Séisme et dégâts du Port

 

 
 

Au port, les dégâts furent variables ; ils furent généralement de nature différente de ceux que subirent les autres quartiers de la ville.


Le port était le seul endroit où les constructions avaient été bâties sur du remblai.
La principale cause de dommages sur la zone portuaire fut un affaissement général des remblais.

 
 
 
 

 
Selon l'ingénieur du port M. Bouayad, le remblai aurait été constitué sur de grosses roches par un remplissage de couches successives de petit empierrement en finissant par une couche de terre. Le matériau de remplissage n'aurait pas été tassé parfaitement durant la construction et du coup, les fortes vibrations du séisme auraient entrainé une sorte de tamisage du matériau plus fin dans les espaces laissés vides entre les matériaux grossiers entrainant un affaissement conséquent de l'ensemble de la zone remblayée. De tels affaissements furent notés tout autour du grand bassin du port. Ainsi en arrière des quais, le remblai, insuffisamment compacté, s'affaissa par tassement, souvent d'une façon considérable (jusqu'à 1 mètre).
 

 
 
 
 
La plupart des grues tombèrent, mais toujours dans le sens contraire aux quais, vers le remblai affaissé des terre-pleins : quai Nord (2 grues tombées au Nord) ; quai Sud (2 grues tombées au Sud vers les hangars) ; grande jetée (1 ou 2 petites grues tombées vers l'Ouest).
Des grues de 6 T qui évoluaient sur rails basculèrent ayant un pied sur le mur de quai et un pied sur le remblai affaissé.
Parmi les 7 grues opérant sur rails (4 sur le dock Nord, 3 sur le dock Sud), 5 culbutèrent du fait de l'affaissement du remblai.
Les petites grues sur le quai Ouest furent affectées de façon similaire.
 
 
 
Deux grues en se renversant, tombèrent sur des magasins à structure métallique provoquant des dégâts importants. En dehors de ces effondrements, les structures métalliques légères et bien entretoisées ne furent quasiment pas affectées par le séisme. L'absence de dommages primaires significatifs dans la zone portuaire des docks fut certainement à mettre au compte de la combinaison de ces armatures avec des matériaux de construction ayant un degré élevé d'élasticité, de solidité et de résistance aux chocs
(Special structures, The Agadir Morrocco Earthquake, February 29 1960, 1962)
 
 

 

 
 

 

 
 
 
Par endroits, les blocs de béton des jetées et des quais furent ébranlés et subirent localement des déplacements importants pouvant atteindre 75 cm.
D'après les constats des hommes-grenouilles, certains blocs furent fracturés, beaucoup furent disjoints. Les déplacements se produisirent généralement vers le Sud, dans le sens de la mer.
Les épis pétroliers s'affaissèrent et furent lézardés ; les pipelines des épis furent endommagés.
Des bâtiments du port furent fortement endommagés ou détruits comme la Capitainerie (construite vers 1930) ou la Marine marchande (années 50) à la sortie Nord-Ouest du port (G. Choubert et A. Faure-Muret, Le séisme d'Agadir, ses effets et son interprétation géologique, Notes et Mémoires du Service Géologique, N° 154, 53-66, 1962).
 

La petite cité du port subit également des dommages importants.


En dehors de ces bâtiments endommagés, les principaux dégâts concernèrent les terre-pleins le long des quais où le remblai était crevassé et s'affaissa causant ainsi la chute des grues.

D'après les constatations des hommes-grenouilles de la Marine Française qui examinèrent toute la longueur des murs des quais, il semblerait qu'un léger glissement latéral du fond vers le Sud ait causé le déplacement de quelques blocs (fêlés par le séisme ?) à la base des jetées.  

 

 
La profondeur du bassin du port (- 8 à - 9 mètres le long des quais) n'aurait pas sensiblement varié.
Les épis pétroliers, perpendiculaires à la jetée principale, auraient été les plus ébranlés.
D'après l'ingénieur du port et les constatations faites le lendemain du séisme, la passe se serait approfondie de 3 à 4 mètres et la flèche de sable de la barre qui s'étendait à partir de la tête de la jetée principale vers le Sud-Est, se serait légèrement déplacée vers l'est.
Les sondages effectués au cours de la mission ne montrèrent pas de différence sensible entre la situation actuelle et les données des cartes du port.
La profondeur à marée basse variait habituellement dans la passe entre 6,2 m et 12,1 m et dans la barre entre 1 m et 8 m.
 
 
 La barre qui frangeait la passe était exposée à toute la force de la houle qui en février-mars, atteignait assez souvent une hauteur de plus de 4 m. Il était donc possible que des déplacements latéraux de sable aient été causés par le séisme, comme ce fut le cas à la base des jetées : mais tout changement avait entre temps été effacé par l'action vigoureuse de la houle.
Aucun indice d'agitation exceptionnelle de la surface de la mer ne fut enregistré qui puisse être attribué aux secousses telluriques.
Le marégraphe
(chargé de mesurer le niveau de la mer) qui se trouvait installé dans l'arrière port entre la forme de carénage des bateaux de pêche et la halle aux poissons (à 100 m de Founti complètement détruit) n'avait subi aucun dégât.
 
