"Parmi les rues de ma mémoire
se trouve la route qui traversait Founti. |
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Founti, cher vieux village marocain, maintenant
disparu.
Premier quartier d'Agadir.
Source de vie. De l'eau, ils en cherchaient, ils en trouvèrent
ici. Ce fut le grand miracle.
Alors tu naquis tel un collier de coquillages blancs ceinturant
le bas de la montagne ventrue de l'Atlas, au pied de la Kasbah."
Cette route bordée de petites maisons peintes à
la chaux, nous conduisait vers un ailleurs, vers le nord du Maroc.
Elle longeait le littoral et quelques palmiers garnissaient ça
et là le village mauresque. Dans le blanc des maisons
basses perlaient de rares petites fenêtres et des portes
bleues arrondies.
C'était un village de pêcheurs à l'odeur
de mer et de poisson.
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En contrebas, une plage grouillante de petits baigneurs marocains,
surtout l'été, offrait ses eaux calmes. Les enfants,
souvent nus, plongeaient d'une petite jetée aménagée
à l'entrée du port de pêche, il y a très
longtemps. Tout ruisselants, ils ressortaient de l'onde et se
hissaient à nouveau sur ce plongeoir. Leur peau bronzée
brillait sous le soleil ardent. Les jours de grande chaleur,
ça "piaillait" beaucoup, ça riait bien.
Un parfum très particulier, mélange de sel et d'algues,
émanait ici plus qu'ailleurs
Parmi les vieux marocains à barbe blanche, affalés
le long du parapet, longeant le petit port de l'époque,
un vieux pêcheur que l'on nommait "Sanana" petit
homme nerveux et plein d'humour, détonnait avec la placidité
habituelle des Marocains. Chargé de paniers souvent dégoulinants
d'eau de mer, il courait vers Talborjt afin de trouver quelques
clients. Son passage laissait une odeur de marée.
Je savais qu'il passerait devant un grand café, chez "Boisseuil".
Cet établissement construit en bois comptait parmi les
premières implantations (genre Far West) d'Agadir. On
venait s'y rafraichir tout en écoutant un pianiste. Mon
oncle, ancien légionnaire allemand, venait ici en tournée
avec son épouse, la sur de mon père. Le couple,
pour la grande joie de mes cinq ans, louait une petite maison
à Founti. Durant leur séjour, comme ils n'avaient
pas d'enfant, ils me gâtaient beaucoup. Ma tante, encore
jeune, m'emmenait à la plage. La mer était calme,
de nombreuses petites flaques d'eau laissées par la marée,
permettaient à l'enfant que j'étais, de barboter,
de jouer en se rafraichissant.
Ce quartier reste lié à des jubilations enfantines.
Un monde de pêcheurs, gens de la mer, revenait du large
en tirant leurs barques et leurs filets sur la petite plage que
j'aimais bien. Le spectacle devenait alors fascinant et coloré
Des pageots roses, des sars, des loups argentés et autres
poissons tressautaient sur le sable et la vente accompagnée
de palabres pouvait commencer.
Avant Founti, existait un petit club de boulistes très
fréquenté par beaucoup de nos pères de famille.
L'ambiance des sportifs y était très conviviale.
Au bar des boules, on pouvait savourer de grosses moules fraîchement
pêchées, peut-être par "Sanana"
?...
Certains soir, ma mère
et moi, assises sur un banc, dans un petit jardin face à
la mer, nous attendions mon père, joueur de boules.
À cette heure crépusculaire, la brise marine venait
percer le mur de la grosse chaleur d'été apportant
les senteurs si particulières du petit village marocain.
Odeurs de pain chaud et de poisson grillé.
Blottie contre maman, je respirais les effluves de sable et d'algues,
curieux mélange de senteurs marines dont je n'ai jamais
pu m'expliquer exactement la particularité.
L'heure était pleine de sérénité
et je regardais vers Founti où s'allumaient, telles de
petites étoiles, les loupiotes du village, enchantement
de mon enfance
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(Souvenirs de Gisèle Prigent-Costa
- Plaquette Agadir-Founti - Le Lien des Anciens d'Agadir et du
Souss, 2006-2007)
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