Le village d'Ihchach connut et vécut
avec quelques espèces d'oiseaux qui étaient familiers
à tous, grands et les petits.
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Pour commencer : les éperviers
(taynina au singulier et tayninatn au pluriel)
et les corbeaux (agaywar au singulier et agaywarn
au pluriel) qui ne quittaient pas le ciel d'Ihchach et la partie
de la "Domine" en particulier. Ces deux espèces
se livraient des combats "aéronavals" spectaculaires
chaque jour. Les éperviers venaient s'emparer des poussins
et mêmes des volailles plus importantes.
Les oiseaux chasseurs se cachaient dans les hauts palmiers dattiers
de la "Domine" et les corbeaux les surveillaient en
haut du rocher de la maison blanche du côté d'Illigh.
Les habitants criaient de toutes leurs forces quand les éperviers
attaquaient la volaille, emportant au ciel poussins et adultes.
Les corbeaux décollaient et le spectacle aérien
commençait sous les yeux des habitants. On encourageait
les corbeaux plus nombreux qui encerclaient les éperviers.
Ils les attaquaient avec leurs grandes ailes et leurs becs.
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Le combat avait lieu à la
"Domine" entre le mausolée de Sidi El Ghazi
et l'école primaire.
Les femmes et les enfants utilisaient les haïks pour
récupérer les poussins avant qu'ils ne touchent
le sol. Les poulets adultes libérés atterrissaient
de leurs propres ailes. Le parachutage était vraiment
incroyable à voir et à revoir pour nous les enfants.
Il est dommage que la caméra n'existait pas encore pour
immortaliser ces combats aériens.
De temps en temps, on déplorait quelques pertes et les
habitants continuaient à être vigilants et à
vivre avec ce risque au-dessus de la tête. Ils haïssaient
les éperviers et respectaient, aimaient les corbeaux qui
les défendaient. Les habitants de la Domine les alimentaient
de temps en temps sur leur terrain de "décollage"
pour leur prouver leur amitié.
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Ihchach connaissait les moineaux
domestiques (izikki au singulier et izikkiten
au pluriel) qui vivaient dans les maisons, les moulins à
grains, les mosquées, à Iggui Lbod. Les gens emploient
le terme d'izikki pour évoquer quelqu'un qui parle
beaucoup sans partage.
Les enfants utilisaient la tire-boulette de temps à autre,
mais en cachette car nos parents nous interdisaient d'abattre
les moineaux.
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Tasmi Ifergane (l'aiguille des jujubiers), la grive musicienne,
est un petit oiseau qui vivait dans les jujubiers et les muriers
de Tassouqt. C'est un petit oiseau très actif et méfiant
qui n'arrête pas de bouger. Je n'oublierai jamais l'annonce
de la mort accidentelle de mon père : j'avais entre les
mains une de ces tire-boulettes pour tuer cette "aiguille".
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L'oiseau le plus aimé, le
plus proche de l'homme d'Ihchach, le plus calme parmi toutes
ces espèces est le tingbioute (tingbioute
au singulier et tingbiouine au pluriel) qui signifie l'invitée
(accenteur Mouchet). Cet oiseau vit dans les mosquées,
les maisons, les moulins à grains.
Quand il débarquait dans une maison et insistait avec
beaucoup de bruit on lui disait : "Que cet invité
nous apporte de bonnes nouvelles !" On croyait qu'il annonçait
la venue de quelqu'un.
On n'agressait pas cet oiseau, on ne cherchait pas à l'effrayer,
on le nourrissait et on faisait tout pour l'approcher.
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La pie (braouch) est
un joli oiseau pour ses différentes couleurs. Pour les
habitants d'Ihchach, elle était synonyme de bavarde qui
empêche les gens de se concentrer dans les discussions.
Les enfants l'aimaient du fait qu'elle les alimentait en dattes
crues ou mûres. Quand on était sous un palmier,
elle faisait tomber ce bon fruit comme si on communiquait avec
elle par la pensée.
Aujourd'hui ces oiseaux sont nombreux sur la corniche et vivent
paisiblement avec les milliers de piétons qui s'y trouvent.
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Les mouettes (ôuwa
el bahr) étaient par centaines voire par milliers
sur le dépotoir d'Ihchach surtout quand les bateaux de
pêche ne sortaient pas. Elles vivaient parmi les gens paisiblement
même quand les enfants allaient chercher des jouets dans
le dépotoir.
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Taoukt
(le hibou) est un oiseau qui habitait les nombreuses petites
grottes du côté de la Domine. La nuit, il nous faisait
peur et ses cris étaient de mauvais augure. On se blottissait
la nuit dans les bras de nos mamans qui nous rassuraient.
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La bergeronnette
(tamkrarazt) vivait à longueur d'année à
Ihchach. Son nom vient de kerz : le labour. Elle attendait
la saison de labour pour accompagner les laboureurs à
travers les sillons qui déterraient les vers dont elle
était friande. |
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Les chauves-souris (hlima
ou zalim au singulier et hlimate ou zalim au pluriel
: baladeuses d'oignons). La nuit ou dans l'obscurité,
on les chassait en leur tendant un bouquet de jujubiers avec
un appât d'oignon qu'elles aimaient. Le jujubier remplaçait
le filet.
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Les hirondelles (tifliliste au
singulier et tiflilissine au pluriel) venaient périodiquement
à Ihchach ; on suivait leurs vitesses et leurs acrobaties.
Cela portait malheur de les agresser.

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