La route vers la Kasbah, les charrettes ou chariots à roulettes (Caroussa N'roulmate)

 

 

La route goudronnée montant à la Kasbah passait juste au-dessus du camp Haïda qui surplombait Founti. Une aubaine pour les enfants !

 

 


Les garçons fabriquaient des chariots à roulements à billes récupérés sur des voitures hors d'usage, roulements qu'ils allaient quémander chez des garagistes, chez Castano ou chez des ferrailleurs au souk de Talborjt. Mieux encore, ils n'hésitaient pas à aller récupérer des roulements à bille d'avion dans une casse à la sortie de la ville vers Anza, juste au-dessus du petit phare. Ces roulements émettaient un bruit très particulier qui donnait une impression de grande vitesse.

La route de la Kasbah leur paraissait l'espace idéal pour essayer leurs bolides ; elle n'était fréquentée que par le petit bus qui desservait les habitants de la Kasbah et par quelques rares taxis qui emmenaient les touristes.
Cette route descendait et rejoignait la Rue Nationale en corniche qui traversait Founti et longeait le bord de mer ; mais avant d'arriver là, il y avait un virage en épingle à cheveux très serré, très dangereux à négocier car si on le ratait, un précipice de 10 mètres attendait le malheureux.

Ces chariots n'avaient pas de freins et il était indispensable de ralentir pour prendre ce virage et pour s'arrêter avant la rue du bord de mer où une certaine circulation existait déjà. Les meilleurs freins étaient les talons des chaussures dont les semelles ("made in Agadir") étaient taillées dans les flancs des pneus usagés.
Enhardis par leurs prouesses, les garçons décidèrent un jour de partir du haut de la Kasbah. Après une marche qu'ils trouvèrent harassante le long de sentiers pentus pour atteindre le sommet, ils arrivèrent à l'entrée de la Kasbah et furent surpris de trouver leurs homologues marocains munis de chariots à roulements à billes construits comme les leurs. Les uns étaient en shorts et chemisettes mais les "moutchous" marocains étaient en djellabas.


Les premiers étaient surs de gagner, car les seconds prenaient le vent dans leurs djellabas et celles-ci se coinçaient dans les roulements. Après quelques courses à handicap, un jeune marocain qui ne se "dégonfla" pas, releva sa djellaba la tenant par les dents et … gagna la partie.
Après ces compétions, le retour se faisait par la route qui contournait la colline, avec frissons et frayeurs garantis au fameux virage serré en bas du "Fort portugais" qui était si relevé. En descendant sur le côté droit de la chaussée, le goudron étant bosselé, le virage était systématiquement coupé à gauche, jusqu'au jour où les enfants croisèrent en plein virage le petit bus qui montait à la Kasbah. Ce fut un miracle et les roues passèrent à quelques centimètres des yeux des garçons (D'après les souvenirs d'Alexandre Youri Kaladgew).