Territoire d'Agadir
Sous le Protectorat français (1912-1955)

 

Sous le Protectorat français de 1912 à 1955, le Maroc fut administrativement divisé en Régions, elles-mêmes subdivisées en Territoires, en Cercles et en Annexes, dotées d'un Bureau de Renseignements et d'un Service d'Intendance.
Ces divisions constitueront les cadres légaux de l'administration française de contrôle au Maroc. Certaines étaient civiles et d'autres militaires selon l'avancement de "la pacification".

Il y eut tout d'abord 5 régions : Fès, Meknès, Rabat, Casablanca et Marrakech. Leur nombre fut porté à 8 par la création d'Oujda et de Taza dans l'Oriental et de Kenitra dans le Gharb.

 

 Création du Poste d'Agadir (1913)

Le Poste d'Agadir fut créé au moment de l'occupation d'Agadir en juin 1913 et le 1er commandant du Poste fut le chef de Bataillon Decherf.
Le poste d'Agadir dépendait alors du Cercle des Haha-Chiadma de Mogador.
El Hadj Abderrahman Guellouli fut nommé pacha d'Agadir peu après l'occupation puis à Tiznit.

1917 - 11 août 1917 : Dahir de nomination de Mohamed Bel Hadj Lahsen el Ksimi comme pacha d'Agadir en remplacement d'El Hadj Abderrahman Guellouli. Le pachalik d'Agadir comprenait selon ce dahir les villages d'Agadir, de Tildi (sources), Taddert (carrières à chaux), Tamraght et Aourir. El Ksimi fut nommé caïd de la fraction des Aït Tagout (Mesguina) selon un autre dahir.

 Création du Bureau d'Agadir (octobre 1919)

Le Bureau d'Agadir fut créé en même temps que celui de Taroudant.
Le lieutenant colonel Freydenberg commanda le Bureau d'Agadir de 1919 à 1921.

 Création du Cercle autonome d'Agadir (janvier 1921)

1920 : arrêté du 5 décembre 1920 : création du Cercle autonome d'Agadir au 1er janvier 1921 dont dépendaient les 2 bureaux d'Agadir (lieutenant-colonel Freydenberg) et de Taroudant (Lieutenant-colonel Marratuech). Le Cercle était autonome sur le plan des services civils et militaires pour le règlement des questions techniques mais restait subordonné à la Région de Marrakech en ce qui concernait l'action politique d'ensemble et les opérations militaires.
Le colonel Freydenberg commandera le Cercle autonome d'Agadir jusqu'en mai 1921.

 Création du Bureau de Renseignements d'Agadir-Ville (janvier 1921)

25 janvier 1921 : arrêté résidentiel : création d'un Bureau de Renseignements de 3ème catégorie à Agadir-Ville chargé du contrôle administratif de la ville d'Agadir (dans la perspective à terme de créer un bureau des Service Municipaux) (CADN, lettre N° 45 A.V., N° 16 HP).
Le Pachalik d'Agadir comprenait les villages de Tildi, Taddert, Tameraght, Aourir.
Le colonel Freydenberg commandera le Cercle autonome d'Agadir et le Bureau de Renseignement jusqu'en mai 1921.
En février 1921 : un premier projet de construction de "baraques" voit le jour (M. Dorée) pour accueillir les premiers fonctionnaires : en effet, il n'y avait pas encore d'hôtel à Agadir. L'architecte Prost prévoyait de se rendre à Agadir pour apprécier la situation dès que la route serait ouverte (Prost, février 1921).

 Réorganisation du commandement dans le Cercle autonome d'Agadir :

Mai 1921 : le général de la Bruyère commandant en chef à la Direction des Renseignements de la Région de Marrakech, proposa le chef de bataillon Demillière adjoint du général Cottez, en remplacement du colonel Freydenberg (fait le 30 mai 1921).

Le commandement du caïd El Ksimi comprenait les Ahl Agadir, les Ahel Tagout (Mesguina) et les Aït Abbès (Mesguina), et les Ksima.

Juillet 1921 : le Chef du Bureau de Renseignements d'Agadir-Ville exercera à partir de cette date, les fonctions de Chef des Services municipaux, sur toute l'étendue du périmètre urbain. Le capitaine Mondet, chef du Bureau des Renseignements d'Agadir-Ville, fut chef des Services Municipaux en 1921 pour une très courte durée (les procédures n'ayant pas été respectées).

Octobre 1921 : Délimitation de la Circonscription administrative du Bureau de Renseignements chargé du contrôle administratif du Centre d'Agadir.

