Le Football à Agadir

 

 

 
 
 La pratique du football commença dans les années 1910-1920 à Agadir.
Les habitants de la Kasbah, de Founti, de Tildi ou de Tarrast (embouchure de l'Oued Souss) jouaient sur le sable à hauteur de l'appontement avant même sa construction en 1916 et bien après.
En ce temps là, le nombre de joueurs était approximatif mais rarement de 11 contre 11.
Le ballon était en peau de chèvre rempli de laine de mouton et cousu. Ses dimensions étaient inférieures à celles du ballon actuel de la FIFA.
Le jeu était très spécial parce qu'on jouait avec les pieds mais aussi avec des bâtons comme au hockey.
Le règlement disait que les bâtons ne devaient servir que lors d'une échappée vers les buts mais jamais en "cafouillage" pour éviter de blesser l'adversaire.
Les gagnants recevaient chacun une tassargalt offerte par les supporters de l'équipe perdante. Ceux de Tildi et de Tarrast offraient une grande courgette locale ou des maïs verts provenant des terrains fertiles et continuellement arrosés par l'eau douce des sources abondantes en ce temps-là.
Quand un but était marqué, l'équipe dansait en rond et élevait les bâtons en l'air tout en chantant leur victoire.
 

 
 
 

 L'entrepreneur Fernand Barutel joua un rôle important dans la mise en place du football moderne en fournissant les équipements sportifs et les moyens de transport des équipes.
Au commencement, les parties se jouaient devant les baraquements du bord de mer.
La vue était "aérienne" depuis les premiers bâtiments de la SATAS.

 

 


Fernand Barutel créa une équipe avec son personnel vers 1938-39.
Le vrai ballon arriva.
Le vrai règlement s'appliqua.
Le short et la tenue remplacèrent les serouals et les djellabas.
"On est plus léger comme ça" disait le capitaine.
Le stade, c'était le sable devant le NCA.

 
 
 
 
 Puis le stade municipal fut construit à côté du club équestre.
Le terrain n'était pas gazonné mais était en terre battue. Les équipes gadiries jouaient entre elles mais invitaient aussi les équipes espagnoles d'Ifni et de Rio de Oro. Les équipes se déplaçaient comme elles pouvaient, à Tiznit, à Marrakech par le Tizi N'Test, à Taroudant ou à Essaouira (Mogador). Mais l'ambiance était au rendez-vous. Parfois, on allait voir les matchs de rugby qui ne se pratiquaient qu'entre les militaires de la BAN et les Espagnols d' Ifni.
Le football "carnavalesque" des personnes en surpoids comme Monsieur Godard de Talborjt se déroulaient autant sur le terrain Bertin (vers les boulevard Steeg et Poincaré) que sur le terrain municipal.
Le pastis était la boisson préférée de ces joueurs qui venaient trinquer facilement au buffet installé sur le bord de touche !.
Les comités étaient constitués de gadiris européens et marocains qui savaient dénicher les bons joueurs dans les quartiers.
Il y avait de la solidarité. Les joueurs et les supporters se cotisaient entre eux pour se déplacer en autocar et parfois en camions et grands taxis.

 

 
 

 "Je n'oublierai jamais les joueurs qui portaient des taguias (calottes)", raconte Lahsen Roussafi. À l'entrée, ils saluaient le public avec la calotte multi-couleurs qu'ils agitaient. Ce geste était répété entre les équipes adverses. Si la calotte tombait au cours du match, on allait la chercher, on la remettait sur la tête et on continuait à jouer. Elle avait une forte valeur symbolique. Elle couvrait le chef dans le vrai sens du mot. Elle avait plus de valeur que le cerveau lui-même et représentait le territoire d'origine et la dignité de l'individu. La taguia a disparu aujourd'hui, emportant son charme d'autrefois et sa signification.

"Pour nous autochtones, elle est bien là dans nos souvenirs et nous voulons la garder dans nos mémoires" (Souvenirs de Lahsen Roussafi).

