Les destructions en Ville Nouvelle furent importantes (50
à 70 %) mais non massives comme à La Kasbah,
Founti, Talborjt et Ihchach ; d'intensité variable allant
de X à IX et à moins de IX sur sa bordure SE.
La population de la Ville Nouvelle et du Secteur mixte et Extension
X était estimée entre 3 060 et 3 250 habitants
dont 1 370 européens (chiffre donné par les
consulats) au moment du séisme.
La plupart des bâtiments étaient de construction
moderne en béton armé. Le béton résista
mieux que les constructions maçonnées en pierre
et chaux ; mais cela dépendait du type de construction
réalisée et des liens entre les éléments
des structures.
Après le séisme, la ville nouvelle présentait
un aspect de ville bombardée selon Choubert et Faure-Mouret
avec des immeubles complètement écroulés
et d'autres partiellement détruits, alternant avec des
constructions restées debout.
Rothé s'étonna de l'importance des dégâts,
incriminant la couche de dépôts quaternaires qui
reposait horizontalement en discordance sur les couches les plus
anciennes et qui aurait pu jouer le rôle de plaque vibrante
(Rothé, 17).
La Ville nouvelle située au Sud-Est de l'oued Tildi avait
pour substratum des dépôts (villafranchiens et quaternaires)
peu inclinés ou sub-horizontaux (Choubert et Faure Mouret,
57).
Tous les immeubles furent lézardés et partiellement
démolis à l'intérieur.
Dans les bâtiments à ossature, la mauvaise tenue
des remplissages fut un fait général.
Un exemple est celui du Lycée Youssef
Ben Tachfine (arch.J.
Forcioli, J. Chemineau, É. Delaporte, ing. Vladimir Bodiansky),
construit en 1951-52 ;
les panneaux de briques creuses de 12, formant les murs extérieurs,
s'effondrèrent à l'intérieur des classes,
heureusement vides.
Pour de nombreux bâtiments à étages, ces
effondrements de cloisons ou de panneaux alors que l'ossature
avait résisté, provoquèrent des pertes en
vies humaines. L'effondrement fut souvent total au rez-de-chaussée
alors que le 3ème étage était souvent intact.
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De nombreux bâtiments s'effondrèrent verticalement
"télescopés" ou "agenouillés".
L'accélération verticale fut importante et les
murs et les piliers ne supportèrent pas l'augmentation
de charge. Parfois ce sont les étages supérieurs
mal liés ou mal soutenus qui s'effondrèrent comme
l'immeuble Sud-Building, avenue Moulay Hassan (Rothé,
18).
Hôtel Marhaba
(1er établissement construit par la Compagnie
de Navigation Paquet avant le règlement de la question
foncière, inauguré en 1932 - (architecte
Marius Boyer), modifié en 1951-52 (architecte Bassières)
:  |
La structure du portique à l'entrée était
supportée par de longues colonnes qui n'avaient pas d'entraves
latérales. Lorsque le choc du séisme frappa la
structure, la base s'écarta ce qui entraina la chute de
la structure. La partie centrale de la construction fut gravement
endommagée mais ne s'effondra pas.
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Cinéma Rialto
Les arches en bowstring (poutres en arches et cordes)
en béton armé soutenant le toit de la structure,
reposaient directement sur les murs porteurs en maçonnerie
de pierre non renforcée. Vers l'arrière de la construction,
les murs porteurs soutenaient également les planchers
des balcons qui servaient de cadre aux murs de maçonneries
à environ mi-hauteur ; mais dans la partie avant du cinéma,
les murs de maçonnerie n'étaient pas maintenus
sur toute leur hauteur d'environ 8 mètres. Le choc sismique
provoqua l'effondrement des murs de maçonnerie sans support
vers l'extérieur, faisant tomber l'armature dans sa totalité. |
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Immeuble Sud-Building et l'immeuble Bohly

Le Sud-Building : cette structure de 4 étages
(rez-de-chaussée avec 3 étages et une terrasse
débordant les 3 étages inférieurs) était
approximativement de forme rectangulaire, mais dans les 3 étages
supérieurs, elle était arrondie en forme de L avec
la courbe arrondie aux coins des 2 rues (Thiers et Lucie-Saint)
qui bordaient l'immeuble.
