La Plage de Founti
Souvenirs d'enfance
Alexandre Youri Kaladgew

 

 

La pêche à Founti

À Founti, Youri Kaladgew fit la connaissance de Yannick Quellen qui avait 9 ans comme lui.

 

 

Tous les deux avaient une même passion : descendre au bord de l'océan, en bas de Founti pour pêcher ; les barres rocheuses parallèles à la côte qui émergeaient à marée basse laissaient apparaître de grands trous d'eau qui constituaient des aquariums foisonnant de vie.
Une multitude de petits poissons et de coquillages : sars, mulets, soles, anémones, crevettes, moules, bigorneaux, oursins, arapèdes ou patelles, algues variées, crabes, poulpes se découvraient dans un bruit de fond, crissement permanent, gage d'une vie intense dans ces trous d'eau ; et parmi ces poissons, les fameux petits gawgaw (en français " gobies " ou goujons de mer) que l'on trouve dans les trous d'eau si petits soient-ils.

Malheur à celui qui vantait un peu trop la taille des poissons qu'il avait pêché, il avait droit invariablement aux sarcasmes : " ce ne serait pas par hasard des gawgaw tes poissons ? ".


Pendant la marée, tout Founti semblait se donner rendez-vous sur les rochers : pêcheurs de poulpes, sans doute parmi eux Sanana, d'autres venus laver leur linge aux sources de Founti qui déversaient sur la plage, certains lavant même des peaux de mouton fraichement dépecées. Les peaux étaient foulées aux pieds des heures durant, au rythme d'une mélopée cadencée (" Eh Chtouf ! Eh Chtouf ! … ! ") ; On utilisait comme savon, des saponaires qui poussaient partout près des euphorbes
(saucissons épineux) qu'on écrasait avec les pieds et mélangeait à la peau. Après ce lavage, les peaux et la laine devenaient blanches comme neige et séchaient sur les rochers plus hauts à l'abri de la marée pendant que les laveurs se reposaient.

C'était dans ces trous d'eau que les enfants apprenaient à nager tout seuls; la nage des petits chiens … en tapant des pieds et en allongeant alternativement les bras sous l'eau devant le menton. Petit à petit, les enfants s'enhardissaient et allaient là où ils n'avaient presque plus pied.
Un jour, Yannick mit au défi Youri de traverser un bassin plus grand, plus profond, où ils n'avaient pas pied.
Impossible de se défiler : après cet exploit, ils poursuivirent l'apprentissage de la brasse et du crawl au Club Nautique avec M. de Villepion et ensuite celui du water polo et ses compétitions avec M.Pourrut.

Avec Yannick, son frère et des copains comme Christian Vachon, Youri entreprit la construction de petits bateaux de pêche et de voiliers en utilisant des morceaux d'écorce de liège perdus par les bateaux de pêche que la mer rejetait sur la plage. La matière était agréable et facile à travailler au couteau.

Un jour, les enfants découvrirent dans le camp militaire, bien caché derrière un gros buisson, un magnifique bateau en fer, véritable petit chef d'œuvre : à partir d'une boite de conserve (comme on en trouvait partout à l'époque) qui avait été détourée aux deux fonds, la tôle déroulée dans sa longueur, les bords de chaque extrémité pliés et bien pincés, une barcasse (une flouka) avait été créée. C'était l'œuvre de petits marocains du camp.
Il y avait pour accompagner le bateau, des filets, des petits morceaux certainement récupérés au port avec des flotteurs et des plombs. Pour couronner le tout, une dizaine de petits alevins de mulets séchés et tout brillants encore, figurant une bonne pêche… Tellement cloués d'admiration, les garçons ne pensèrent même pas à détruire l'œuvre comme ils l'auraient fait à l'époque pour celle d'une autre bande. Ils cherchèrent ceux qui l'avaient réalisée mais ne les trouvèrent point ! (Souvenirs d'Alexandre Youri Kaladgew).

Des sardines à griller à la manière de Founti

Le camp Haïda n'était pas loin du port.
Quand on apercevait les premiers sardiniers rentrer de la pêche au large, la coque bien enfoncée, les cales pleines de poisson accompagnés d'une nuée bruyante de goélands, quand les marins déchargeaient les sardines dans les caisses qui partaient aux usines, les enfants couraient au débarcadère.
Une foule quémandait quelques sardines "fabor" et les enfants en profitaient pour tendre un panier en roseau que les marins attendris remplissaient selon l'importance de la pêche. La plupart du temps ces sardines servaient d'appât pour la pêche mais quand la faim tenaillait, on trouvait toujours une plaque de tôle, un fond de vieux bidon resté sur un foyer qui avait déjà servi entre les grosses pierres de la digue ; avec quelques débris de caisses en bois on improvisait un "canoun" : une couche de sel sur la plaque et les sardines telles quelles à griller et à déguster. Ces sardines grillées à "la Founti" restent à ce jour les meilleures sardines du monde (souvenirs d'Alexandre Youri Kaladgew).