Il y a neuf ans, nous publiions,
Régine Terrier-Caïs, Lahsen Roussafi
et moi, la 1ère édition de Talborjt qui
était aussi le premier des quartiers d'Agadir d'avant
le séisme que nous avons décrit.
Je me souviens de ma surprise de constater que le nom même
des rues de Talborjt ne figurait pas sur les plans et je pensais
alors que Talborjt après avoir été détruit,
englouti, allait disparaître des mémoires en peu
de temps ; il nous fallait travailler vite pour préserver
nos souvenirs et de ce que nous pouvions encore apprendre des
anciens.
Il restait peu de personnes ayant connu Agadir avant 1960.
Nous avions si peu de place dans le site nouvellement créé
que toute photo posait problème par sa taille et Régine
faisait une chasse impitoyable pour que nous ne dépassions
pas le seuil fatidique du peu d'octets concédés.
Ainsi, nous avions laissé de côté le Plateau
administratif.
En dix ans, nous avons acquis de la documentation, des livres,
des revues, des documents d'archives rapportés par Régine
et Georges Caïs du Centre des Archives Diplomatiques
de Nantes (CADN), des documents photographiques, des témoignages
précieux grâce à Lahsen Roussafi,
infatigable chercheur-reporter de cette ville qu'il chérit
; et nous gardions en mémoire, l'idée de reprendre
la version initiale de Talborjt pour l'enrichir.
C'est ce que nous venons de faire.
Voici ce nouveau Talborjt étoffé avec des documents
plus lisibles, et accompagné cette fois de la description
du Plateau administratif.
Nous espérons faire comprendre
la dynamique de ce fantastique quartier initialement conçu
comme une ville "indigène" sous le Protectorat
et qui prendra par la suite le nom de Talborjt : ville
autonome plus que quartier, riche sur le plan économique
de commerçants - petits commerces de toutes sortes, gros
et demi-gros en alimentations, vêtements, artisans réputés,
coiffeurs, tailleurs, marchands de tissus, de journaux, vendeurs
de rue, nombreux hôtels, restaurants, cafés maures,
marché, souk hebdomadaire, nombreuses écoles, 3
cinémas - dont témoigne ici l'étendue de
l'index des lieux cités. Le tissu social de Talborjt
proprement dit était à l'image des noms des rues
portant celui des tribus berbères locales dont de nombreux
Gadiris ayant fui la misère, étaient issus ; les
Musulmans, les Juifs (venus de Mogador-Essaouira et d'anciens
mellahs dont celui de la Kasbah) et les Européens de diverses
origines ayant fui les guerres et la misère ou venus faire
fortune à Agadir nouvel eldorado, des fonctionnaires,
des militaires et des légionnaires, étaient mêlés
de façon conviviale et pacifique, fêtant ensemble
les événements familiaux ou traditionnels religieux
ou nationaux qui leur étaient chers.
Après le séisme, ce Talborjt dynamique et chaleureux
sera un exemple à suivre pour les urbanistes qui chercheront
à le reproduire dans un espace géographique cependant
bien différent de celui de l'ancien Talborjt construit
sur un plateau qui dominait la baie, à proximité
du port, de la Kasbah et de la ville moderne européenne.
Nous avons retracé la biographie de certains des habitants
de Talborjt mais cette liste est loin d'être exhaustive.
Elle reste à améliorer en ce qui concerne les Marocains
par manque d'informations à leur sujet.
Je remercie vivement mes co-auteurs, Régine et Lahsen,
pour ce travail dans lequel nous nous sommes complétés
et je remercie tous ceux qui n'ont pas compté leur temps
et leurs documents photographiques pour nous aider en particulier
le photographe Manuel Gautier de son vivant.
Marie France Dartois
1er février 2020
