Habitat

 

 
 

 

 La configuration de la Kasbah intra-muros évoquait celle des villages fortifiés du Sud marocain (ksar au sing., ksour au pl.) avec ses rues étroites en terre, ses courtes ruelles prenant naissance à partir du chemin circulaire ou de l'allée centrale discontinue et irrégulière desservant des quartiers.

Mais la Kasbah, à sa création, fut une ville de garnison fortifiée qui dépendait du sultan puis de ses représentants, caïds locaux plus ou moins puissants.

 

 

 

 

 

En dehors de quelques belles maisons à étages comme la maison du pacha, les maisons de la Kasbah, accolées les unes aux autres, semblaient assez pauvres, construites et reconstruites au fur et à mesure des besoins et des désastres, prenant appui sur le mur d'à côté, toutefois à distance des murailles pour laisser le libre accès à ces dernières.



Les maisons étaient construites en pierres grossièrement assemblées, en mœllons hourdés avec un mortier de terre ou de chaux. Les enduits de protection des murs étaient faits de terre, seule ou mélangée. Sur cet enduit pouvait être appliqué un enduit de finition fait de terre argileuse de couleur blanche ou de terre mélangée à des liants divers ou encore un enduit de chaux qui pouvaient être peint. Certaines maisons étaient soigneusement enduites et chaulées comme celles des marabouts. D'autres avaient un étage et on pouvait apercevoir parfois de jolies ogives autour des fenêtres ou de beaux encadrements de portes, des terrasses reposant sur des piliers ronds.

 

Historiquement, l'organisation sociale répondait aux nécessités d'assurer la défense du lieu et la cohésion du groupe. Le plan de la kasbah montre bien les îlots cloisonnés selon les familles et les groupes sociaux, les bâtiments publics étant regroupés à l'entrée de la cité sur l'éperon du Sud-Ouest. L'emplacement de la mosquée près de la porte d'entrée de la Kasbah et les bâtiments qui servirent d'hôpital, d'école, puis de café maure, de théâtre, firent de cette zone, une zone tampon entre l'extérieur et le privé.


Les maisons étaient conçues traditionnellement selon les principes de protection de l'intimité de la famille : forme introvertie de la maison à patio, sans ouverture vers l'extérieur, caractéristique de l'espace bâti en terre d'Islam. Les pièces de la maison possédaient des ouvertures directes sur la cour. Les ouvertures extérieures étaient rares en dehors de la porte. Les ouvertures intérieures donnaient sur une petite cour intérieure servant parfois d'enclos pour les animaux de basse-cour et animaux de bâts ; l'enclos était entouré de haies de jujubiers. La réalisation du plan à patio sur de petites parcelles imposait parfois la répartition des fonctions d'habitation en hauteur ; dans ce cas, la terrasse entourée de murs et d'auvents faisant alors office de patio. Les pièces de plus de 6 mètres de longueur qui devaient recevoir un étage étaient soutenues au milieu par un tronc d'arganier en Y qu'on appelle Achamouch.

L'habitat était ainsi traditionnellement organisé en trois espaces hiérarchisés selon les fonctions socio-économiques que devait remplir chaque maison : un espace familial de vie quotidienne, un espace pour les animaux domestiques, un espace de réception ; chaque pièce pouvant être polyvalente.
Chaque maison avait dans la mesure du possible un lieu pour faire les ablutions, une citerne d'eau (noutfia) et des toilettes. Elle disposait d'une petite pièce de stockage pour le bois, le charbon de bois, les grains d'orge, un peu de blé et surtout pour les noix d'argane.


La cuisine se faisait à l'extérieur dans la cour intérieure sur un kanoun. Certaines maisons disposaient d'un four à pain en terre.
Dans d'autres plus importantes, il y avait un métier à tisser pour fabriquer les couvertures, les tapis et les tissus pour les haïks, djellabas et burnous. Les travaux collectifs de tissage se faisaient parfois dans les rues peu fréquentées ou placettes. Rituellement dans ce cas, les passants offraient du thé, du sucre, des dattes avec cette phrase : "Que Dieu vous vienne en aide pour cette œuvre, Inch'Allah" et les femmes répondaient en cœur : "Amine ya Sidi", "Amine ya Lalla".

Des terrasses plates formaient les toitures.
Peut-être employait-on des faux plafonds en roseaux tressés sous la charpente permettant de préserver l'intérieur de la maison des écarts de température.

L'ossature était généralement faite de troncs d'arbre bruts (arganier) sur lesquels reposaient des solives de roseau ou de branchages.

La ventilation des locaux et l'ensoleillement se faisaient par la cour intérieure.

Lorsqu'il y avait un étage, celui-ci était réservé aux humains.

 

 

L'habitat groupé pour des raisons défensives avait l'avantage d'abriter l'intérieur de la cité contre les vents, et l'étroitesse des rues se révélait efficace contre le rayonnement solaire et le vent. En dehors du jardin exotique qui se trouvait dans l'éperon du Sud-Ouest, il n'y avait pas d'arbre dans la Kasbah. Peut-être trouvait-on quelques pots de basilic dans les cours intérieures.
L'électrification ne débuta que vers 1956-57 pour les habitants de la Kasbah. Les rues n'étaient pas éclairées et les habitants se servaient de la lampe à pétrole.
En 1957, le premier gouverneur du Souss après le protectorat français, Abdeslam Sefroui, fit amener l'eau à la Kasbah depuis Founti.

À la Kasbah rien ne se perdait, rien ne traînait, ni ne polluait durablement comme le plastique actuellement. Du souk, les légumes étaient mis dans un couffin. Les épluchures étaient données aux animaux de la maison. S'il restait un bout de papier qui avait servi d'emballage de la viande ou du poisson, il servait à allumer le kanoun. Les abats des gros et petits poissons étaient donnés aux chiens de garde ou aux chats des maisons.
Un tas de fumier existait vers la sortie au-delà du Mellah pour y déposer les déjections des animaux des cours, fumier qui servait aux fellahs qui exploitaient les terres des flancs nord-ouest de la Kasbah.