La structure était en porte à faux sur les 2
rues avec la projection de la terrasse du 4ème étage
qui dépassait de 3 mètres la façade de l'immeuble.
Le poids du surplomb, combiné avec la poussée soudaine
venant du sol vers l'arrière de l'immeuble (du NW) lors
du séisme, provoqua le cisaillement de la maçonnerie
et l'effondrement du remplissage des colonnes du 3ème
étage.
Dans la courbure du L au dernier étage, les colonnes se
s'effondrèrent aussi.
Immeuble Bohly
Construit en 1937-38. Bel immeuble repeint en 1955, à
la fois commercial et d'habitations. L'affaissement des murs
porteurs en maçonnerie laissa les dalles de plancher sans
support.
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Immeuble Bella Vista
Avant le séisme : le Bella Vista en construction : photos
Studio Jean Manuel
De ce bel immeuble très élégant avec ses
brise-soleil en terrasse et ses balcons panoramiques, construit
en 1952-3 rue Sadi Carnot, près du Suld-building et de
l'immeuble Bohly, proche du Marhaba par un grand escalier, il
ne restait que des morceaux.
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Immeuble de la BNCIA (construit en 1952-53) accolé à l'immeuble
ASSIMA (années 30) :
Les colonnes en béton armé du rez-de-chaussée
furent gravement endommagées à leur base et au
sommet.
La résistance latérale des étages supérieurs
fut plus grande que celle fournie par les colonnes du rez-de-chaussée
et la majeure partie des dégâts concerna le rez-de-chaussée.
Un fossé se créa entre ce bâtiment et
l'immeuble ASSIMA.
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Immeuble du Comptoir
des Mines et celui de la CFAT (Crédit Foncier
d'Algérie et de Tunisie) |
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L'Hôtel de Ville (Municipaux)
fut construit en 1953-54, (architecte
Marcel Lods, les frères Luc et Xavier Arsène-Henry,
ingénieur Vladimir Bodiansky)
La structure était construite en béton
armé avec des joints résistants. Bien que lors
de la conception, seule la force du vent avait été
prise en compte pour la force latérale, la performance
fut sensiblement meilleure que celle des structures en béton
conçues uniquement pour la charge verticale.
Le projet de hauteur initiale était de 7 étages
et la conception de la structure fut basée sur la pleine
hauteur. Au moment du séisme, le bâtiment n'avait
que 4 étages. Pour cette raison, la structure fut considérablement
plus performante que si elle avait eu 8 étages.
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Immeuble Baraud et Billet face
au nouveau Marché municipal et accolé à
l'immeuble Jaubert.
L'immeuble s'écroula complètement faisant de
nombreuses victimes. Le Studio Jean Manuel se trouvait dans cet
immeuble. Les photographes Gautier occupaient une villa près
de l'école Bosc et ne furent pas blessés.
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L'immeuble Guérin et Palloti
Près du Marché, cet immeuble fut complètement
détruit.
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Immeuble Brise Marine
Très bel immeuble, construit en 1952 sur les remblais
de la rive gauche de l'oued Tildi. Il fut réduit en morceaux.
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Immeuble de La Paternelle Africaine
Construit en 1953-54 (architectes
Édouard Delaporte et Guy Lachanaud)
Immeuble imposant. Il abritait au rez-de-chaussée la Banque
Populaire d'Agadir.
Les 3 étages supérieurs de l'immeuble étaient
réservés aux appartements. Il était destiné
à recevoir
7 étages mais n'en eut que 3.
L'immeuble fut érigé en béton
précontraint par la Sté ETPO (Entreprise nantaise
de TP de l'Ouest spécialisée dans les ouvrages
d'art) pour le terrassement, gros-uvre et béton.
Le béton de la structure fut gravement endommagé
au rez-de-chaussée.
Deux colonnes cédèrent complètement.
Il fut réparé puis rénové il y a
peu de temps par l'entrepreneur Zerkdi. |
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Immeuble Diane Omnia (architecte Jabin)
Cet immeuble de 2 étages d'habitations et un étage
commercial fut construit en 1952 en face du Tribunal de paix
(arch. Jacques Hentschel et Antoine
Marchisio) ; ce dernier s'écroula en partie.
L'immeuble de Jabin résista et fut réparé
de même que le petit immeuble en rez-de-chaussée
avec un étage qui le jouxte encore.
