marocains car il pouvait être entièrement fermé, demi-fermé ou ouvert sur l'extérieur à volonté.
Cette unité d'habitat avait l'avantage de faire une économie en matière de coût de réalisation grâce à l'économie de terrain et grâce à l'utilisation de matériaux locaux traditionnels n'exigeant qu'une mise en œuvre ordinaire.

La municipalité avait exproprié les terrains et les avaient équipés et revendus à prix coutant à des particuliers qui réalisèrent des constructions dans le cadre des plans des architectes et de leurs servitudes jusqu'aux menuiseries et couleurs.

Le succès fut tel que les particuliers intéressés demandèrent que cette formule soit étendue à d'autres villes du Maroc.

 

      • La Cité de Khiam ou douar de tentes coiffant le QI, créée par les nomades sahraouis. Des Houara et des Chiadma étaient venus les rejoindre.
        Il fut décidé en 1954 d'organiser ce douar de tentes, d'établir des tentes fournies par les autorités (Résidence, la Région, la Municipalité) selon une trame 8 x 8 (trame sanitaire) sur un terrain de 8 ha fourni par les collectivités (Commandant Mathieu, Journal Le Souss, 28 mai 1954). Une infirmerie, une école primaire furent construites en dur, un bureau de cheikh ou de moqqadem, une mosquée sous grande tente fut édifiée.

Anza

La Cité ouvrière d'Anza, construite en 1955-56-57 par le Service de l'Habitat :

      • Lotissement d'habitat économique sur Trame horizontale type "Trame Écochard" en RC (310 logements économiques) ;
      • Lotissement sur "Trame sanitaire améliorée" type Écochard (92 lots comportant plateforme et blocs sanitaires) (achat de 20 ha et urbanisation de 10 ha) en 1957.

La maison musulmane traditionnelle était prise comme modèle avec une série de pièces groupées autour d'une cour intérieure à ciel ouvert assurant l'éclairage et la ventilation des pièces et utilisée comme espace à fonctions multiples.