Les établissements
Ré furent construits
vers 1922 juste à la sortie de Founti, sous le camp Haïda,
au bord du ravin El Ghezwa et du chemin venant de Founti qui
descendait à l'appontement. L'établissement se
trouvait près des bâtiments des Subsistances militaires
en passe d'être détruits pour permettre le raccordement
du boulevard Bourguignon au boulevard Alibert sortant de Founti.
Ces bâtiments sur les cartes postales ressemblent à
des baraquements, à des taudis plus qu'aux images d'Épinal
qui nous sont servies dans les revues de l'époque. Pour
les commentateurs, "l'établissement situé
en bordure de mer offrait le délicieux attrait d'une terrasse
pleine de fraicheur" (Nord-Sud N°3 septembre 1932).
Déjà installé
dans le Souss avant l'ouverture d'Agadir en 1930, Charles
Ré fut tour à tour transporteur et hôtelier-restaurateur,
sachant s'adapter aux situations difficiles, "admirablement
secondé par Mme Ré" : il créa le Restaurant
et "Hôtel de la Plage" établissements
au succès, disait on, bien mérité (Revue
Le Maroc du Nord au Sud 1939) ; "l'hôtel
attenant disposait de petites chambres coquettement aménagées
d'où l'on entendait le murmure des flots que baignait
la lune" (septembre 1932, Nord-Sud, N°3). L'ensemble
se complétait d'un restaurant où l'on pouvait "déguster
d'excellents produits de la pêche locale". Paul
Gautier, président du Syndicat d'Initiative, rappelait
que Charles Ré avait été le premier à
créer un hôtel et un restaurant dont la situation
en bordure de mer était admirable. Des estivants y revenaient
même chaque année.
On ne voyait pas d'autochtones fréquentant le café
sauf pour faire le service et la cuisine.
Les autochtones les appelaient M. et Mme Ray (Raille)
et non Ré. Ils voyaient en M. Ray une carte de
roi. Mme Ray était surnommée Msoughta,
autre carte de dame qui signifie la terrible. On disait d'eux
: ils ont commencé leur vie crescendo avec les premiers
hôtels dont l'hôtel des Ambassadeurs puis avec une
grande librairie (à Talborjt) pour finir dans la mouise
à l'entrée d'Ihchach au Robinson. Ils disaient
même s'agissant de quelqu'un risquant de se griller les
ailes : "ce type à ce rythme finira comme Ray
! (sans fortune)".
La grande terrasse au bord
de la mer accueillait les soldats qui aimaient bien venir y boire
un verre dans les années 20 ; on voit aussi des hommes
à casques coloniaux ou à canotiers et les premières
familles européennes avec enfants habillés de blanc
sur la carte postale datée de 1924 ; le personnel en tablier
se trouve au premier plan (CP - Établissement d'Agadir
- Noyer 17).




En 1932, M. Ré ou bien s'agissait-il
de Mme Ré, à qui on attribue la création
d'une annexe à l'entrée de la ville, avec le confort
moderne : eau courante et électricité, chauffage
électrique et téléphone dans toutes les
chambres : l'"Hôtel des Ambassadeurs"
(1932 septembre, Nord-Sud, N°3). L'ornementation était
agréable, l'hôtel disposait d'un patio avec vasque,
d'un petit salon marocain et de chambres très confortables
(1932 septembre, Nord-Sud, N°3) (Nord-Sud, n° 10, 1933). |
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Au début des années
30, outre l'hôtel, il y avait un salon de coiffeur, un
marchand de journaux et un magasin de nouveautés (Robitaillie,
p. 107)
En 1933 (photo Nord-Sud), dans le bloc constitué par les
Établissements Ré donnant directement sur la rive
Sud du bd Bourguignon, il y avait une pharmacie qui sera remplacée
par un magasin d'alimentation.
À gauche se trouvait le garage Renault.

Décembre 1937 : les commerçants du Front
de mer furent informés qu'ils devaient quitter les lieux
au plus tard le 30 juin 1938 :
M. Boisseuil, Mme Taillandier et M. Laporte avaient payé
les lots qui leur avaient été proposés en
Ville Nouvelle sauf F. Barutel et M. Ré.
1938 : on peut voir l'emplacement des établissements
Ré rasés sur la rive Sud du Boulevard Bourguignon
et la construction de la SATAS bien avancée sur la rive
Nord de ce boulevard. En 1938, les Établissements Ré
du front de mer employaient deux européens et 6 employés
indigènes.
Par la suite M. et Mme Ré s'établirent à
Talborjt : Mme Y. Ré tint une librairie (Librairie Papeterie
moderne) Place du Commerce et M. Ré, un bar (Ré-Bar)
près du cinéma Rex et de la poste.