Compagnie Générale de Transport et de Tourisme au Maroc
C.T.M.
 

 

 
La Compagnie Générale de Transport et de Tourisme au Maroc, C.G.T.T. ou C.T.M. (CI.TI.M) fut créée vers 1919 par Jean Épinat et ses associés Eugène Paris et Paul Lutzy.
Jean Épinat fut président de la compagnie et Édouard Lebascle, directeur général au Maroc de 1919 jusqu'à sa retraite après la marocanisation de la C.T.M.
Tout est à prendre avec précaution en ce qui concerne Jean Épinat et le livre que son ami Nataf lui a consacré a donné lieu à des polémiques en ce qui concerne les dates et les lieux de rencontre (Dafina ; Maurice Sarazin les Cahiers Bourbonnais).
En septembre 1912, Jean Épinat aurait eu la main heureuse en fournissant le personnel et les véhicules nécessaires pour la visite du sultan Moulay Hafid en France. C'est à cette occasion, que le général Lyautey lui aurait demandé d'étudier un programme de transports en commun pour le Maroc, indispensable pour le développement économique du pays et pour sa "pacification" ((Source F. Nataf, p. 27, Jean Épinat, Un homme, une aventure au Maroc). Il semblerait que la rencontre entre les deux hommes n'eut pas lieu, ni à cette date, ni en ce lieu (Maurice Sazarin, Les Cahiers Bourbonnais).
Quoi qu'il en soit, initié ou pas, le projet de programme de transports en commun pour le Maroc, fut interrompu par la guerre 14-18.

En 1919, Lyautey aurait renouvelé ou précisé sa demande et Épinat aurait proposé la candidature de sa société.
En 1920 au Maroc, les chemins de fer militaires se révélaient insuffisants pour faire face aux transports civils. L'Administration mit alors en adjudication le 1er mai 1920 une entreprise de transports de marchandises par camions automobiles sur les routes reliant Casablanca-Rabat-Kenitra-Meknès-Fès. Le devis imposait à l'adjudicataire toute une série de charges : il imposait un délai très court et un effectif déterminé de camions au fur et à mesure des appels faits par l'Administration à construire des halles à marchandise, des ateliers, des remises, etc.. En rémunération de ces obligations, le Protectorat allouait une modeste subvention à la tonne kilométrique transportée. Cette subvention devait permettre aux soumissionnaires d'offrir des tarifs moins élevés.
Les entrepreneurs de transport soumissionnant à l'adjudication devaient disposer au Maroc de 50 camions susceptibles d'être immédiatement affectés au service commercial prévu par le cahier des charges.
 
Pour ne pas désavantager les commerçants obligés d'avoir recours au transport automobile pour le transport de leurs marchandises, les tarifs du chemin de fer furent relevés.

Ce relèvement devait fournir en partie les ressources pour financer la subvention accordée à l'adjudicateur.

Trois concurrents se présentèrent : MM. Mazères (future CAT), Jullian, Épinat.

Tous les trois furent admis à soumissionner par la Commission d'adjudication. D'après le cahier des charges, les marchandises étaient rangées en 3 catégories : la 2ème payait 0,25 Fr de plus que la 1ère. La 3ème payait 0,25 Fr de plus que la 2ème.

L'adjudication portait sur le tarif de la 1ère catégorie, dit tarif de base.

M. Mazère offrit : 1,49 Fr, M. Jullian : 1,55 et M. Épinat : 1,22.
M. Épinat ayant fait l'offre la plus avantageuse remporta l'adjudication sous réserve de l'approbation de l'autorité supérieure qui fut donnée le 5 mai 1920.
Le prix très avantageux consenti par M. Épinat devait représenter une économie de 5 millions pour le commerce de la zone française du Maroc
 

Il s'agissait d'une adjudication publique avec un cahier de charges fixant le nombre de véhicules à fournir (au minimum 50) et leurs caractéristiques, en un délai très court de 4 mois pour être présentés à Casablanca. Épinat réussit ce coup de force et la CGTT (sigle C.T.M., Cie Générale de Transport et de Tourisme au Maroc, ancêtre de la C.T.M.) nouvellement créée le 30 novembre 1919, fut déclarée adjudicataire.
La mise en place des nouvelles lignes de transport au Maroc au lendemain de la guerre 14-18 exigea d'Épinat et de ses collaborateurs des efforts exceptionnels. Néanmoins, la rentabilité de l'entreprise fut assurée grâce à la subvention d'état prévue dans le cahier de charge.
 

 

Pour le renouvellement de son contrat en 1922, la Cie acquit
le droit d'exploiter une flotte de taxis automobiles pour relier
les gares de la C.T.M. aux centres environnants.
La concurrence des chauffeurs-patrons et des petites entreprises disposant de plusieurs véhicules s'exerçait par
des tarifs bas qui menaçaient la pérennité de la CTM, obligée d'aligner ses prix sur ceux de ses concurrents.
En raison de son organisation plus couteuse, la C.T.M. risquait de se trouver en difficultés et s'employa à racheter et absorber ses concurrents, en particulier les deux plus importants :
les "Transports Blat" et les "Transports Zakar".
 
