L'inscription bilingue de la Kasbah portant la date de 1746

 

 

 

 Quand l'explorateur Gerhard Rohlfs séjourna à Agadir en 1862, il fut étonné de trouver juste à l'entrée de la Kasbah, au-dessus du portail, une inscription en caractères latins à côté d'une autre en arabe et portant la date de 1746.

L'entrée de la Kasbah était surmontée d'un cartouche en marbre blanc, portant des inscriptions en arabe et en néerlandais que l'on retrouve actuellement :

À droite en arabe les mots suivants : "Louange à Dieu - à la pensée de notre Sultan - que Dieu l'assiste" ;
À gauche en hollandais : " Vreest God Ende Eertden Koning " : "Crains Dieu et honore le Roi".

Au centre du cartouche, se trouve un cœur sculpté dans le marbre, portant deux fois la lettre S en oreillette ; à la pointe du cœur, une petite étoile à 6 branches ; deux palmes entourent le cœur et se croisent à la pointe ; le tout est surmonté d'une croix à double traverse et du chiffre 4.

Au-dessus du cartouche, une niche apparaissait en creux dans la muraille ;

En dessous du cartouche, actuellement une étoile à 5 branches fut gravée au centre d'un cercle dans la pierre.

 

 

 

 Initialement, l'inscription en arabe était plus longue se poursuivait ainsi :


(L. Bouvat, Une inscription bilingue d'Agadir, Revue du Monde musulman, pp. 285-288, 1914).


L'emblème de cette inscription n'est pas sans évoquer la marque de Berthold Rembolt (créateur de la première imprimerie en France au début du XVIe s.) ou celles de monnaies de la Cie des Indes hollandaises au XVIIIe.s.

 

 

Le chiffre 4 fut souvent employé par les libraires-éditeurs mais également par les graveurs, les peintres et sculpteurs qui ajoutaient leurs initiales dans un cercle et le cœur n'est pas réservé au Saint Sépulcre.
 

 

 

1746


La date de 1746 inscrite en dessous du cœur sculpté a donné lieu à plusieurs interrogations et réflexions :

(L. Bouvat, Une inscription bilingue d'Agadir, Revue du Monde musulman, pp. 285-288, 1914).

L'inscription fut communiquée à la Mission scientifique du Maroc avant 1914, par les soins du général Franchet d'Esperey pour connaître la signification de cette inscription et l'origine de la date de 1746.
L'Agence diplomatique de Hollande au Maroc, le Pr Snouk-Hurgronje (Université de Leyde), R. Fruin (directeur général des Archives à la Haye), K. Heeringa (archiviste de la Province de Zélande) et J. P. Moquette (numismate) sollicités, apportèrent les précisions suivantes :

A cette époque, la Hollande dont les relations avec le Maroc n'étaient pas bonnes, n'avait plus aucun représentant. Le dernier en date, Matthijs Francken (consul à Salé et pour la côte de Barbarie) avait quitté son poste en 1715 et n'avait pas été remplacé.
Il fallut attendre le 30 août 1753 pour que les relations reprennent officiellement.
Entre temps, le consul de Gibraltar (S. Butler) fut chargé des relations avec le Maroc. Son rôle se bornait à réclamer la libération des esclaves hollandais et à essayer de conclure la paix.
Un vice consulat à Agadir sera mentionné en janvier 1764 par une résolution des États-Généraux. Son titulaire J-W Uhlmann démissionnera en 1769 et son poste sera supprimé en octobre 1771.
La juridiction du vice-consulat de Mogador sera étendue à Agadir et à Safi.

Dans ces conditions, la création d'un comptoir hollandais en 1746 paraît peu probable.


L'hypothèse de G. Rohlfs, évoquant l'œuvre d'un captif hollandais ou renégat maçon ou tailleur de pierres très apprécié au Maroc, semble plausible (G. Rohlfs, p. 40-41 et nbp 20).

Nous savons qu'un tremblement de terre se serait produit en 1731 dévastant la kasbah qui aurait été reconstruite peu après. La date de 1746 figurant sur son fronton pourrait correspondre à celle de sa reconstruction.