Réalisations
Il conçoit plusieurs villas très originales selon
une architecture résidentielle inspirée de Le Corbusier
et de l'architecture californienne, des architectes américains
comme Frank Lloyd Whight (1867-1959) un des fondateurs
de l'architecture moderne.
Dès 1947, il crée le scandale en construisant dans
le quartier huppé d'Anfa, la villa Sami Suissa
du nom de son commanditaire (actuellement Café-restaurant
"Chez Pau "), monument brutaliste lyrique (dite "villa
Papillon" ou "villa Pagode") affichant une modernité
raffinée qui déplaira beaucoup à la bourgeoisie
catholique européenne d'Anfa.
La qualité du travail de Zevaco se distingue par celle
du dessin, très précis, très soigné
dans les détails. Les façades sont de véritables
sculptures.
Zevaco réalise des villas cossues pour une élite
marocaine avec patio, habitation introvertie.
La villa Suissa : il s'agit d'une architecture privée
qui se met en scène avec un zoning évident
(pièces de réception, espace réservé
à la famille et au service domestique) une sorte de boite
dans laquelle s'agence tout un programme de vie. Constituée
d'une enveloppe moderne, d'un épais balcon qui ceinture
la villa et sert d'auvent aux pièces de réception
dans une ligne courbe et dynamique.
La Villa Rosilio en béton blanc
induit, avec des carrés de verre intégrés
à la structure en béton. C'est une maison de verre
et de béton, avec une interprétation moderne du
claustra.
|
 |
Villa de M. Bordes construite après l'indépendance
: villa introvertie fermée à l'extérieur
et aux regards avec portes en chicanes.
(Lucy Hofbauer, Transferts de modèles architecturaux
au Maroc, les Cahiers d'EMAM, 20 / 2010, 71-86)
Immeubles
Zévaco adhère aux préceptes du mouvement
moderne tout en offrant une réinterprétation radicale
de cette architecture : minimaliste, maximaliste, baroque, moderne
.
Un hymne au béton armé toujours réinventé.
"Je ne suis pas plus fonctionnaliste, que brutaliste,
que bien d'autres " istes ", j'essaie de faire et de
répondre avec toute ma sensibilité du moment à
un programme proposé, sans souci de doctrines".
Tout au long de sa carrière, Zevaco ne tiendra pas de
discours doctrinal, seule sa sensibilité sera son guide.
Zevaco concevra de nombreux immeubles et bâtiments d'envergure,
associant béton, lignes pures et blanches, travaillant
la lumière dans un style moderne d'intégration
au paysage.
En 1958, il réalise en association avec Domenico
Basciano et Paolo Messina l'aérogare de
Tit-Mellil qui deviendra l'icône de l'architecture
d'avant-garde au Maroc.
À Agadir avant le séisme :
-
Il conçoit l'École de Talborjt en 1954-55.

