Tout le monde s'accordait depuis des temps
immémoriaux à vanter la magnifique baie d'Agadir
et nombreux étaient ceux qui s'étonnaient qu'on
lui ait préféré, en d'autres temps, d'autres
lieux pour créer un port dans le Sud marocain. Quand les
Français débarquèrent à Agadir en
1913, la "ville" qui ne comptait que quelques centaines
d'habitants répartis entre Founti et la Kasbah, était
encore frappée de l'interdit séculaire concernant
le commerce international. Cet interdit fut levé en 1930
quand la ville fut érigée en municipalité.
C'est cette histoire que nous allons raconter.
En 2010, mon amie Régine Caïs-Terrier
me proposa de mettre sous forme multimédia, le travail
de recherche que je faisais sur Agadir - travail qui à
cette époque, portait sur les immeubles de la ville, construits
dans les années 50.
Régine me montra un joli travail qu'elle avait fait sur
"Lyon et la Soie". Soie, soi et entre soi, nous fit
remarquer une amie. Régine rêvait au port ; pour
elle, le port et Agadir allaient de soi.
Nous nous sommes donc "embarqués" (Régine
Caïs-Terrier, Lahsen Roussafi et moi) à la découverte
de ce port dans lequel notre enfance avait baigné.
Travailler sur le port - ce fut un long et
difficile voyage qui nous a replongés dans les brumes
du souvenir de cette atmosphère particulière des
ports, du port de pêche grouillant de vie et d'activité,
de la mer sous toutes ses formes moirée d'huile ou de
pétrole, de bateaux ventrus qui se balancent avant de
repartir à la pêche, des cris des oiseaux qui accompagnent
avec insistance les bateaux chargés de la précieuse
manne argentée, des odeurs entêtantes de poisson,
de sel et de guano, des bateaux qu'on décharge très
rapidement, des grands filets étalés qu'on répare.
Et pour les enfants que nous étions, le port c'était
admirer sans se lasser les grands navires en partance, partir
en rêve, à l'aventure, loin dans la brume, au bruit
des sirènes, bien au-delà de l'horizon.
Passés ces souvenirs, le port nous apparut comme un monde
à part, très organisé, très policé
avec ses règles, monde exclusivement masculin de marins,
pêcheurs, dockers, administrateurs, transitaires, douaniers
qu'on ne rencontre nulle part ailleurs dans la ville.
À Nantes, ville portuaire française,
Régine et son mari Georges Caïs consultèrent
pendant des mois les archives du Centre des Archives Diplomatiques
de Nantes (CADN) sur le sujet qui nous intéressait : la
ville d'Agadir durant la période du protectorat de 1912
à 1955-56. Il faut se souvenir du lien très fort
qui existait entre Agadir, les Bretons et gens d'Ancenis qui
furent nombreux à s'établir à Agadir dans
l'après guerre, au temps des conserveries et du boom de
la construction. Régine et Georges rapportèrent
patiemment quantités de documents d'archives et de photos
du Fonds Belin qui ont nourri notre recherche.
Le port fut la construction la plus importante
de la ville d'Agadir dans les années d'après guerre,
à la fois coûteuse et hasardeuse en ce qui concernait
son édification précise (baie d'Agadir ou baie
d'Aghezdis) et son avenir alors qu'on ne savait encore sur quelles
ressources il fallait miser : la pêche, l'agriculture,
les minerais
. À chaque avancée de la construction
du port, le résident et le directeur général
des Travaux Publics au Maroc responsable des ports, venaient
sur place se rendre compte de l'évolution et des problèmes
à régler, toujours accompagnés du photographe
de la Résidence, Jacques Belin. C'est ainsi que nous avons
pu suivre l'évolution du port en discours et en images.
À partir de souvenirs offerts par nos
amis gadiris, d'entretiens avec d'anciens du port, marocains
et européens, de photographies du Fonds Belin, de photographies
du Studio Jean Manuel d'Agadir, de vidéos de l'INA, de
photos familiales, de cartes postales, de documents d'archives,
de livres, de revues, d'articles de journaux, nous avons essayé
- je dis bien essayé - de reconstituer le port d'Agadir,
son histoire, sa création en plusieurs temps sous le Protectorat,
son fonctionnement et son activité jusqu'au séisme.
Il nous manquera toujours pour être complet l'odeur du
port que nous ne savons pas reconstituer dans un ouvrage. Mais
Régine a su reconstituer le bruit et faire bouger les
images et Lahsen sait si bien raconter !
Nous vous souhaitons un bon voyage dans ce
port d'Agadir des temps anciens jusqu'au séisme, dans
cette rade foraine qui devint le 1er port de pêche du Maroc
et un grand port de commerce qui permit le développement
de la ville d'Agadir et sa reprise d'activité après
le séisme.
Nous sommes à votre disposition pour
compléter ou modifier telle ou telle information et rectifier
toute erreur.
Marie France Dartois
Avril 2016