Blanchette
ami des enfants, ami des grands




Blanchette, un nom bien connu des Gadiris de Talborjt avant le TDT et ensuite de ceux de l'Extension X.
Il s'appelait Mohamed es-Safhi des Aït Fouto.
Il était né en 1932 dans la région d'Akka, oasis du Sud marocain où les nombreux palmiers dattiers fournissent quantité de dattes consommées pendant le Ramadan.
Ses origines le rapprochaient des commerçants des pays caravaniers de Tombouctou à Mogador au siècle dernier.
 

 

 

Très jeune, Blanchette s'était établi comme épicier au Marché de Talborjt, travaillant pour le compte de Saïd Akhmiss qui était originaire des Ida ou Tanane.
L'épicerie se trouvait dans le nouveau marché en prolongement de l'ancien, troisième étal à gauche en rentrant par la rue Mesfioui.
Les clients de Blanchette l'appréciaient pour sa droiture, ses clientes pour la multitude de services rendus et pour son rire énorme et son sourire éclatant.
Il lui arrivait fréquemment de garder des enfants dans leurs poussettes à l'intérieur de l'épicerie, le temps que ces dames fassent leurs emplettes. Il lui arrivait même de mettre en place les biberons dans les fines bouches de ces petits anges.
Il avait toujours quelques chocolats ou bonbons pour les enfants visiteurs.
Raymond Humeau fut un de ces tout-petits-enfants gardés par Blanchette. Ces nombreux bambins faisaient ensuite pression sur leurs mères pour faire un détour chez l'ami Blanchette.

Blanchette, qui était analphabète, était non seulement un génie du calcul mental mais un remarquable polyglotte parlant couramment le français, l'italien, l'allemand, l'espagnol et l'anglais en plus de l'arabe dialectal et du berbère !

 

 

Sa maison se trouvait rue Hilala à 150 mètres de l'épicerie, au rez-de-chaussée près d'Aït Belaïd, une maison louée par Ahmed Moussaoui.

Elle fut complètement détruite pendant le séisme. Blanchette perdit ses deux fils Abdallah et Hassan, et son épouse passa 48 heures sous les décombres et fut récupérée blessée et très traumatisée, mais vivante.
Plus tard, contre toute attente, Mme Blanchette qui est en vie en 2011, eut trois fils dont deux sont pilotes à la RAM et un traiteur à Agadir.

Après le TDT, Blanchette s'installera dans un préfabriqué à l'Extension X.
Au début, Blanchette sera gérant d'une épicerie portant le nom de "La Main d'Or" appartenant à Messaoudi Abdeslam. Plus tard, Blanchette deviendra propriétaire de l'épicerie et lui donnera le nom d' "Atlantic chez Blanchette".

 On trouvait de tout chez Blanchette. Cette épicerie était en bois. Maintenant elle est en dur : une partie sert de local au fils de Blanchette, Aziz, qui est traiteur pour les fêtes et les mariages.
Michel Coeffic se souvient bien de cette figure illustre de Talborjt quand Blanchette travaillait avec Saïd dans l'épicerie du Marché couvert.
"À l'époque, dit-il, je faisais les petites courses car ma mère avait pas mal d'occupations avec mon frère et ma sœur qui n'étaient pas grands. Il me donnait souvent des bonbons ou un fruit. À l'époque des abricots, j'allais roder autour de son magasin pour récupérer les noyaux que je faisais sécher pour jouer avec mes copains dans la cour de l'école. Ensuite, nous avons quitté Talborjt pour l'Extension X et Blanchette a suivi. Il faisait crédit et Bichette allait payer la liste des denrées que Fatima ou moi, allions chercher. Tout le monde l'adorait, que ce soit à Talbordjt ou à l'Extension…".
 

 
 

 
"Quand on allait à l'épicerie, dit Raymond Humeau (un des petits veinards à avoir été gardés dans sa poussette par Blanchette), on savait que c'était pour un moment tant Blanchette était sympathique, et puis c'était aussi un lieu de rencontre pour les gens du quartier. Madame Blanchette venait passer des après-midi à bavarder avec ma mère".
Blanchette, cet homme bienveillant et chaleureux, est mort le 1er avril 2001, un jour où personne ne voulut croire à sa mort.
(Souvenirs d'Agadir " Blanchette l'épicier, ami des enfants, ami des grands ", Lahsen Roussafi, novembre 2008, Michel Coeffic, Raymond Humeau).