Blat fut absorbé facilement et entra au service de la C.T.M. L'entreprise Zakar (S.A.C.A.R., Sté Anonyme des Automobiles Rapides) était dirigée par une maitresse femme, Mme Zakar-Audibert, énergique et courageuse, qui n'hésitait pas à prendre elle-même
le volant et qui donna du fil à retordre avant d'accepter d'être rachetée.
Alors, la C.T.M. put augmenter ses tarifs.
Les premières lignes de transport de la C.T.M. étaient celles des grands axes
Casa-Marrakech, Casablanca-Fès-Oujda, Casablanca-Tanger, Casablanca-Agadir (départ à 21 h).

En 1922, la CTM exploitait déjà huit lignes régulières à partir de Marrakech, Meknès, Rabat, Casablanca, Safi, Mogador et Mazagan. Sur les nouvelles routes, des maisons cantonnières faisaient office de nzala-s. A l'image des routes françaises, la chaussée était en dos d'âne et des plantations de mûriers et d'eucalyptus étaient disposées tout au long des bas-côtés afin d'assurer de l'ombre. Toutes ces lignes, sauf Casablanca-Agadir, étaient en concurrence avec les Chemins de Fer du Maroc et le Tanger-Fès, et avec la société espagnole "Valenciana" pour la ligne Fès-Casablanca homologue de la C.T.M. dans la zone Nord dépendant de l'Espagne. De longues négociations furent entreprises avec la direction des Travaux Publics qui aboutirent à des accords satisfaisants pour les différentes parties.

Dans la zone Sud, la C.T.M. étendit son réseau en créant des lignes intérieures secondaires où des nationaux exploitaient aussi des transports de voyageurs. C'étaient pour la plupart des petits transporteurs qui gênaient la C.T.M. et que la CTM gênait. Épinat comprit qu'il devait faire une transaction et leur abandonna une partie de ses services. Parmi ces transporteurs, Laghzaoui représentait une entreprise de moyenne importance. Épinat lui laissa le champ libre et s'en fit un ami. En ce qui concernait la Région de Mogador-Agadir, la CTM effectuait les lignes Marrakech-Mogador ou Safi-Mogador, et les transports Fernand Barutel assuraient la correspondance CTM sur la ligne Agadir-Mogador pour les voyageurs et le Service Postal. Fernand Barutel (président de la SATAS à Agadir) et Jean Épinat (président de la C.T.M.) s'entendirent et s'apprécièrent mutuellement.

En juillet 1925, lors de la guerre du Rif, à la demande de Lyautey, Épinat réussit à concentrer en 5 heures, 60 % de ses véhicules (soit 160 cars) et le reste (40) dans les 24 heures : soit 200 cars pour transporter 6.000 hommes. À cette occasion on apprit par Félix Nataf, responsable de la comptabilité qu'Épinat ne présenta jamais à Lyautey, la note de frais qui fut considérable (Jean Épinat, Un homme, Une aventure au Maroc, Éd. Souffles, 1987, pp. 32-33).
En 1928, la C.T.M. devint agent exclusif de Général Motors au Maroc jusqu'en 1945.
La dépression économique qui suivit la crise de 1929 plongea le secteur en plein marasme.

La Cie qui avait déjà diversifié ses activités dans les mines et
le tourisme et érigé le transport de voyageurs en département autonome prit la majorité du capital de la Compagnie Auxiliaire de Transport (C.A.T.) au Maroc.
La maison mère de la C.T.M. devint le 5 janvier 1934 l'Omnium Nord Africain (O.N.A.) laissant le monogramme C.T.M. à l'activité Transport.
Jean Épinat fut le Président de la C.T.M. depuis sa création en 1919 jusqu'à la constitution de l'Omnium Nord-Africain O.N.A. en 1934, et fut Président de l'ONA jusqu'en 1950 (pour des raisons de santé, il cédera alors ses actions à la Banque de Paris et des Pays-Bas : Paribas).
En 1946, la CTM fut détachée de l'ONA et vendue au CFM (Chemin de Fer du Maroc). En 1950-1, le Trésor Marocain racheta la CTM au CFM.
 
En 1947, le minerai de l'Imini fut transporté par des camions particuliers ou des camions de la C.A.T. ou des camions de
la SOPEM, petite société dépendante de l'O.N.A. équipée de petits camions Chevrolet.

Ensuite, l'O.N.A. créera la S.T.M. (Société de Transport Minier) autorisée par l'ONT (Office National des Transports) à ne transporter que du minerai.
La S.T.M. achètera 150 camions de marque Mack NR 14 de 10 tonnes de charges utiles sur un parc de surplus américain de
la guerre 39-45 ou en Belgique.
En 1970, La CTM acheta les "Lignes Nationales" de Laghzaoui, transporteur de Fès qui les avait achetées à "La Valenciana SA" d'origine espagnole d'où le sigle CTMLN.