Maison du Pacha
Dar Bacha

 

 
 

 

 La maison du Pacha se trouvait à l'intérieur de la Kasbah du côté des remparts de la façade ouest. C'était une demeure imposante par rapport aux autres maisons de la citadelle. Un escalier à vis menait aux étages. Elle disposait d'une longue pièce d'apparat avec une haute fenêtre à une extrémité avec de superbes tapis et des chaises pour recevoir les visiteurs européens.

 

En mars 1900, Léonhard Karow, commandant du vapeur chérifien "Le Turki", fut chargé par le Makhzen de ravitailler en orge Cap Juby à partir d'Agadir.
Entre Mogador et Cap Juby, les eaux étaient peu ou pas fréquentées, sauf par les bateaux marocains du gouvernement, car il n'y avait pas de port ouvert au commerce étranger. Il n'y avait pas de télégraphe pour passer les commandes. En attendant le chargement à Agadir, le commandant fit une visite de courtoisie au caïd de la Kasbah.

 

"Tout le monde sait [nous dit Karow] que l'Atlas rejoint l'océan Atlantique près d'Agadir. Les montagnes descendent vers la mer soit en pentes douces soit à pic. Agadir, elle-même, est une ville délabrée et abandonnée. Seules quelques familles pauvres vivent dans les ruines et elles se protègent des intempéries dans ce qui reste de maisons, la plupart du temps dépourvues de toit, grâce à du bois et divers matériaux. La seule maison convenable est habitée par un khalifa du caïd. [Il s'agit probablement de Founti ou le khalifa avait une maison].

Le caïd Guellouli lui-même vivait avec une assez grande mehalla au sommet d'un contrefort à 1.000 pieds au-dessus de la mer.
Le califat les salua et les invita à prendre une tasse de thé et offrit des bêtes pour aller rendre visite au caïd Guellouli à la casbah ".
Karow préféra "s'y rendre à pied avec l'escorte composée d'un grand nombre de soldats équipés de pied en cap et fournie par le caïd, informé de leur arrivée". [Ils] "atteignirent le sommet après avoir grimpé péniblement pendant une heure et demie le long d'un chemin pierreux et difficilement praticable. La vue, sur la côte sauvage et escarpée du Sous, était splendide, les versants et les vallées couverts de fleurs".
 

"Le caïd, âgé de 50 ans, imposant, au teint sombre, à la barbe grisonnante aux tempes, nous accueillit très aimablement à la porte de la casbah", raconte Karow. "Il nous conduisit en personne dans l'imposante fortification dans sa demeure, une maison d'un étage, sans décorations extérieures.


Nous grimpâmes un escalier à vis sombre et raide. La seule décoration dans la pièce d'apparat était les superbes tapis sur le sol. Trois chaises étaient déjà prêtes pour nous, alors que le caïd, ses fonctionnaires et les matelots venus avec nous s'asseyaient sur le sol en tailleur suivant la coutume. On nous servit un repas typiquement arabe. Des esclaves nous apportèrent un immense plat en bois avec un couvercle en vannerie où étaient disposées des coupelles avec du beurre, du miel, de l'huile et du pain. Puis apparut un immense plat en argent d'environ un mètre de diamètre avec des amandes, des noix et des dattes. On posa toutes ces splendeurs devant nous les Européens, sur le sol, et on nous convia à nous servir à la manière arabe. Le caïd nous fit dire par l'interprète que le miel d'un blanc immaculé qu'on nous avait présenté était un plat qu'habituellement on ne servait qu'à ses amis les plus chers. Puis apparut un grand plateau avec de la viande de mouton et du chou.

Du thé et des fruits suivirent et, à la fin du repas, on nous aspergea d'eau de fleur d'oranger et d'encens d'un bois odoriférant.


Nous étions assis dans cette longue pièce, répartis en 3 groupes : le caïd et ses fonctionnaires près d'une haute fenêtre, au centre les Européens, et à l'autre bout les matelots. Pendant le repas on nous servit les premiers, puis les plats entamés étaient passés aux fonctionnaires et mes hommes avaient le reste.

Lorsque nous fumes rassasiés, nous sortîmes dans la cour devant la maison ; là le caïd nous fit remettre des cadeaux de bienvenue : deux dindes, deux dindons, huit poulets et petits sangliers adorables. Nous le remerciâmes chaleureusement et primes congés ; puis nous redescendîmes la montagne sans escorte militaire. J'ai retrouvé la même hospitalité dans toutes les régions du Maroc où les Européens allaient rarement"

(Leonhard Karow, Neuf années au service du Maroc (1900-1908), pp. 43-46, trad. M et J-L Miège1909, Éd. La Porte).
 

En novembre 1910, Le capitaine de vaisseau Joseph-Baptistin Senès, commandant la division navale française au Maroc, en mission de contrôle le long des côtes entre Mogador et Cap Juby, se rendit à Agadir à bord du croiseur "Du Chayla".
Il fut reçu à la Kasbah par le nouveau caïd. "Nous escaladâmes [dit-il] sous un soleil torride, et par des sentiers taillés dans le roc, ce cône de 245 mètres et je fis mon entrée dans la citadelle inviolable entre une double haie de mokhaznis et de guerriers en armes et une affluence de gens silencieux et graves ". […] " Point de sourires sur ces faces rigides, les regards étaient durs et les sourcils froncés ".

Senès trouva "la ville toute entière enfermée dans un rectangle de hautes murailles comme les vieux manoirs du Moyen-Âge ; elle parait propre et possède un mellah. Un minaret de pierres la domine et les remparts sont couverts de terrasses où gisent quelques affûts brisés et de vielles caronades (canons de marine). Elle renferme un millier d'habitants. Une succession de passages voutés et de portes conduit à la résidence du khalifa, où un repas nous fut offert au milieu de tous les notables qui, eux nous firent un assez bon accueil". Le commandant Sénès estima qu'Agadir constituait "un mouillage excellent contrairement aux autres points de la côte qui ne présentent pas d'abris naturels".

La présence du croiseur français dans la rade d'Agadir et la réception du commandant Seynès à la Kasbah ne passèrent pas inaperçues et firent la une des journaux allemands. Les Allemands qui convoitaient le Souss et Agadir, demandèrent des explications au gouvernement français
(Rapport du 27 novembre 1910, AFM : M 20. Archives françaises du Ministère de la Marine. Cité dans Rivet, I, p. 103).
Ils envoyèrent en rade d'Agadir des vaisseaux de guerre en septembre 1911.

Le Coup d'Agadir
septembre 1911

Un an après l'établissement du Protectorat français sur le Maroc en mars 1912 eut lieu en juin 1913 l'occupation française d'Agadir.

Occupation de la Kasbah en 1913

À cette occasion, la maison du Pacha fut réquisitionnée par les Français, pour y installer leur État-Major et le Service de Renseignements sous le nom de Dar Makhzen.


La Kasbah fut équipée de TSF - Transmission Sans Fil ou Télégraphie Sans Fil due à l'inventeur Guglielmo Marconi (1874-1937) (prix Nobel de Physique en 1909).


Le lieutenant Maurice Vasseur qui faisait partie de la garnison d'Agadir en 1916-7, plus précisément du 23ème Régiment des Tirailleurs sénégalais, écrivit le 5 mai 1916 au dos d'une carte représentant le mellah d'Agadir (CP "14 - AGADIR - Le Mellah") que c'est le "Marconi" que l'on voit sur la carte qui "permet [dit-il] les relations avec l'Europe, qui leur a appris l'échec des Allemands à Verdun, l'arrivée des Russes à Marseille, la révolution en Irlande et sa répression sévère".