La Circonscription comprenait le périmètre formé par l'ensemble d'Agadir délimité :
- Au N : ravin de Taddert et village de Taddert ;
- À l'E : crêtes de Tildi, village et sources comprises ;
- Au S-E : du chemin de Tildi à l'O. Haouar ;

Le Territoire dit Agadir- Banlieue comprenait :
- Tout le territoire du Caïdat des Ksima-Mesguina formé des fractions : Aït El Hachia, Aït Melloul, Ksima, Gueblaniin (Ksima), Aït Abbès, Aït Tagourt (Mesguina) ;
- Tout le territoire du Pachalik d'Agadir qui n'était pas compris dans le périmètre urbain défini précédemment.

 1922 : Territoire d'Agadir


À partir de 1922, Agadir devint un territoire militaire toujours rattaché à la Région de Marrakech.
Cette subordination n'allait pas sans entrave et était à l'origine de retards incessants car toutes les initiatives devaient être soumises à l'acceptation du Général Commandant le Territoire de Marrakech qui était seul habilité à les transmettre à la Résidence générale (l'autorité supérieure) ; et ce jusqu'en 1936.
Le Territoire d'Agadir était commandé par un officier supérieur. À cette date, il était commandé par le général Mouveaux.

En 1925, le Territoire d'Agadir comprenait :

  • Le Chef-lieu : Agadir
  • 3 Cercles :
    1-le Cercle HSKC (Haha Sud, Ksima, Mesguina et Chtouka)
    2-l'Annexe dite Marche de Taroudant
    3-l'Annexe dite Marche de Tiznit

Chaque Cercle ou Annexe de renseignements était divisé en 2 zones : une comprenait les tribus soumises sur lesquelles s'exerçaient un contrôle politique et une surveillance administrative, la seconde comprenait les fractions plus ou moins dissidentes sur lesquelles s'exerçait un travail politique préparatoire.


1- Le Cercle HSKC (Haha du Sud, Ksima, Chtouka) comprenait :

- Un Bureau de Renseignements de Cercle à Inezgane chargé de la centralisation des affaires du Cercle, du contrôle politique et de la surveillance administrative des tribus Ksima et Mesguina et de l'action politique sur les Ifesfassen et les Ahl Tinkert des Ida Ou Tanane, ainsi que sur les fractions Chtouka encore dissidentes de la montagne.

- Un Bureau de Renseignements de 3e Classe à Tamanar chargé du contrôle politique et de la surveillance administrative des tribus Ida Ou Guelloul, Ingrad, Ida Ou Kazzou, Ida Ou Tghouma, Ida Ou Zemzem, Ida Ou Bouzia, Aït Zelten, Aït Aïssi, Aït Tameur.

- Un Poste de Renseignements à Biougra chargé du contrôle politique et de la surveillance administrative de la tribu des Chtouka soumise ainsi que de l'action politique sur les fractions insoumises de la montagne.


2- L'annexe dite Marche de Taroudant comprenait :

- Le Bureau de Renseignements de 3° Classe à Taroudant chargé du contrôle politique et de l'établissement progressif de la surveillance administrative sur les tribus du commandement du Pacha de Taroudant (Menabha, Haouara, Ida Ou Zeddout, Ida Ou Zal, Ida Ou Gnadif, Ida Ou Kensous, Ahl Tagmout, Issafen, Aït Abdallah, Tizert, Aït El Hadj (Mentaga), Hilala, Ahl Tiout, Arrhen, Tigouda, Kaldaoua, Aït Youb, Kadessa, Aït Tamment, Ida Ou Finis, Guettioua, Talajount, Ahl Tinzert, Ida Ou Kaïs) et sur les tribus Ouled Yahia, Rehalla, Aït Isseg, Tallemt, , N'Kheila, Ida OuM'Fattoug, Ida Ou Keïf, Mentaga, Erguita, Inda Ou Zal ainsi que les Ksours de Tata et de Tissint, les tribus des Ouled Jellal et des Ida Ou Blal.


3- L'annexe dite des Marches de Tiznit comprenait :

- Le bureau de Renseignements de 3° Classe à Tiznit chargé du contrôle politique et de l'établissement progressif de la surveillance administrative sur les tribus Massa, Ahl Aglou, Ouled Djerrar, Ahl Tiznit, Ahl Mâder, Ersmouka, Aït Brahim, Ida Ou Baqil soumis.

Le Territoire comprenait :
- Le poste principal : Agadir
- 6 postes : Tamanar, Bigoudine, Oued Issen, Biougra, Taroudant, Tiznit
- 3 postes secondaires : Tiferlal, Smaissa, Bou Adan

Le commandement du Territoire résidait à Agadir avec un Bureau de Territoire des Affaires Indigènes (AI) chargé de centraliser les affaires politiques et administratives du territoire.
Il existait également à Agadir un Bureau de Renseignements de 3° Classe dit d'Agadir-Ville chargé du contrôle politique et de la surveillance administrative de la ville et du Pachalik d'Agadir. Ce bureau dépendait directement du Commandant du Territoire.

