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Vers 1912, un
Béarnais du nom de Jean Mazères débarqua
au Maroc à la recherche de laine pour les besoins de son
industrie familiale.
En 1914, il ne possédait qu'un camion pour le ramassage
de la laine puis bientôt un second. L'armée qui
ne disposait que d'arabas (charrettes militaires) fit
appel à lui en 1915 pour les transports urgents.
Dès lors, Mazières abandonna la laine et se consacra
aux transports pour les besoins de l'armée. |
Obtenant en mars
1919, par marché de gré à gré, la
concession exclusive des transports militaires par camions
automobiles dans l'Empire chérifien, il participa
à toutes les opérations dites de "pacification"
du Nord du Maroc et devint un industriel du transport, disposant
de bureaux, de hangars et de garages dans quantité de
villes et villages.
Ses camions allaient partout même quand il n'y avait pas
de piste construite, de Bou Dnib au Tafilalet, du Tafilalet à
l'Atlas, traçant les premières lignes dans les
hamadas du Sud, dans les sables des oueds et dans les palmeraies
des confins algéro-marocains. De nombreux chauffeurs y
laissèrent la vie. |
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En 1922, Mazères
décida de monter son affaire en société,
s'associa avec la Société industrielle Saurer
représentée par Émile Chalançon,
avec les banques Crédit Commercial de France et Crédit
Foncier d'Algérie et de Tunisie : c'est ainsi que naquit
la C.A.T. (Cie Africaine de Transport).
Mazères mourut peu après, en 1925. La société
poursuivit son activité avant d'être rachetée
par la CTM.
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Dans les
années 30 à Agadir, la CAT avait pignon sur rue
à côté des Éts Barutel sur le boulevard
Bourguignon.
Vers 1935-6, une quinzaine de camions de la CAT qui assuraient
le ravitaillement des postes militaires du Sud et du Sahara occidental
stationnaient en dépôt sur une place de Talborjt.
Ces camions assuraient le déplacement des Légionnaires
dans les zones investies. |
Histoire
de La Piste impériale N°1 de 1934 à 1939 |
La CAT assurait les transports
militaires dans les territoires de l'avant ou les zones d'opération.
Dans la collaboration de l'entreprise privée et de l'administration
militaire, les chauffeurs CAT étaient particulièrement
appréciés des officiers et de la troupe dont ils
partageaient la vie rude et mouvementée (Vincent Berger,
Revue de Géographie, Promenades vers le Sud).
En 1934, le directeur de la CAT pour le Sud du Maroc était
Émile Schwob qui fut à l'origine de la piste
Agadir-Tindouf (il quitta Agadir en 1952).
Parmi les européens
d'Agadir qui travaillèrent à la CAT :
Les grands-parents Rull de Christian Martinez, ses oncles
Guardiola, David et ses parents arrivèrent
à Agadir au début des années 30. Ils venaient
d'Algérie et travaillaient tous à la CAT.
Monsieur Pierre Poiriault (père de Marcelle Padiou-Poiriault)
fut chef d'atelier de la C.A.T. puis de la CTM à Agadir.
Il prit la direction du centre de dépannage d'Akka où
stationnait le camion-atelier. En 1935, il s'installa à
Tiznit avec une trentaine de camions et des moyens de dépannage.
Il s'agissait d'organiser la nouvelle piste Agadir Tindouf
(Agadir devenant le port du minerai de fer à exporter).
La première
liaison automobile entre Agadir et Tindouf remonte à
la fin mars 1934 avec les dernières opérations
dites de "pacification" du Sud marocain. Seuls circulaient
alors les convois. La piste passait par Igherm, Akka et Tafagount
sur la rive sud du Dra à environ 70 km au sud d'Akka.
À partir d'Igherm, le convoi était protégé
par un groupe de 17 blindés appartenant à la C.A.T.
avec des équipages militaires dont Pierre Poiriault assurait
la direction lors des premières liaisons.
De nombreux incidents mécaniques se produisirent.
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Au cours
du premier voyage, il fallut arrêter le convoi devant Tafagount
pour remettre en état deux des camions de la C.A.T. dont
les boites de vitesses et les ponts arrière avaient été
mis hors d'usage au cours de la traversée d'un banc de
sable.
Ensuite, il fallut attendre au pied de la falaise de Merkala
que la piste soit aménagée.
Le convoi comprenait une quarantaine de camions de 40 CV environ
qui portaient du ravitaillement pour la troupe, un camion atelier
et du matériel de rechange ainsi que tout le ravitaillement
en particulier essence des véhicules et eau.
La Légion travailla d'arrache-pied pour améliorer
la piste. Et ce pendant trois ans.
En 1935, on songea à réduire le temps du premier
itinéraire en le plaçant sur un terrain moins difficile.
