La pêche se pratiquait le long de la
côte et à l'embouchure du Souss. Elle était
rendue difficile par la barre. De gros rouleaux de vagues se
brisaient fréquemment, dangereux avec la houle et il n'était
pas rare de voir chavirer les embarcations à l'arrivée
(Boniface, p. 33).
Les pêcheurs ancraient leur bateau en mouillant une grosse
pierre, amorçaient leurs lignes avec des débris
de poissons ou de poulpes. Ils pêchaient à la ligne
tenue à la main ou attachées au pied (kheit)
ou à la ligne trainante avec des appâts en lanière
d'étoffe blanche, ou à la palangre, ligne longue
de 100 m. portant des hameçons attachés à
0, 50 m. de distance, ou à l'épervier européen,
ou à la senne à poche, le tout avec une grande
habileté.
La saison la plus favorable commençait
au printemps pour finir en automne à l'époque des
grandes marées. C'est elle qui amenait près des
côtes les bancs de poisson en abondance au point que les
embarcations rentraient parfois emplies jusqu'aux bords.
Au retour de la pêche, les barques étaient halées
à la force de bras, glissées sur des rondins de
bois (issouran) en haut de la plage, dans les criques du rivage,
et restaient sur le sable jusqu'au départ prochain, sous
la lointaine surveillance de leurs possesseurs.
Les poissons ramenés de la pêche étaient
étalés sur la plage et vendus à la criée
séance tenante, à des prix très bas parce
que les amateurs étaient presque tous des autochtones.
Parmi les gros poissons recherchés
: la bonite, l'ombrine, la daurade, la tassergalt sans oublier
les petites espèces savoureuses : soles, rougets, mulets,
sardines ; les crustacés, homards, langoustes, crevettes
à l'embouchure de l'oued Tamraght. Les moules peuplaient
tous les rochers du rivage. À marée basse, femmes
et hommes étaient occupés à les cueillir.
Ils les faisaient cuire en tas sur un feu de broussailles. On
retirait la chair qui se vendait sur les souks comme celui de
Khemis de Tamraght.
Le poisson était livré à la consommation
frais ou séché et sous cette forme séchée
était expédié jusqu'aux souks de l'Anti-Atlas.
Des fours rustiques, construits en pierres sèches, étaient
chauffés au bois sec ; le poisson était placé
sur une couche de cendre qui le séparait de la braise
; on retirait le poisson cuit, très apprécié,
d'autant que la viande n'était pas abondante.
Le séchage était obtenu par exposition au soleil
ou au moyen de fours.
Dans le 1er cas, après avoir enlevé la tête
et les entrailles du poisson, on l'ouvrait en pratiquant sur
le dos une fente longitudinale. La chair entaillée et
salée était ensuite suspendue pour être soumise
à l'action du soleil pendant 5 à 6 jours.
Le procédé était plus rapide au moyen des
fours où l'on entassait le poisson, préalablement
coupé en morceaux sur un feu de branchages. Douze heures
après, la cuisson était terminée. La chair
détachée des arêtes était salée
et finissait de sécher au soleil.
Cette opération était effectuée au bord
même de l'Océan à l'endroit appelé
Negher El-Hout (lieu où l'on étend le poisson)
qui comptait une quarantaine de fours, démolis depuis
l'ouverture du boulevard du Capitaine Alibert. Ils furent reconstruits
au Sud de Founti à proximité de Talborjt (Boniface,
1927, pp 33-35)
On pêchait le corail, il n'y a pas encore
bien longtemps près d'Aglou et ces pierres servaient aux
artisans pour enrichir les bijoux qu'ils fabriquaient mais la
pêche cessa parce que le corail était maintenant
importé dans le pays par des maisons de commerce étrangères
(P. Zeys, 1932, Richesses d'Agadir pp. 264-266).
Les pêcheurs étaient alternativement pêcheurs
et ouvriers agricoles ou employés aux travaux publics
ou à l'aconage. Le chargement et le déchargement
de vapeurs qui ne pouvaient accoster, s'opéraient par
leurs soins à l'aide de barcasses.
Les meilleurs charpentiers
de pirogues et de barcasses de déchargement des navires
étaient originaires du Souss tels M'Barek Ou Fars
et son frère. Les pirogues et barcasses étaient
construites à Agadir quand les ports étaient sous
l'autorité du Makhzen (R. Montagne, Hespéris, p.
193, Les marins indigènes, 1923). Toutes les embarcations
berbères de la région furent construites par un
unique charpentier des Aït Tameur, le maâlem Ahmed
Ou Bihi El Aferni, dont le père était lui-même
un charpentier réputé à Aït Tameur
où se fournissaient les Aït Founti ; il construisait
en un mois une embarcation qui coûtait 1000 francs dans
les années 20.
Le port d'Agadir (Founti) fermé au commerce jusqu'en 1930,
avait dans les années 20 ses charpentiers autochtones
qui construisaient des barcasses. Le vieux raïss du port,
Lhassen Ben Ali Aboudrar, appartenait à une famille
ancienne de raïss. Lui et son fils, le khalifa Mohamed,
furent d'excellents marins et participèrent à de
nombreux sauvetages. Trente six hommes servaient sous leurs ordres
lorsque les services de l'aconage du port l'exigeaient. En temps
habituel tout le monde se livrait à la pêche.
En 1927, la corporation des marins de Founti
comprenait une quarantaine de membres. Ils avaient été
plus nombreux mais beaucoup avaient émigré pour
aller exercer dans d'autres ports où la vie était
plus facile.
La corporation avait pour amine le Raïss Lahcen El Gadiri.
Ses moyens lui permettait de mettre en service neuf embarcations
: quatre grandes embarcations à quatre paires de rames
et cinq petites à deux paires de rames.
Parmi les familles suivantes de pêcheurs
de Founti possédaient des Iggherrouba :
- Famille Aït Ouâbaïd : Raïss Mohamed,
Raïss Lhoussine, Raïss Lahcen ;
- Famille Gouferni : Raïss Jamaa, Raïss Lazrak
;
- Famille Bougjja : Raïss Lahcen, Raïss Bouslam
;
Raïss Lyazid, Raïss Lahcen Ou Bouzid, Raïss Akhabbar
Lhoussine étaient propriétaires de plusieurs bateaux
(source : Mémoires d'Agadir I, p. 110)
Les pêcheurs étaient organisés
en corporations placées sous le patronage des saints locaux
comme Sidi Boulknadel et Sidi Abdallah Ou El Haj.
Chaque année en mai, les pêcheurs offraient un repas
sacrificiel (mârouf) à Sidi Boulknadel protecteur
des marins, des terriens et des femmes en perdition.