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Petits immeubles de l'avenue
Mohamed V
Juste après l'oued Tanout. Ils furent très secoués
et détruits.
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Nouveau Marché municipal
(architecte Appéré)
Le nouveau Marché municipal fut terminé en mars
1959. Un parking fut construit sous le marché. Deux rampes
latérales permettaient d'atteindre une très grande
porte centrale surélevée.
L'établissement avait une structure en béton
armé ayant des joints résistants à des forces
de levier (verticales).
Le rez-de-chaussée de ce bâtiment avait de très
imposantes armatures de béton, conçues pour supporter
de lourds chargements des produits de l'entrepôt du 1er
étage.
Le toit de la partie supérieure de l'établissement
avait une charge utile plutôt légère, soutenue
par des colonnes assez minces.
La structure était divisée en 3 parties (d'environ
20 à 30 mètres au sol) reliées par des joints
de dilatation.
Le toit au-dessus de deux sections s'écroula complètement
tandis que la 3ème partie se déforma gravement.
Le séisme n'a pratiquement pas eu d'effet direct sur les
sections du 1er étage sur lesquelles aucune structure
ne s'est effondrée.
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Immeuble de fonctionnaires dit immeuble
des TP
Construit au bord de Tanout (rive droite), il subit des dégâts
intérieurs importants.
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L'immeuble OCH en
face de l'immeuble des TP fut réduit en morceaux
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Immeubles modernes construits
vers 1955-6
Ces immeubles se trouvaient près du marché couvert
; ils furent complètement détruits et effondrés.
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En ce qui concerne les destructions des immeubles prestigieux
de la VN construits en béton armé, il est important
de rappeler que " l'importance des dégâts est
apparue inversement proportionnelle à la qualité
de la construction et de la mise en uvre des matériaux
" (P. Mas).
Dans les constructions modernes, l'hétérogénéité
des matériaux, des liaisons (dalles et planchers en béton
simplement posés, murs et cloisons non ancrés dans
les ossatures) furent à l'origine de nombreux dégâts
(Péré, 54).
Sources :
- Georges Choubert et Anne Faure-Muret (Service
de la Carte géologique, Rabat), Le séisme d'Agadir,
ses effets et son interprétation géologique,
Notes et Mémoires du Service géologique N°
154, pp 53-68 et 23 planches photos, Éd. 1962 ;
- Jean Pierre Rothé (Professeur à l'Université
de Strasbourg, Directeur du Bureau central international de Séismplogie),
Le séisme d'Agadir et la séismicité du
Maroc, Notes et Mémoires du Service géologique
N° 154, pp 7-30, Éd. 1962 ;
- J. P. Rothé, Le tragique bilan des séismes
de 1960 incombe en grande partie à la mauvaise qualité
des constructions ;
- The Agadir, Morocco Earthquake, Édité
à New York en anglais par le Commitee of Structural
Steel Producers of American Iron and Steel Institute, 1932.
Cet ouvrage fut rédigé essentiellement par R. W.
Clough, professeur à l'Université de Californie
(Berkley). Il est la relation des observations faites par la
mission du comité arrivée au Maroc le 19 mars 1960.
Le Pr Clough était accompagné de l'ingénieur
R. W. Binder (ingénieur en chef de la Bethlehem
Steel Company), T. R. Higgins (Directeur des Recherches
du Génie Civil de l'American Institute of Steel Construction
et W. G. Kirkland (Chef de la Division du Génie
Civil et Vice-Président Assistant de l'American Iron).
Photos des membres de la mission et de l'US Navy prises tout
de suite après le séisme.
Le chapitre 3 (traduit par R. Caïs-Terrier, M. Granger et
F. Faucher-Moreau, P. Perrot) est consacré aux effets
structurels du séisme.
- M. Péré, Agadir, ville nouvelle,
Revue de Géographie du Maroc, n°12, 1967. En particulier
le Chapitre II : une ville anéantie : le séisme
du 29 février 1960 (pp 52-55) ;
- R. Ambroggi, Le séisme d'Agadir (29 février
1960 à 23 h 41) Rapport géologique, Publication
du Ministère de l'Économie Nationale, Division
des Mines et de la Géologie, Service de Géologie,
Royaume du Maroc.
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