La 1ère tranche de cette école fut
terminée en 1955. Ce groupe scolaire était situé
sur un terrain accusant une forte pente vers le N-E et le S-E.
L'architecture fut réalisée en fonction de la forme
particulière du terrain, de la dénivellation et
de la nécessité d'abriter les bâtiments des
vents d'Ouest dominants.
L'ensemble comportait une école mixte de 10 classes,
une école maternelle et des immeubles d'habitation
à réaliser ultérieurement dans la partie
triangulaire du terrain qui s'étendait à gauche
de l'entrée principale de l'école.
L'aile des classes fut tronquée en 2 parties inégales
orientées au S et au S-E, reliées entre elles au
R-C par le préau et
|
à l'étage par des passerelles et la
terrasse : on y accédait depuis les classes par des passerelles
qui la prolongeaient et par un escalier à pallier à
l'entrée principale au Sud. Ce système de circulation
permettait une économie de surface sur la disposition
traditionnelle de la galerie bordant les classes. L'ensemble
était ainsi moins rigide, avec son préau profond
et frais, conforme aux nécessités imposées
par le climat. Les matériaux employés étaient
le béton et la pierre, et le bois pour les menuiseries.
Dans le volume du préau se trouvaient le bureau de la
directrice, les dépendances et le bloc sanitaire. Le préau
était couvert par la terrasse (AA 60, juin 1955, p. 70-71)
|
Reconstruction d'Agadir :
Zevaco contribuera activement aux grands chantiers nationaux
de la reconstruction d'Agadir.
- Le bâtiment emblématique de la Poste centrale
(1963) souvent cité, pour faire "de la structure
et de la fonction, le fondement et la raison de la forme"
se trouve aux antipodes de l'architecture post-moderniste, qui
déferlera sur le pays à partir des années
80 (Jamal Boushaba, Centenaire. Zevaco, premier architecte
marocain, Tel Quel, 21 août 2017).
Au cur de la ville, la Poste centrale se situe sur une
place au droit de l'Hôtel de ville. Un "timbre-poste"
selon certains, des lignes pures, sobres, un béton doré,
une lumière qui diffuse à l'intérieur.
La poste, malgré son échelle modeste est un joyau
de l'architecture. "La beauté de ce bâtiment
réside dans la compression entre les droites et les angles
vifs et la tension entre les murs opaques et massifs s'opposant
à des parois légères".
Tout ce jeu est rythmé par une lumière filtrée.
L'obscurité, la pénombre donne un caractère
poétique voire mystique à ce bâtiment.
La Tour d'exercice et la caserne des Pompiers (1963)
au Quartier industriel Sud de la nouvelle Agadir. Symbole rassurant
de la reconstruction surmonté d'une couronne qu'on voit
de partout et qui donnait l'heure.
Les Maisons à patios - villas en bande (1964)
à cour-jardins pour lesquelles Zevaco obtint le
Prix Agha Khan en 1980.
Elles répondent au besoin urgent de loger des fonctionnaires.
Il s'agit d'habitations économiques en rez-de-chaussée,
éclairées de toute part, elles témoignent
de la démarche régionaliste de l'architecte. Chaque
habitation, mêlée à une végétation
omniprésente, est flanquée de patios sur ses façades
Est et Ouest afin de recevoir la lumière indirecte toute
la journée (Lucy Hofbauer, inventaire). Le prix Agha Khan
fut décerné en 1980 à Zevaco pour ses villas
en bande
Les petits immeubles T1-T2-T3 qui entourent les maisons
à cours ;
Le collège Souss Al Alima de la nouvelle Agadir
avec ses ailes de papillon.
L'ombre de Le Corbusier et du béton brut plane sur
ce brutalisme et transparait dans les écoles construites
par Zévaco. Tout est important et soigné chez Zevaco,
le travail avec l'ingénieur, les plans béton, le
féraillage.
Mourad Embarek (Directeur du Service de l'Urbanisme)
dira de son uvre : "Sans doute, l'uvre
architecturale la plus originale en même temps que la plus
authentiquement marocaine de notre époque. J'insisterais
sur ce dernier aspect si je ne craignais d'amoindrir les qualités
proprement modernes dans le sens international de cette
architecture. (...) Zevaco me semble l'architecte du Maroc qui
a su peut-être le mieux interpréter la leçon
de l'architecture moderne traditionnelle... Pas de doute,
ces réalisations-là sont marocaines par leur forme,
l'équilibre et la nature de leurs volumes. C'est cette
architecture-là qui a le plus de chance de s'intégrer
aux villes marocaines".
 |
Selon Nadau, la figure de J.-F. Zévaco, irréductible
à tout modèle, s'intègre parfaitement à
l'ensemble collectif de la Reconstruction d'Agadir.
L'École de Rabat atteint avec lui l'exceptionnel. Zevaco
montre la capacité de cette architecture à parler
à l'imaginaire, à nourrir le rêve
Zevaco entreprend un véritable recueil des possibilités
de combinaison d'ombres et de lumières.
La revue L'Architecture d'aujourd'hui, la revue britannique
The Architectural Forum et la revue japonaise The Japan
Architecte furent importantes pour Zevaco, générant
chez lui de nouveaux référents culturels.
|
Artiste, sculpteur et architecte, Zevaco conjuguera
art et technique, réinventera des formes pour faire "découvrir
le béton sous ses aspects les plus lyriques".
"Il dépasse la question fonctionnelle pour
donner l'impression d'une liberté absolue et revêtir
ses espaces d'une atmosphère poétique".
L'habileté et l'élégance de Zevaco
renvoient autant aux techniques de l'école des Beaux Arts
qu'aux productions modernes (Cohen, 419).

Dans l'uvre de Zevaco, l'approche régionale
est perceptible dans l'habitat social.
Cette architecture se rattache aux principes véhiculés
par l'ATBAT et apporte des solutions qui seront couronnées
de succès.
En 1959, les logements économiques qu'il construit
à Marrakech intègrent des principes développés
par Le Corbusier en ce qui concerne la lumière et le climat
mais aussi de la place de l'homme au centre des préoccupations
(Lucy Hofbauer).
|
|
 |
Dans ces réalisations, c'est une forte intégration
au paysage qui est recherché avec des volumes bas comme
celui des villas en bande et le béton laissé brut,
visible dans nombre de ses uvres.
Il se dit que Zevaco fut un être humble, simple
et solitaire mais un homme romantique, délicieux à
vivre, un être flamboyant et plein d'humour, d'une grande
culture littéraire et musicale.
Son uvre est intemporelle et raffinée.
Jean-François Zevaco a reçu de nombreuses récompenses
officielles dont le prix Agha Khan d'architecture en 1980
pour les villas en bande d'Agadir, la médaille d'honneur
de l'Académie d'Architecture en 1985.
|
Il est mort à Casablanca en 2003.
Sources :
- HOFBAUER Lucy, Transferts de modèles architecturaux
au Maroc, les Cahiers d'EMAM, 20 / 2010, 71-86.
- COHEN Jean-Louis et Eleb Monique, Casablanca, Mythes et
figures d'une aventure urbaine, Éd. Hazan, 1998, 2004.
- COHEN Jean-Louis, Casablanca : de la cité de l'énergie
à la ville fonctionnelle, Architectures françaises
Outre-mer, Éd. Mardaga.
- ELEB Monique, Casablanca : de l'immeuble de rapport à
l'unité d'habitation, Architectures françaises
Outre-mer, Éd. Mardaga.
- NADAU Thierry, La reconstruction d'Agadir - Où le
destin de l'architecture moderne au Maroc, Architectures
françaises Outre-mer, Éd. Mardaga.
- MAMMA et Made in A. Centre d'architecture - Le voyage Zevaco
1916-2016 Centenaire d'un architecte marocain.
- RAGON Michel, TASTEMAIN Henri, ZEVACO, Éditions
Cercle d'Art, 1999 (épuisé).

|