La pêche à Founti
À Founti, Youri Kaladgew fit la connaissance
de Yannick Quellen qui avait 9 ans comme lui.
Tous les deux avaient une même passion
: descendre au bord de l'océan, en bas de Founti pour
pêcher ; les barres rocheuses parallèles à
la côte qui émergeaient à marée basse
laissaient apparaître de grands trous d'eau qui constituaient
des aquariums foisonnant de vie.
Une multitude de petits poissons et de coquillages : sars, mulets,
soles, anémones, crevettes, moules, bigorneaux, oursins,
arapèdes ou patelles, algues variées, crabes, poulpes
se découvraient dans un bruit de fond, crissement permanent,
gage d'une vie intense dans ces trous d'eau ; et parmi ces poissons,
les fameux petits gawgaw (en français " gobies "
ou goujons de mer) que l'on trouve dans les trous d'eau si petits
soient-ils.
Malheur à celui qui vantait un peu trop la taille des
poissons qu'il avait pêché, il avait droit invariablement
aux sarcasmes : " ce ne serait pas par hasard des gawgaw
tes poissons ? ".
Pendant la marée, tout Founti semblait se donner rendez-vous
sur les rochers : pêcheurs de poulpes, sans doute parmi
eux Sanana, d'autres venus laver leur linge aux sources de Founti
qui déversaient sur la plage, certains lavant même
des peaux de mouton fraichement dépecées. Les peaux
étaient foulées aux pieds des heures durant, au
rythme d'une mélopée cadencée (" Eh
Chtouf ! Eh Chtouf !
! ") ; On utilisait comme savon,
des saponaires qui poussaient partout près des euphorbes
(saucissons épineux) qu'on écrasait
avec les pieds et mélangeait à la peau. Après
ce lavage, les peaux et la laine devenaient blanches comme neige
et séchaient sur les rochers plus hauts à l'abri
de la marée pendant que les laveurs se reposaient.
C'était dans ces trous d'eau que les
enfants apprenaient à nager tout seuls; la nage des petits
chiens
en tapant des pieds et en allongeant alternativement
les bras sous l'eau devant le menton. Petit à petit, les
enfants s'enhardissaient et allaient là où ils
n'avaient presque plus pied.
Un jour, Yannick mit au défi Youri de traverser un bassin
plus grand, plus profond, où ils n'avaient pas pied.
Impossible de se défiler : après cet exploit, ils
poursuivirent l'apprentissage de la brasse et du crawl au Club
Nautique avec M. de Villepion et ensuite celui du water polo
et ses compétitions avec M.Pourrut.
Avec Yannick, son frère et des copains comme Christian
Vachon, Youri entreprit la construction de petits bateaux de
pêche et de voiliers en utilisant des morceaux d'écorce
de liège perdus par les bateaux de pêche que la
mer rejetait sur la plage. La matière était agréable
et facile à travailler au couteau.
Un jour, les enfants découvrirent dans le camp militaire,
bien caché derrière un gros buisson, un magnifique
bateau en fer, véritable petit chef d'uvre : à
partir d'une boite de conserve (comme on en trouvait partout
à l'époque) qui avait été détourée
aux deux fonds, la tôle déroulée dans sa
longueur, les bords de chaque extrémité pliés
et bien pincés, une barcasse (une flouka) avait été
créée. C'était l'uvre de petits marocains
du camp.
Il y avait pour accompagner le bateau, des filets, des petits
morceaux certainement récupérés au port
avec des flotteurs et des plombs. Pour couronner le tout, une
dizaine de petits alevins de mulets séchés et tout
brillants encore, figurant une bonne pêche
Tellement
cloués d'admiration, les garçons ne pensèrent
même pas à détruire l'uvre comme ils
l'auraient fait à l'époque pour celle d'une autre
bande. Ils cherchèrent ceux qui l'avaient réalisée
mais ne les trouvèrent point ! (Souvenirs d'Alexandre
Youri Kaladgew).
Des sardines à griller à
la manière de Founti
Le camp Haïda n'était pas loin du port.
Quand on apercevait les premiers sardiniers rentrer de la pêche
au large, la coque bien enfoncée, les cales pleines de
poisson accompagnés d'une nuée bruyante de goélands,
quand les marins déchargeaient les sardines dans les caisses
qui partaient aux usines, les enfants couraient au débarcadère.
Une foule quémandait quelques sardines "fabor"
et les enfants en profitaient pour tendre un panier en roseau
que les marins attendris remplissaient selon l'importance de
la pêche. La plupart du temps ces sardines servaient d'appât
pour la pêche mais quand la faim tenaillait, on trouvait
toujours une plaque de tôle, un fond de vieux bidon resté
sur un foyer qui avait déjà servi entre les grosses
pierres de la digue ; avec quelques débris de caisses
en bois on improvisait un "canoun" : une couche de
sel sur la plaque et les sardines telles quelles à griller
et à déguster. Ces sardines grillées à
"la Founti" restent à ce jour les meilleures
sardines du monde (souvenirs d'Alexandre Youri Kaladgew).

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