 
 
 

 
La forme de carénage et les bateaux sur cale subirent des dégâts insignifiants, la Halle au poisson construite en béton armé fut fortement endommagée et le bâtiment situé en face, également en béton armé fut entièrement détruit.

Les bâtiments des installations frigorifiques étaient debout mais des canalisations avaient été rompues et il était impossible d'y pénétrer en raison de la quantité d'ammoniaque qui s'y était répandue.


Les bateaux de pêche et les petites embarcations amarrées aux quais et le long des jetées ressentirent bien les chocs mais ne furent pas endommagées et ne cassèrent pas leurs amarres.
 

 
La flottille de pêche était intacte et les carcasses des bateaux en construction sur les chantiers du port ne subirent aucun dégât (Témoignage du Dr Corson, Le Toullec, p. 188).
L'examen des ouvrages et des plages confirmèrent le calme relatif de la mer pendant le séisme : aucune trace de débris ou de sable déposés par une lame déferlante au-dessus du niveau normal ne fut trouvée, ni sur le plan incliné de la forme de carénage, ni sur aucun des autres ouvrages du port ou de l'extérieur des jetées, ni sur les plages de la baie bien que le restaurant "La Réserve" en béton armé se soit effondré (P. Erimesco (Ingénieur géophysicien, Institut des pêches maritimes du Maroc) (Le tremblement de terre dans la baie d'Agadir, Notes et Mémoires du Service Géologique, N° 154, 43-51,1962).
 
 

 
 
Le bureau des Douanes (surnommé la "Soucoupe volante" ou le "Champignon") à l'entrée du port, bâtiment de conception très moderne, était situé à quelques dizaines de mètres de la cassure principale sud-atlasique ; il résista très bien à la secousse. Cet édifice de 26 m de diamètre en béton armé en forme de coquille soutenue par de nombreuses grandes colonnes effilées, cependant construit sur du terrain remblayé, reposait et repose encore sur des pieux en béton de 560 mm de diamètre qui prenaient appui à 8 à 10 mètres de profondeur sur le sol rocheux. On put voir un tassement du remblai et des fissures à la base des colonnes qui soutenaient la toiture.  
 
 
Même si un travail considérable se produisit au niveau de l'articulation entre les murs et le dôme du toit au cours du séisme, la structure resta intacte (The Agadir Morrocco Earthquake, February 29 1960, 1962).
Dans le bâtiment administratif de la Douane, les joints de dilatation jouèrent mais le bâtiment était presque intact, quelques petites fissures étaient visibles seulement au plafond le long des cloisons orientées Est-Ouest. Ces bâtiments ne comportaient qu'un rez-de-chaussée ou un étage et leur construction avait été soignée (J.-P. Rothé, Notes et Mémoires du Service Géologique, N° 154, Le séisme d'Agadir et la séismicité au Maroc, 7-24, 1962).
 
 
 
 

Malgré les dégâts, le bassin du port et les quais restèrent accessibles et les bateaux purent amarrer sans danger.
Devant la partie réservée à l'accostage des pétroliers qui avait été endommagée, des techniciens de la Mobil Oil équipés de matériel approprié purent vérifier rapidement l'état du pipe-line reliant le port à Anza (3 km dont les 2/3 enterrés). Plusieurs essais de mise en pression du pipe-line permirent de s'assurer de son étanchéité et les opérations de déchargement purent reprendre rapidement évitant une rupture de stock (Témoignage Albert Domens, Superintendant à la mobil Oil à Agadir de 1950 à 1958).
 

 
 Des recommandations concernant la reconstruction d'Agadir furent émises par le Pr Rothé, séismologue, professeur à l'Université de Strasbourg, directeur du Bureau central international de Séismologie ; recommandations relatives aux nouvelles constructions du port, situé à proximité même de la zone tectonique active : "la façon dont le bâtiment des Douanes a bien résisté aux secousses peut servir d'exemple" (Rothé, p. 19).
 
 
Il recommandait aux constructeurs de "se souvenir que la ville d'Agadir pouvait être menacée non seulement par un séisme se reproduisant sur la flexure sud atlasique, mais encore par un fort séisme dont l'épicentre serait sous-marin. De tels séismes pourraient atteindre une magnitude supérieure à 8, engendrer des raz-de-marée redoutables et provoquer à terre des dégâts importants" (Rothé, Le séisme d'Agadir et la séismicité au Maroc, p. 19).
 

 


Recueil de photographies du séisme du 29 février 1960 au port