Le club mythique Fournaise, ne
dépendait pas du NCA, auquel je ne suis jamais
allée.
C'était un club exceptionnellement
animé par M. Fournaise, inséparable de son
chapeau et sifflet.
Son corps sculpté d'une musculature toujours luisante,
des postures solidement campées, la démarche rapide
de petits pas
tel on le remarquait au premier regard, bien
qu'il ne soit pas de grande taille.
Sa tâche café au lait sur l'avant-bras droit avait
retenu mon attention, en ayant une quelque peu semblable sur
la jambe gauche, trace d'une brûlure ancienne de poêle
de cheminée. Ma crainte de voir pousser des poils en son
centre comme sur la tache de Mr Fournaise, avait fait sourire
mes parents !
Le regard séducteur, il appréciait les belles femmes,
me rappelle encore maman. Accompagné d'une blonde pulpeuse,
pin-up de plage, parfois en bigoudis sous un foulard gracieusement
noué, en vue d'une soirée.
Mes surs et moi étions au club,
de 1956 jusqu'au tremblement de terre, en ce qui me concerne.
Les "cours" de Mr Fournaise avaient également
lieu hors vacances scolaires, les jours de repos, non le dimanche,
jour où allions avec lui, ses filles et sa compagne au
Rocher du diable, km 18, km 21
Bigorneaux, oursins, moules cuites sur un feu au creux des rochers,
faisaient le régal de nos pique-niques joyeux et chaleureux.
Les deux filles Fournaise, étaient nos copines de plage.
Françoise l'aînée souvent chef de
file, avait une grande aisance relationnelle. Catherine,
la mine boudeuse, chouchoute de son père disputait ses
genoux d'avec la compagne...
Que de souvenirs ce club, à gauche
des cabines, devant le premier bosquet d'eucalyptus, avec ses
deux tentes, une pour les filles, l'autre pour les garçons.
Ces derniers aimaient soulever un coin de tente pour regarder
le déshabillage des filles, esclaffées de rire...
Le matin, les cours de gym sur la plage, étaient
un régal, tous alignés, très attentifs aux
consignes du maître pour parfaire nos mouvements.
J'aimais les exercices avec l'immanquable bâton d'étirement-assouplissement,
me donnant le sentiment de "grandir" mon corps.
Les cours de natation se faisaient tant en mer que sur le sable.
Chaque mouvement décortiqué dans des brassages
de sable faisait des bambins, de drôles de bestioles, tortues
ou reptiles de plage. Je savais nager mais aimais me joindre
aux autres pour crapahuter dans le sable.
Le sifflet de Mr Fournaise fonctionnait sans
répit, soit pour rassembler les troupes, rappeler à
l'ordre quand on s'éloignait de la côte, soit pour
les jeux de plage.
Je me souviens des parties bruyamment disputées
de ballon prisonnier, de passe à dix, de jeu du béret
(M. Fournaise n'acceptant jamais de mettre en jeu son chapeau
c'était un foulard), des jeux de relais toujours diversifiés
avec passage d'un témoin, concours de sacs de patates,
de brouettes, de corde à hisser.
Je me souviens du jeu du mouchoir pour les plus petits que l'on
aimait enquiquiner...
Et puis, les concours de gym, de chandelle, marche sur les mains
à tenir le plus longtemps possible, cabriole, roue, pont
que j'adorais faire.
Et encore des jeux de saute-mouton, de ballon, Jokari, volant
.
Je me souviens du Zodiac de Mr Fournaise....
quelle joie, sillonner la côte entre plage et radeaux.
Les radeaux, il y en avait deux, un petit plus près et
le grand avec toboggan, plongeoir, réservé aux
bons nageurs.
J'adorais y aller, plonger du haut et surtout plonger profond.
Traverser le radeau était téméraire, frimant,
car il y avait de gluants bidons-supports et cordages... une
vase verdâtre dégoûtante. Et puis interdit
par nos parents, cela nous "attractait" fort... On
s'y faisait aussi mal
Nous guettions fébrilement les bans
de marsouins, pour plonger par dessus, le fantasme d'être
emporté par l'un d'eux ... le Grand Bleu, version futuriste
!
Mr Fournaise faisait des va-et-vient, veillant sur nous, mais
également je pense en tant que surveillant de baignade
de plage.
Nous ne sommes jamais allés au NCA avec lui. C'était
pour nous deux mondes bien différents, dans mon souvenir.
Mr Fournaise avait également une petite barque où
j'ai expérimenté des rames, pour la première
fois.
Je me souviens des bains, avec nos immenses
bouées, chambres à air de camions, centres de nos
concours de sauts, plongeons, duels... aïe combien de fois
s'est-on accroché à la valve.
Je me souviens de l'eau qui avait pour moi l'odeur de la pastèque...
Et encore de maman apprenant à nager, qui dans un moment
de panique, s'était agrippée au maillot de Ramon
(Raymond Humeau), se retrouvant les fesses à l'air !
Que de souvenirs heureux, cette troupe joyeuse,
si chaleureusement menée par Mr Fournaise.
Je ne l'oublierai jamais...
Souvenirs d'enfance de Dominique Bloch Mazet