Conserverie PETITJEAN

 

 

Cette belle conserverie se situait au bout de la rue Appert du côté de la rue Turgot sur un vaste terrain avec de vastes longères parallèles à la rue. Au bout du terrain en pointe se trouvaient les villas de fonction entre la rue A et la rue Appert.

 

 

Cette usine est en ruines en 2013.

 

 Lahsen Roussafi dont la maman travailla à l'usine Petitjean (1946-7), se souvient que pendant son travail, elle cachait ses petits, sa sœur et lui, sous ses jupes et les nourrissait de sardines toutes chaudes. Quand des responsables arrivaient, la contremaitresse le faisait savoir et on cachait les enfants dans le grenier à sel où ils poursuivaient leur sommeil.

Par la suite la maman de Lahsen fut amenée à travailler dans la maison d'un directeur. C'est ce que nous raconte Lahsen :
"Tantôt, dit-il, on prenait le camion pour partir ou pour revenir de l'usine. Cela nous intéressait ma sœur et moi malgré la bousculade et l'étouffement en position debout.
Ma mère était la seule ouvrière à parler le français. La contremaitresse européenne l'avait proposée au chef d'usine qui habitait la maison de fonction au carrefour rue A et rue Appert. Ma mère s'appliquait le plus possible pour garder ce poste où elle ne travaillait que le jour.
Une petite voiture venait nous chercher le matin vers 7 h et nous ramenait à Yachech vers 18 h.
Je ne me souviens pas avoir vu d'enfants chez ce couple. On passait presque toute notre journée à jouer entre la villa et la médina des ouvrières qui s'amusaient avec nous et nous faisaient entrer chez elles, certainement avec le recul du temps, pour voir en nous leurs enfants laissés à Ait-Melloul, Inezgane ou ailleurs. Je me rappelle qu'elles avaient toujours du sucre à nous donner ou des bonbons multicolores qui avaient un goût de miel.
Maman n'oubliait pas ces femmes quand elles avaient des problèmes. Elle me raconta plus tard, qu'elle intervenait auprès de sa patronne pour reprendre ou pour mettre en congé maladie telle ou telle femme.
C'était pour ma sœur et moi le paradis terrestre de jouer dans ce grand clos et de manger dans la cuisine. On nous servait de la viande, du potage, du pain blanc tout frais et du chocolat noir. Nous gardions pour la maison les desserts comme les oranges, les pommes.
Je n'oublie pas cette jeune et belle patronne aux cheveux blonds qui ressemblait à une poupée. Un jour, j'avais osé lui toucher avec délicatesse ses longs cheveux. Elle me regarda en souriant. De temps à autre, elle envahissait tout mon petit corps de sa splendide chevelure. Je restais immobile, les yeux fermés et je sentais un parfum que je n'ai jamais retrouvé depuis.
Nous attendions avec impatience le retour à Yachech. Je me rappelle très bien du circuit habituel emprunté par la petite voiture. Au départ c'était la rue Appert, puis la longue rue Turgot jusqu'à la rue Arago puis le boulevard Steeg qui nous amenait au pont de Tildi et de là, nous tournions à droite pour arriver à Yachech.
Nous restions un bon moment avec nos amis du quartier pour leur raconter notre journée et notre voyage. Ce n'était pas donné à tout le monde, c'était presque une vie de princes que nous racontions, ma sœur et moi. Le jour le plus long en joie, fut ce jour de retour à la maison avec un short, une chemise et une paire d'espadrilles bleues. Ma sœur avait eu une jupe, une chemisette assortie et des souliers de fille. Je n'ai pas oublié ce grand stock de boites à sardines que ma mère avait mis de côté.
Dommage que je n'ai pu retenir le nom de ce jeune couple, pour lui rendre, aujourd'hui, un hommage venant d'un garçon innocent et de sa sœur, rescapés d'Agadir. "
(Souvenirs de Lahsen Roussafi)