Abdallah Bakchich de Yachech qui animait des halka (el halqt en berbère : petite assemblée en cercle autour d'un conteur) les samedi et dimanche au souk de Talborjt, le lundi au souk de Tamri, le mercredi à Tikiwine, le jeudi à Houra, le vendredi était repos, et presque tous les soirs au petit souk de Yachech, la distraction était garantie.


Abdallah était un bonimenteur de première classe, homme trapu, impressionnant dans son discours.
Il affirmait qu'il pouvait transformer un garçon ou un homme en … fille ou femme.
Il indiquait à ses complices les places à tenir parmi la foule nombreuse en cercle dans sa halka (Lahsen faisait partie des complices et participait à ses nombreuses mises en scène moyennant une rétribution de 10 francs payable à l'avance).
Après un baratin qui hypnotisait tout le monde, Abdallah faisait un tour et choisissait au hasard ! un garçon qui n'était autre que Lahsen.
Il lui donnait l'ordre de s'asseoir, de se lever, de se tenir sur un pied. Puis il lui demandait : "Comment t'appelles-tu, es-tu un garçon ou une fille ?".
Lahsen lui répondait qu'il était un garçon.


 

 
Il lui ordonnait alors de vérifier en touchant son bas ventre.

 Il disait ensuite à la foule curieuse : "Je vais réciter quelque chose et tout changera".
Il baragouinait un moment et disait à Lahsen : "Vérifie maintenant !".
Le grand rôle de Lahsen était de se montrer paniqué et de supplier qu'on lui rende son état antérieur.
Pendant ce temps, Abdallah prolongeait l'attente en demandant aux hommes s'ils voulaient essayer.
Au bout d'un moment, il sortait un talisman, le passait sur le corps de Lahsen et lui demandait de vérifier à nouveau. Lahsen devait alors dire que tout allait bien puis prendre la poudre d'escampette.
Abdallah proposait ensuite ses talismans protecteurs qui étaient aussi des "viagras" et alors là, tout le monde les achetait.
Le dimanche, c'était le tour d'un autre camarade de Lahsen qui était aussi de Yachech.

C'était un divertissement, un moyen de gagner quelques centimes et de regagner Yachech … en rigolant.

(Souvenirs de Lahsen Roussafi)