1934-5, Dans son livre "Au Maroc inconnu - Le Sous et la côte berbère" (pp. 81 et suiv.) Jacques Felze décrit Agadir un matin de décembre :


"Un épais brouillard recouvre la corniche de Founti. Quelques façades blanches de maisons s'alignent et s'étagent, sans relief, à peine distinctes et se perdent dans cette ouate qui roule en gros paquets poussés par la brise du large.
Au pied de la falaise, par contre, on voit très bien la mer couleur de plomb déferler mollement sur les petits récifs alignés de biais. Un trou dans le brouillard au bord duquel se penche la silhouette confuse d'un palmier ; dans le fond du trou, éclatants de lumière, la coupole et le marabout de Sidi Bou Knadel sont accroupis sur la pente qui dévale de la Kasbah encore invisible.
Il est huit heures, des pêcheurs indigènes, en petite veste et séroual court, jambes nues, arrivent, ployés sous le fardeau des grands filets bruns qu'ils viennent de mettre à sécher sur la murette. D'autres passent avec des charges de poissons bleu et argent et vont grossir un groupe qui s'agite, ombres pâles à travers la brume, près d'un camion qui pétarade. L'odeur généreuse et enivrante du sel monte, s'étale, brise avec le bruit du ressac, sur le pas des portes, sur l'appui des petites fenêtres bleues.
Tout à coup voici que dégringole de là-haut, d'au-dessus du rideau de brume, des beuglements déchirants de chameau couvrant un tintamarre de pièces de bois entrechoquées. … La caravane descend des magasins militaires et prend la route du Sud".

 
" Un coup de vent a soulevé le voile et l'emporte. Il tourbillonne encore un instant dans l'ombre de la haute colline, l'Ighir, s'accroche aux angles des murailles lépreuses qui la couronnent, puis au minaret, et se déchire enfin aux pylônes jumelés de la TSF. À la grisaille imprécise, nacrée et froide de tout à l'heure succède, avec la brusquerie d'une coupure cinématographique, les jeux de lumière, de couleurs, d'ombre, de soleil. Founti se déroule, coupant de biais la base de la colline ".

C'est à la fois une ville indigène et le lieu des premiers comptoirs européens, il est prolongé aujourd'hui vers le sud par des bâtiments administratifs et quelques magasins. Mais le vieux Founti est dominé par Sidi Bou Knadel qui lui impose une symétrie. Au tournant de la corniche, une sentinelle sénégalaise veille, avec une parfaite attitude militaire sur l'État-Major du Territoire tandis qu'un chaouch arabe accroupi dans son burnous bleu somnole à côté.

 
 Au-dessous de la corniche, il y a le port, plutôt une courte jetée qui s'avance vers la rade foraine où se balance un petit cargo de la Cie Paquet.
Plus bas sont deux grandes baraques en bois vitrées, les deux restaurants d'Agadir.
Des bâtiments militaires escaladent le long d'un lacis de chemins poussiéreux le bas des pentes de l'Ighir et dominent Founti.
Là-haut, sur l'éperon rocheux, pelé, de la colline haute de 200 mètres, la kasbah dort au soleil, image typique de la forteresse coloniale, avec ses remparts crénelés, le pavillon tricolore, qui flotte ici sur l'hôpital et les pylônes de son poste de radio. C'est là tout Agadir "
(Jacques Felze, Au Maroc inconnu - Le Sous et la côte berbère, pp. 81 et suiv., Illustrations de Th.-J. Delaye, Éd. B.Arthaud, 1934-5).