Conservation et séchage traditionnels du poisson
 

 
 Agadir semble avoir été le centre de l'industrie berbère de la pêche du Sud marocain au début du XXème siècle.


De tout temps, le poisson frais (Hout, Khder) fut consommé par les autochtones en particulier la tassargalt, la bonite, le thon, la courbine, l'ombrine, le sar, la murène, etc.

Le problème était de conserver le poisson pêché et de l'acheminer vers les souks.
Pendant les étés, 50 ou 60 revendeurs se rassemblaient, achetaient, préparaient eux-mêmes leurs poissons.
Ils faisaient la tournée des souks du Souss avec des charges de 600 à 1200 kg de poisson cuit ou séché.
Ils fréquentaient les grandes foires annuelles (Almouggar).

Les populations qui vivaient en bordure du Sahara appréciaient également cette nourriture et échangeaient le poisson cuit contre double charge de dattes.
 

 
 

 

 

 

 

 
 

Les autochtones utilisaient plusieurs méthodes :

 
Taghroust
Depuis fort longtemps à Anza et dans les petites criques environnantes, le poisson pêché était découpé et séché dans des fours spéciaux en terre. Cette opération appelée Taghroust était la seule utilisée pour conserver le poisson et connue de tous les Berbères du Sud.

La Taghroust se préparait pendant l'été. Le poisson était coupé en tranches, saupoudré de sel, et placé pendant 12 heures dans un four (ferrane) en pierres, préalablement chauffé. Le poisson cuit était ensuite séché au soleil, étalé sur des nattes pendant quelques jours.

Il était ensuite expédié sur des souks voisins des Ida Ou Tanan, dans l'Anti-Atlas à Sidi Ahmed Ou Moussa, à Illigh, ou séché deux ou trois semaines s'il était destiné à des régions éloignées comme Akka, Tata, etc.

 

 

 

(1923, Montagne, Rapport de mission du Lieutenant de Vaisseau Montagne, Chapitre III, Consommation et commerce du poisson, pp 18-24 -CADN-
R. Montagne, 1923, Les marins indigènes de la zone française au Maroc, pp 175-216, Hespéris)
 

 
Séchage Amellah
Une autre opération consistait, non pas à cuire le poisson comme avec la Taghroust, mais à le sécher (Hout, Mecherrah).

Celui-ci était coupé par moitié ou en lanières, salé et suspendu pour sécher au soleil.

Cette préparation qui se pratiquait surtout chez les Aït Bâmran était moins appréciée des consommateurs.
 

 

 
 

 
 Conservation des moules (Bozrougue)
Une autre préparation concernait la conservation des moules.

Les gens du Souss (hommes et femmes) qui venaient parfois de loin, aimaient cueillir les moules qui se développaient en abondance sur les plateaux rocheux qui se découvrent à marée basse.
Ils les faisaient cuire sur des feux de broussailles, arrachaient la chair qu'ils faisaient sécher quelques jours au soleil. Les moules ainsi séchées se conservaient longtemps.
Chaque famille en emportait plusieurs boisseaux pour en faire des tagines avec des navets (Loudli) ou des œufs pendant toute l'année mais surtout pendant la période d'Innaïr (janvier).

Les habitants de Founti en recueillaient à toutes les grandes marées.

Les moules séchées se vendaient bien dans le Souss en particulier chez les Chtouka, Ersmouka, Ida ou Baqil à un prix même élevé (1923, Montagne, ibidem).
 

 
Guano
Des pêcheurs récupéraient ce qu'il restait du poisson en particulier les parties non comestibles (têtes, tripes, arêtes, poissons invendus, etc.) pour en faire du "guano" qu'ils faisaient sécher au soleil le long de la côte.

Ils produisaient un guano dont on pouvait discuter la qualité et se plaindre des odeurs et des mouches qu'il attirait mais dont le prix de revient était imbattable
(M.A Cuenot, ingénieur agronome, Notre Maroc, Agadir 1950, Les Sous-Produits de la pêche à Agadir, pp. 61-62).
 

 
 

 
SCAPIS Coopérative artisanale des pécheurs autochtones du Souss

 Vers 1934 après une grande période de sécheresse et de misère au début des années 30, sous l'impulsion du capitaine Olloix, chef de Bureau des Affaires Indigènes d'Inezgane, les pêcheurs autochtones se groupèrent en coopérative (SCAPIS : Société Coopérative Artisanale des Pêcheurs Indigènes du Souss).

Le capitaine François Olloix fut l'administrateur-fondateur de cette coopérative dans laquelle entrèrent de nombreux pêcheurs marocains de la côte comprise entre Taghazout et le Souss. De 42 en 1935, le nombre de patrons-pêcheurs adhérents à la coopérative passa à 61, celui des embarcations mises en service de 42 à 72, et le tonnage des poissons pêchés au cours des 9 premiers mois de 1937 fut supérieur au tonnage de 1935 considéré comme très fructueux.

En 1936, pour résorber l'excédent de la production de pêche, il fut décidé de transformer une partie de cet excédent en salaison sous la forme de pièces entières, ouvertes et salées à plat comme pour la morue. À sa sortie du sel, le poisson était brossé, puis étalé sur des claies où il terminait son séchage. Il était ensuite rentré et suspendu dans un magasin bien aéré où il attendait sa mise en balles de 50 kg pour être expédié.

 

 

Le poisson cuit au four "Taghroust" légèrement saupoudré de sel, puis séché au soleil par morceaux de 50 à 500 g était très apprécié des montagnards de l'Anti Atlas.

 
Une autre partie du poisson non utilisable en salaison (têtes, tripes, arêtes) ou bien provenant des déchets de poissons traités au sel et au four, était transformée en "guano" pour engrais grâce à des presses et broyeurs. Le produit séché était réduit en farine dans l'installation d'Inezgane.

En 1936, la coopérative possédait un véhicule de transport rapide et isotherme permettant de transporter le poisson vers le nord du Maroc (F.Olloix, Le Maroc du Nord au Sud, Agadir, capitale du Souss, Une agence de la première heure, pp. 26-32).