En janvier 1935, l'itinéraire Tiznit-Anja-Bou-Izakarn-Tarjicht-Foum-el-Hassan
rejoignait le précédent à Oum-el-Achar
au sud du Jebel Arkaziz. Mais la piste nécessitait
de nombreux travaux.
Il s'agissait d'organiser la nouvelle piste pour réduire
à 3 jours la durée du parcours qui jusque-là
était de 5 jours et plus (avec des étapes à
Anja ou Foum-el-Hassan, en haut de la montée
du Merkala et enfin à Tindouf). La base
de Tiznit comportait une soixantaine d'Européens
et autant de Marocains employés comme graisseurs. |
La montée
du Merkala fut
par deux fois modifiée, déportée plus à
l'Est. La première modification (jusqu'en 1945) comportait
une série de lacets avec des rebroussements et des virages
en épingles à cheveux. Le pourcentage de pente
très élevé fatiguait énormément
les véhicules et les moteurs d'autant que la piste était
souvent fortement dégradée par des éboulis.
Dès 1943, le commandement des Confins (Confins Algéro-Mauritano-Marocains,
CAMM) à Agadir se préoccupa d'améliorer
la montée du Merkala. Le Génie militaire
(arrondissement d'Agadir) procéda aux études préliminaires
puis définitives et dirigea l'exécution des travaux
qui furent réalisés en un temps record. |
En 1945, la nouvelle piste
avait une pente continue de 6 à 7 %, sans virage important
et sans rebroussement. Les voitures de tourisme pouvaient la
monter en prise directe presque jusqu'en haut.
Le Génie militaire chargé de raccorder le passage
d'Oum-el-Achar au Sud du Dra à la montée
du Merkala fut confronté à la progression des
dunes de sable d'Ouest en Est.
Il fut décidé
de faire un crochet d'une quinzaine de kilomètres sans
incidence sur la durée totale du trajet Tindouf-Agadir.
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Un des chauffeurs
de la Cie, Monsieur Dorille fut un des "pratiquants de la
Piste".
En juillet 1932, il était à Kerrando avec
un groupe de camions Saurer équipés en blindés
pour assurer la sécurité des convois. Jusque-là,
les convois destinés à Igherm, Akka
et Tata étaient assurés par des camions
de la SATAS. Deux mois auparavant, un convoi allant d'Akka
à Igherm sous la protection d'un peloton d'AMC
du 1er Chasseurs d'Afrique, avait été attaqué
par un "djich" à l'entrée du défilé
de Foum el Amarha. Il y eut plusieurs morts parmi lesquels 2
chauffeurs de la SATAS et un certain nombre de militaires et
plusieurs blessés dont le capitaine Morel du 1er RC qui
décédera quelques jours plus tard d'une blessure
au ventre à l'hôpital d'Agadir. C'est pour assurer
la protection de ces convois que la C.A.T. envoya M. Dorille
et ses collègues à Taroudant puis à
Igherm où ils restèrent basés jusqu'aux
opérations de "pacification" de 1934. |
En 1933, la C.A.T. arriva
à son tour avec tous ses moyens pour préparer et
participer activement aux dernières opérations
de "pacification".
M. Dorille alla pour la 1ère
fois à Tindouf en mars 1934 quand les opérations
principales de "pacification" furent terminées
dans le Sud marocain, parallèlement à celles du
Jebel Bani.
Il fit partie de la 1ère équipe qui alla de Tindouf
à Fort-Trinquet. Auparavant, il participa à
tous les transports destinés à la constitution
des bases notamment celle de Foum-el-Hassan.
À ce moment-là, la C.A.T. céda ses Saurer
blindés à l'armée.
La sécurité fut assurée vers Tindouf
par un détachement blindé de Chasseurs d'Afrique
installés à Merkala et par la Cie de Légion
Portée du capitaine Robitaille qui opérait au Sud
du Merkala sur la Hamada.
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M.
Dorille effectua son 1er voyage sur Tindouf au volant
d'un gros camion qui transportait de la viande frigorifiée,
remplaçant au pied levé un conducteur malade.
Par la suite, il fit bien des fois le voyage pour y conduire
des camions et parfois même le car qui allait tous les
15 jours à Tindouf avec le convoi bi-mensuel.
À partir de 1933, il prit part au ravitaillement régulier
(qui avait lieu tous les 2 ou 3 mois) du poste mauritanien de
Chegga situé à 600 km au S-E de Tindouf
aux confins de l'Algérie de la Mauritanie et du Soudan
(il fallait compter 4 jours très pénibles pour
aller de Tindouf à Chegga avec des étapes
de 150 km). |
De 1939 à 1947, pendant la
guerre, le service de car pour Tindouf fut supprimé.