Par la suite, lors de réorganisations ultérieures, il y aura :

- Le Bureau des AI d'Agadir-Banlieue dont le siège était à Inezgane contrôlant le pachalik d'Agadir, les tribus Ksima et Mesguina et Haouara (réorganisation de 1933).

- Le Bureau des AI des Ida Ou Tanane dont le siège était à Souk Khemis d'Immouzer contrôlant les tribus Al Tinkert, Ifesfassen, Aït Ouanoukrim, Aït Ouerga,Iberouten, Aït Ouazzou.

Les Services municipaux de la ville d'Agadir (érigée en municipalité en 1930) administreront la ville d'Agadir et son périmètre défini par l'arrêté viziriel du 22 janvier 1930.

En 1922, le Territoire disposait des Forces militaires suivantes :

  • Des Troupes régulières :
    - Bataillon du 2ème Régiment de Tirailleurs Sénégalais (2e RTS),
    - Escadron du 22ème Régiment des Spahis Marocains,
    - Des petits détachements : Train, Transmissions, Génie, C.O.A., Santé, Marine.

Le Bataillon des Tirailleurs Sénégalais était réparti entre Agadir, Tamanar, Oued Issen et Bigoudine.
L'Escadron des Spahis Marocains était réparti entre Agadir, Oued Issen et Taroudant.

  • L'Artillerie Agadir disposait de :
    - Deux pièces de 80 mm de Bange sur affûts à la Kasbah ;
    - Une Batterie de Marine de deux pièces de 140 m/m à l'ancien Fort portugais ;
    - Une Batterie de Marine de 2 pièces de 100 m/m au camp D battant le Front de mer.
  • Forces supplétives :
    Ces forces comprenaient des Goums, des Tabors, des Mokhaznis.

    - Goums : les Goums étaient constitués d'unités recrutées par engagement dans les tribus soumises du Maroc et encadrées par des officiers du Service de Renseignements et des instructeurs français. Il y avait 3 goums dans le Territoire :
    Le 27ème Goum monté à Biougra (192 cavaliers) ;
    Le 26ème Goum mixte (¾ fantassins, ¼ cavaliers) à Tiznit (effectif total 102) ;
    Le 29ème Goum mixte (même composition) créé le 1° janvier 1925 à Taroudant (Effectif total : 202).

- Tabors (Mehallas) : les Mehallas étaient des groupes de soldats auxiliaires, sans cadre français, et placés directement sous le commandement des pachas de Taroudant et de Tiznit. Chacune des mehallas comprenait :
Un groupe sédentaire ;
Un groupe de servants de 2 pièces de 80 m/m de montagne qui constituait l'artillerie de la Mehalla ;
Un soutien d'artillerie.
(Soit 310 indigènes, cadres compris pour chacune des Mehallas).

- Mokhaznis (Makhzen) : Les Mokhaznis cavaliers ou fantassins, marocains ou algériens, étaient attachés aux bureaux des Renseignements et commandés par les officiers de ces bureaux. Ils n'étaient pas liés par contrat. Le Poste qui était la plus petite cellule comptait 12 à 15 mokhaznis. Dans un bureau de Cercle, de Circonscription ou d'Annexe, 24 mokhaznis constituaient en général le Makhzen. Il y avait des cavaliers et des piétons mais tous étaient marocains. Leur armement était très divers ; vieux fusils Gras pour les fantassins et mousquetons pour les cavaliers. Certains cavaliers possédaient leur monture ou l'avaient acheté avec une prime. Le Chaouch était le chef des mokhaznis (Lahnite, p. 241) ; C'était un marocain, assimilé à un maréchal des Logis, son adjoint était le brigadier.

  • Aviation : Il n'y avait pas d'escadrille affectée en permanence au Territoire d'Agadir. Sur la demande du Commandant du Territoire, les appareils venaient de Marrakech. Deux terrains d'atterrissage étaient organisés avec hangars, soute à carburants et dépôts de munition :

    - Un à Ben Sergao (3 hangars dont un non recouvert - bâtiments permanents pour le logement d'une escadrille) ;
    - Un à Tiznit (1 hangar) ;
    - Il existait en outre 3 terrains d'atterrissage auxiliaires sans construction : Terrain de Dar Caïd Bou Fenzi, Terrain de Souk Es-Sebt des Ida Ou Tghouma (près de Tamanar), Terrain de Taroudant.

(CADN 1925, Rapport du général Mouveaux, Organisation actuelle du Territoire d'Agadir 1- Organisation politique 2- Organisation militaire).