 
 

Dès les années 40, les clubs se multiplièrent à Talborjt, Yachech, Inezgane, à la BAN.

Il y eut :

 Hassania

Vers 1946-47, des mordus du ballon rond, Ahmed Akhenouch, Ahmed et Abbès Kabbage, Da M'bark-Bjijaouane, Omar Slaoui, les frères Chtouki, et d'autres encore, créèrent le club "Hassania" : Hassania Union Sport d'Agadir (HUSA) "La gazelle du Souss" aux couleurs rouges et blanches.


C'était à l'époque du discours de Tanger en 1947 quand le sultan Mohamed Ben Youssef prononça son discours.


Un terrain d'entraînement de fortune fut installé à l'extérieur d'Agadir (terrain de Mercala).
Les membres prirent en charge tous les frais afférents aux rencontres disputées ainsi que les équipements.


Le HUSA disputa son premier match à l'extérieur à Salé. Mais il rencontra des difficultés avec l'autorité coloniale qui accusa le club d'activisme illicite. Le Hassania fut interdit.

 
 

 Rochd



Alors fut créée en 1950 l'équipe "Rochd" (qui signifie Maturité) avec une structure bien solide à partir des joueurs de Yachech pour reprendre l'activité du Hassania interdit.
Son fondateur fut M. Belkahia (Services Municipaux de Founti avec M. Villar).

 

 Najah (qui signifie Réussite)

 

était une équipe locale formée essentiellement de joueurs de Yachech qui servait de pépinière pour les grandes équipes. Elle fut créée par M. Bilaou fondateur du Scoutisme de Yachech dont faisait partie Lahsen Roussafi.

 

 
La cohabitation des gadiris permit de dépasser les clivages politiques et les clubs de football se développèrent et adhérèrent à la Fédération Marocaine de Football.
 

 Le public gadiri se comportait correctement sans jamais descendre sur le stade pour agresser l'adversaire.

 
 
 

 


Parmi les équipes existantes en 1956, il y eut : l'ASI, l'ASA, l'ASS-Police, la BAN, Najah, Rochd, Hassania.
Il y eut également l'Alliance Sportive, le Nadi Chaâb du Quartier Industriel et le RAPC du port.
Ces équipes évoluaient à la "Promotion du Sud".

Monsieur Hazza, chef du Ministère de la Jeunesse et des Sports (dont le bureau se trouvait dans l'immeuble de la Jeunesse et Sports sur le boulevard Steeg en face de l'Église protestante, mais habitait au Stade municipal) fut pour beaucoup dans le développement du football gadiri.

MM. Bernabé, Belkahia, Laroui, Hassoune, Bijawane, Achengli, Kassidi, le commissaire Tarik, Bel Hadj Missa, Kerbid étaient très attachés au monde du football, ainsi que René Simon, Bertheux, Guillotin, Dr Lanceau, Vergel, Ohayon Simon, Léon Mazet et d'autres qu'on oublie de citer.
 

 Selon Lahsen Roussafi, le meilleur footballeur gadiri de sa génération s'appelait Mohamed Tahbousti mais tout le monde l'appelait Hamma (La Joie du Souss).


Il était de Founti et était allé en classe avec lui à l'école de M. Simon à Talborjt. On le voit en photo quelques heures avant le séisme.
Il portait le surnom de Garrincha marocain (nom d'un petit oiseau qui ne se laisse pas facilement attraper).

Son style, ses débordements, ses dribbles ressemblaient à ceux du brésilien Manoel Francisco dos Santos, dit Garrincha, né en 1933 et mort en 1983, surnommé "Alegria do Povo" (La Joie du peuple).

 


Un autre joueur extraordinaire qui fut un des meilleurs du monde s'appelait Ben Barek. Il était surnommé "La Perle noire".
(Souvenirs inédits de Lahsen Roussafi)