À partir de 1947, M. Dorille fit chaque semaine
le voyage aller-retour Agadir-Tindouf au volant de son
bus qui assurait ce service régulier. Il y eut de nombreux
incidents mécaniques. Les plus fréquents étaient
liés aux différences de résistance du sol,
sable dur et sable mou, sur la piste dans lequel on enfonçait
brusquement. Le camion se retournait mais sans accident des personnes.
Tindouf-Bir
Moghein par la C.A.T. de 1934 à 1939 |
L'ouverture de la partie saharienne
de l'itinéraire Maroc-Sénégal se
fit le 31 mars 1934, jour de l'occupation de l'oasis de
Tindouf par le groupe mobile du général
Giraud, ravitaillé par les camions de la C.A.T. à
partir de cette date.
Tindouf deviendra la base de départ des liaisons
sur la Mauritanie et le Sénégal.
La 1ère liaison avec les éléments militaires
mauritaniens fut effectuée à El Guerdane,
le 7 avril 1934, par des éléments motorisés
des CAMM.
En juillet 1934, la région des Confins dont le
commandement était fixé à Tiznit demanda
à la C.A.T. de conduire un 1er ravitaillement au départ
de Tindouf en direction de Bir Moghein. La C.A.T.
qui utilisait un car BH et 5 camions Saurer chargés à
6T., réussit difficilement à atteindre le puits
d'El Guerdane.
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En décembre 1934, la C.A.T. créa à partir
d'Agadir, une base de départ à Tindouf
parallèlement au poste militaire, comprenant des tentes
de logement pour le personnel, un dépôt de carburants,
un atelier de dépannage, un magasin de pièces de
rechange.
Le 1er convoi pour Ben Tili quitta Tindouf le 7
décembre 1934 et arriva le 3ème jour en liaison
radio avec Tindouf après avoir rencontré
de très grosses difficultés dans certains passages,
parfois contraint de modifier l'itinéraire. Reparti à
vide, le convoi fut à Tindouf le lendemain.
À compter de ce jour, la C.A.T. assura régulièrement
le ravitaillement en vivres et matériaux du poste de Ben
Tili depuis Tindouf.
À partir de février 1935, la C.A.T.
assura régulièrement les transports d'Agadir
sur Bir Moghein avec rupture de charges à Tindouf,
le fret étant acheminé par les camions chaînes
spécialement aménagés à cet effet,
apportant le matériel nécessaire à la construction
des 2 postes de Ben Tili et de Bir Moghein ainsi
que le ravitaillement des garnisons.
La piste entre Tindouf
et Bir-Moghein fut tracée par les camions en charge
de la C.A.T. et par le passage des véhicules militaires
de liaison. À cette époque, les camions aménagés
de la C.A.T. mettaient 4 jours pour atteindre Bir Moghein
en pleine charge et 2 jours pour revenir à vide depuis
Tindouf.
L'itinéraire Agadir-Tindouf-Bir Moghein entra dans
une nouvelle phase qui permettait d'utiliser un matériel
courant sans rupture de charge à Tindouf.
La C.A.T. supprima son détachement et mit en service des
camions Saurer 6 cylindres type 6BL à essence, qu'elle
affecta spécialement aux rotations Agadir-Bir Moghein.
La 1ère rotation avec ce matériel eut lieu en juillet
1935 sous une très forte chaleur. Ces camions, de charge
utile plus élevée, se révélèrent
plus rapides que les chaines et accomplirent le trajet AR au
départ de Tindouf en 5 jours.
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En 1938, la C.A.T. put utiliser
le matériel Saurer 5 AD dont elle disposait à Agadir
pour assurer les ravitaillements normaux dans le Sud. Les délais
furent raccourcis à 4 jours ½ AR au départ
de Tindouf, y compris 1 jour d'arrêt à Bir
Moghein.
Au départ d'Agadir
il fallait compter :
- Agadir-Foum el Hassan : 290 kms : 1 jour
- Foum el Hassan-Tindouf : 196 kms : 1 jour
- Arrêt à Bir-Moghein : 1 jour
- Tindouf-Bir Moghein : 1 jour ½
- Arrêt à Tindouf : ½ jour
- Tindouf-Agadir : 486 kms : 1 jour
Au total : 2128 kms en 8 jours ½ au départ
d'Agadir pour l'aller-retour.
En
avril 1937, la C.A.T. commença à utiliser des Saurer
type 4 BLD alimentés au gazoil.
À partir de 1934, elle assura la ligne Agadir-Colomb
Béchar par Ouarzazate et Ksar es Souk
en correspondance avec son service d'Agadir à Tindouf.
(Source : Spécial Agadir, capitale du Souss, Le Maroc
du Nord au Sud, Juillet 1939, article :Tindouf-Bir-Moghein
par la C.A.T. de 1934 à 1939).
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