C'était en 1957, El Malik Mohamed El Khamiss se rendit au village Ihchach un certain soir.
Agadir était partout en fête. Le village Ihchach avait organisé des fêtes folkloriques à Anrar Irfaken, la place des caravaniers qui se trouvait entre Iggui Lbod et l'école primaire publique.
Personne ne s'attendait à cette visite inopinée. Personne ne pensait que le roi du Maroc arriverait un soir à Ihchach, le village autochtone un peu en retrait par rapport aux autres quartiers d'Agadir.

Mohamed V arriva dans une grande voiture avec d'autres personnalités, suivi d'une autre voiture. Ils descendirent de leurs voitures, contemplèrent le village sous tous ses angles, les fontaines Iggui Lbod, le valeureux petit pont, les va-et-vient des citadins qui montaient vers Tassouqt, d'autres qui les croisaient. Ils se dirigèrent vers la place Anrar Irfaken d'un pas lent pour se rapprocher de ce grand cercle humain, hommes d'un côté, femmes et enfants de l'autre. Du côté de l'école publique, se trouvaient les tambourins et plusieurs kanoun (braséros) pour faire chauffer les plateaux ; un peu plus loin des hommes âgés étaient assis sur des nattes et des tapis et faisaient le thé. Au milieu du cercle, il y avait une grande troupe folklorique habillée de blanc, babouches jaunes aux pieds, portant sur la tête des rubans de tissus ornés de basilic. De temps à autre, une personne venait arroser le sol pour atténuer la poussière. Quelqu'un s'aperçut que le Malik se trouvait parmi eux sans aucun protocole ; une saignée humaine s'ouvrit pour l'inviter à avancer, ce qu'il fit tout en saluant paisiblement les hommes et les femmes. La musique ne s'arrêta pas, elle s'intensifia. On s'inclinait sur son passage, les youyous fusèrent ainsi que les slogans : " Vive El Malik, Vive la famille Royale, Vive le Maroc, c'est un honneur pour nous, soyez les bienvenus ! " Le roi répondit : " Que Dieu vous bénisse ! Que Dieu vous garde, c'est un grand jour ! ". De temps en temps, il ajustait son calot de velours qui épousait sa djellaba.

Quelqu'un l'aspergea lui et ses amis du parfum "Rêve d'or" durant sa tournée.
Le folklore ne s'arrêta pas. Le roi et ses compagnons tous en djellabas blanches furent servis de thé et de gâteaux secs. Ils étaient debout, les chaises n'étaient pas préparées.
Une scène unique à Ihchach ! Certains pensaient que c'était un rêve ! Voir le roi à Ihchach à cette heure-ci, sans préavis …
Et cependant il n'y avait aucun service d'ordre, aucune confusion, aucune précipitation dérangeante !
Cela ne dura pas plus de 35 minutes. Mohamed V souriait, bénissait les villageois et les remerciait pour leur accueil spontané et chaleureux.
Mohamed V quitta Ihchach sous des ovations interminables alors que la population descendait en courant de toutes les rues du village pour voir de près ce "Saint Homme" qu'ils avaient vu une fois dans la lune durant son exil !