... ou sept métiers et la poche vide

Le proverbe marocain qui dit "7 métiers et la poche vide" s'applique à une personne qui pratique beaucoup d'activités sans toutefois parvenir à joindre les deux bouts. Ce fut le cas d'El-Bahja.
 

 

 
 En 1949-50, El Bahja , alors âgé de 40 ans, quitta Marrakech pour se rendre à Agadir. Séduit par le site, il décida d'y rester. Au bout de la rue Illala, il aménagea la carrosserie d'une voiture abandonnée, mit des cartons à la place des vitres, s'installa pour en faire son logis.
Le soir, place du Pacha, à quelques mètres du Cinéma Rex, il faisait des sandwichs piquants ou non qu'il proposait à ceux qui fréquentaient le cinéma ou à ceux qui se promenaient sur la grande artère centrale qui allait de la mosquée à l'hôtel Gautier,
 pour contempler les dunes d'or, le sable, les eucalyptus et les mimosas le long de la baie.
 

Ba el-Bahja était là pour servir tout le monde et savait communiquer avec un sourire et des mimiques de " clown " avec quiconque qu'il soit français, espagnol, juif, berbère ou arabe.

Le nuage blanc odorant qui envahissait la Place du Pacha jusque dans les rues Guellouli et du Four signait la présence d'El-Bahja.

Les gens qui fréquentaient les cafés "Au Boléro", la "Brasserie Rex", le "Bar Ré", ou "Au Coq d'Or" étaient ses fidèles clients qui aimaient les sauces très piquantes à base de petits piments soudaniya.
 
 
Ba el-Bahja se tenait aussi devant l'école primaire de M. Simon aux heures d'entrée et de sortie des classes. Il vendait un caramel multicolore, le jaban enroulé autour d'un gros bambou de plus de 1 mètre de long. Il découpait au canif la portion correspondant à l'argent donné.
Il chantait en même temps : "Jabane koul ou bane, wakha tkoune fi Agadir oufla tbane" soit : Mange le caramel et tu seras visible même si tu es à Agadir Oufla, on te verra ".
 

Voir la recette du jaban !*
 

 Suivant les saisons, il proposait des escargots, de la soupe de pois chiche ou de fèves au cumin et à l'huile d'olive. Il faisait griller des châtaignes qui aspergées de sel crépitaient dans un feu d'artifice en les accompagnant de mots tels que : "Que Dieu protège" "Horreur au diable", etc.

Il se tenait aussi près du Marché de Talborjt quand les européennes faisaient leurs courses.
 

 
En été, El-Bahja fabriquait une limonade savoureuse et rafraichissante avec des limes (gros fruits doux et sucrés).
Il mettait des morceaux de glace dans un cylindre en cuivre très astiqué équipé d'un long bec.
Il chantait que cette limonade était bienfaisante pour le cerveau, qu'elle permettait d'apprendre facilement les tables de multiplication et les récitations et les enfants le croyaient.
 
 

 
Son habitation aux carrières Moha 
 
 
 
 Il s'était marié avec une marrakchia qui l'aidait dans son travail.
Il avait alors construit une maisonnette aux carrières "Moha", à gauche de l'école hébraïque au bout de la rue Illala.

Il avait des enfants.

 


Il était généreux avec les plus démunis auxquels il donnait un surplus.
Aux dames, il disait : "Dieu a créé des anges et vous êtes parmi ceux-là. Alors ce surplus de châtaignes, mesdames, va avec la beauté de vos yeux et épouse la couleur de vos cheveux" !




Il disait après le tremblement de terre : "Dieu est grand et de grâce, il m'a mis à égalité avec Si Hadj Achtouk !".
Il voulait dire par là que le séisme avait remis tout le monde sur un même pied d'égalité.

Ba el-Bahja est mort en 1964 à l'Hôpital Hassan II d'Agadir.
Lui et sa famille étaient sortis indemnes du séisme.

"Les jeunes d'hier reviennent, vieux qu'ils sont, sur cet homme fascinant" nous dit [ Lahsen Roussafi (Raspoutine), 1er décembre 2010 - Agadir 1960 ].

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