À côté, un autre
cercle avec le magicien.
L'homme tenait une théière et vous demandait si
vous vouliez un verre de thé ou de café et vous
servait ce que vous désiriez avec la même théière.
Il faisait disparaître les pigeons et rendait les vêtements
noirs ou tout blancs.
D'une chiquenaude sur la tête d'un garçon, il sortait
une datte. De l'oreille de ce dernier, il sortait un bonbon qu'il
offrait. De jolis numéros, rapides, à ne rien comprendre.
Un autre jour venait l'homme à l'âne.
Il jouait avec un vieux violon qu'il entretenait avant de commencer.
Il utilisait une résine provenant, disait-il, de l'arbre
sacré pour que les fines cordes répandent les ondes
sonores à tout le village et que tout le monde en profite.
Il faisait danser son compagnon au rythme de son violon. Le plus
curieux, c'était quand l'âne tombait raide mort.
Il le suppliait alors de se relever. On disait qu'il faisait
"mouta hmar" (la mort de l'âne).
Il faisait venir les spectateurs, un par un,
pour demander à l'âne de revenir à la vie
en lui chuchotant à l'oreille. Il le trainait par la queue,
le renversait tantôt à gauche, tantôt à
droite.
Il demandait à l'assistance de lui
jeter des pièces de monnaie et là,
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l'âne faisait bouger ses oreilles plus
ou moins selon l'importance des pièces qui tombaient.
Les petits malins lançaient des fausses pièces
en zinc qui faisaient beaucoup plus de bruit. "Donnez
plus pour qu'il se remette debout" répétait
l'ânier.
L'âne faisait le tour du cercle, les lèvres ouvertes,
souriant pour remercier. Le public applaudissait, la bête
jouait des 4 pieds faisant entendre le son de ses fers en rythme
avec le violon. Des moments de rêve entre cette bête
intelligente et l'homme.
Il fallait écouter ce conteur,
homme bien âgé qui emballait son public avec des
histoires du temps passé. Il racontait l'histoire de cet
homme courageux utilisant son épée contre des envahisseurs
qui voulaient détruire son village.
Il fallait voir ses admirateurs emportés, hypnotisés
qui esquivaient les coups d'épée (un bâton)
qu'il mimait au-dessus des têtes de ses fans. Quelle histoire
!
Depuis le séisme, dit Lahsen, "Je n'ai
plus revu ce genre de spectacle digne des grands cirques".
Il arrivait que les bouchers de l'abattoir
du Quartier Industriel ou que les pêcheurs vendeurs occasionnels
ne liquident pas toute leur marchandise. Ils partaient chez eux
laissant sur place les invendus. Les gens qui n'avaient pas de
quoi les acheter, se partageaient ce qui restait, équitablement
et sans heurt.
C'était le quotidien de cette place
pleine d'humour, tolérante, gaie, gérée
par ses occupants et ne laissant aucune ordure, aucun déchet
sur place.
La matinée,
la place était réservée aux chibanis qui
occupaient l'ombre de chaque grand mûrier pour jouer aux
dames ou aux dominos. Ceux qui ne jouaient pas, se racontaient
entre eux la vie militaire lors de leurs engagements à
Danbanfou (Dien Bien Phu), à Taliane (Italie),
à Alimane (Allemagne) ou l'entrée triomphante
à Bariz (Paris), avec la participation de la Lijou
(La Légion), de Saligane (les Sénégalais),
Laljiriane (l'Algérie) et Towanssa (les
Tunisiens).
D'autres racontaient la siba des années 10/30,
la sécheresse, les sauterelles et les épidémies
dévastatrices.
On se mettait derrière eux pour écouter leurs prouesses,
leur courage. On imaginait que les pays cités se trouvaient
juste derrière les hautes montagnes d'Ihchach.
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