 Commandant de Région :


Le terme de "Commandant de Région" était réservé au général (ou officier supérieur) chef de Région quand il agissait en tant que commandant militaire d'une région. Représentant direct du Résident général et responsable devant lui, il prenait le pas sur tous les autres fonctionnaires militaires ou civils de la circonscription en exerçant le contrôle politique et administratif de la Région. Il cumulait pouvoirs civils et militaires, assisté d'un État-Major de campagne et d'un Bureau de Renseignements.
Les chefs de région prirent une dimension économique très importante en lien avec les budgets spéciaux régionaux. Ils disposaient d'une force de police, de la cavalerie, des gendarmes indigènes ou mokhaznis pour les besoins de la Sécurité.

 Administration des Régions :


Les régions furent confiées à des autorités civiles quand la "pacification" fut accomplie. En territoire civil, les autorités civiles étaient des contrôleurs civils qui surveillaient les autorités dites indigènes sans s'immiscer "directement" dans la conduite des Affaires. Auprès des municipalités, le même rôle était joué par le chef des Services Municipaux.
L'administration locale se partageait entre le monde rural où prédominaient les structures tribales dirigées par les caïds, et les villes ou petits centres en voie de constitution dirigés par les pachas.
Le dahir municipal du 8 avril 1917 donna aux villes une administration particulière. Le fait qu'une agglomération soit érigée en municipalité entrainait l'attribution de la personnalité civile et morale assortie de l'autonomie administrative et financière. Le pacha, assisté de ses khalifas, administrait la ville et agissait en tant que représentant du sultan. Il devait compter avec une commission municipale consultative et un chef des Services municipaux qui constituaient les agents exécutifs de la municipalité. Le chef de Service municipaux français disposait d'un droit de regard sur l'administration du Pacha dont tous les actes étaient soumis à contreseing.
Les liaisons entre l'administration française et l'administration chérifienne étaient assurées par le Conseiller du Gouvernement qui était en même temps le Directeur général des Affaires chérifiennes (p. 157-170 Lahnite).

Les pachas administraient les villes et faisaient appliquer dahirs et règlements. Ils rendaient la justice au civil et au pénal.
Les caïds dans les campagnes, en tant qu'agents du Makhzen dépendaient de la Direction de l'Intérieur. Ils dirigeaient les tribus, aidés de chioukh (cheikh au sing.) dans les fractions (qbila) et de moqaddem dans les douars. Les pouvoirs des caïds en tribus étaient plus étendus que ceux des pachas dans les villes en particulier en ce qui concernait les impôts.
Sous l'occupation française, les caïds étaient choisis dans les grandes familles locales connues pour leur dévouement à la France ou parmi les officiers marocains qui avaient servi dans l'Armée française. Très rapidement, ils devinrent de grands seigneurs terriens quand ils ne l'étaient pas déjà auparavant.

 Service de Renseignements : Service des AI

"Si le Bureau Arabe d'Algérie (fut) l'ancêtre, le Service de Renseignements (fut) le père de celui des Affaires Indigènes du Maroc" (Marc Méraud).
Le directeur du Service des Renseignements du Maroc en 1913 fut le commandant Simon puis le commandant Berriau jusqu'en 1918.
Les questions de " politique indigène " relevaient du Secrétariat général du Gouvernement chérifien puis de la Direction chérifienne des Affaires Indigènes créée par Dahir du 2 juin 1917.
En 1926, le Service de Renseignements changea de nom et devint le Service des Affaires Indigènes. Les officiers de Renseignements devinrent les officiers des AI. Ce service était un organe d'action politique et d'administration dans les zones militaires ; il était placé sous l'autorité directe du Résident qui indiquait la politique à tenir.

La Direction des Affaires Indigènes (DAI) prit le nom de Direction des Affaires Politiques (DAP) en 1936, relevant du Résident général.

La DAP avait sous son autorité :

- Le Service des AI (officiers des AI et personnel civil des AI),
- Le Service du Contrôle Civil,
- Le Service de l'Administration municipale,
- Le Service de la Sécurité érigé en 1937 en Direction autonome par le général Ch. Noguès, le 8 novembre 1942.


Le rôle de l'officier des AI au Maroc (ex " officier des Renseignements ") était triple : militaire, politique, administratif.

 Septembre 1940 : Réforme des Régions

Sous le résident général Noguès une réforme des Régions fut réalisée annoncée par arrêté du 19 septembre 1940 : Le Maroc fut divisé en 6 Régions : Rabat, Casablanca, Meknès, Fès, Oujda Marrakech et un Territoire : Agadir. Il n'était plus question de Régions civiles ou militaires.
En 1936, le Résident général Noguès créa les "Makhzens Mobiles de Police" (MMP) puis le "Makhzen Mobile Motorisé de Marche" (MMM)

 1955 - Région d'Agadir

La Région d'Agadir s'étendait sur environ 45 000 km2 : délimitée au Nord par la crête du Grand Atlas, à l'ouest par la côte atlantique, à l'est par le méridien passant pat Marrakech et au Sud par la vallée du Dra jusqu'à son embouchure sur l'océan (Mathieu, p. 290).