Toto Lauberg (?-1929)
Mécanicien à Cap Juby

 

 

 Parmi les mécaniciens, il y avait ceux qui naviguaient avec les pilotes sur la Ligne Casa-Dakar et il y avait ceux qui étaient sédentaires affectés à une aéroplace. Ceux-là étaient en général célibataires et avaient une vie très spéciale en raison de la désolation des lieux et de la solitude. On en connaît quelques uns dont Toto, un personnage légendaire de la ligne.
Toto faisait partie des mécaniciens sédentaires. Il avait été affecté à Cap Juby. Toto était un méridional, d'une quarantaine d'année, que Kessel considéra comme un peu enveloppé et placide.

Il fut successivement aux ordres des chefs de poste Dubourdieu, Jaladieu, Riguelle, Saint Exupéry et Vidal, de décembre 1927 jusqu'en 1929 année de sa mort quelques mois après le passage de Joseph Kessel à Cap Juby.

Toto était né mécanicien d'aviation. Dès son adolescence, il s'était attaché aux machines volantes, "mêlant ses doigts aux moteurs". Pendant la guerre, il avait soigné les avions dans les escadrilles du front, longtemps affecté à l'escadrille du pilote Didier Daurat. C'est ainsi qu'ils s'étaient rencontrés.

 Après la guerre, lui et Daurat (devenu chef d'exploitation de la Compagnie Latécoère) se retrouvèrent sur l'aérodrome de Toulouse Montaudran d'où partaient les premiers avions de la ligne Latécoère.

Mais Toto était devenu dépendant de la dive bouteille. Les appareils de la ligne décollant à l'aube, il attendait l'heure de départ dans les bars de nuit. Kessel dit que son intelligence et son instinct du moteur étaient si pénétrants, ses doigts si sensibles que son travail ne s'en ressentait pas.
Mais, un jour, il arriva en retard, Daurat lui en fit la remarque. Toto lui aurait répondu avec impertinence ; il fut congédié.
Mais comme il ne pouvait pas vivre en dehors d'un terrain d'aviation, il se fit engager comme livreur d'essence ou bien au nettoyage et le surlendemain, il réapparut sur l'aérodrome.
Dans les hangars, on changeait des pièces, on démontait des moteurs et Toto pensa qu'aucun d'eux n'avait été graissé, ni ajusté par ses mains.
Alors, il pleura. Daurat passant par là, le vit. Le soir même, Toto pouvait reprendre son travail sur les moteurs, sifflant à tue-tête.

Un jour, il demanda à partir dans les territoires perdus où l'on voulait des mécaniciens expérimentés et surs.
C'est ainsi qu'il partit pour Cap Juby et ne voulut plus quitter ce lieu. Ce qui l'attachait au sol dénudé de Juby était la liberté indéfinissable, amère et dure, mais sans contrôle ni limite, du désert. Il y était son maitre et son juge. Ainsi pendant trois ans, il sembla avoir vécu heureux. Sa gaité, son accent, ses extravagances, ses vices mêmes, firent la joie du terrain de Juby. Il devint légendaire sur tous les aérodromes de Toulouse à Dakar.

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

En 1928-9, après le départ de Saint-Éxupéry, il n'y avait à Juby que trois personnes : le nouveau chef de l'aéroplace Vidal et les deux mécanos Toto et Marchal.


Marchal l'autre mécanicien, était alors très jeune, des yeux trop brillants et fiévreux. Il avait pris part au dépannage héroïque de Saint Exupéry, carabine au poing pour aller chercher dans le désert l'appareil de Riguelle. Mais ni Toto, ni Marchal, ne voulaient quitter Juby. "Le désert les avaient dépouillé d'ambition, de servilité et de gêne. Il leur avait fait comprendre que tout homme pourvu qu'il soit courageux au travail en vaut un autre ".
Il se raconte que Toto mourut vers 1929 quand, son plus cher compagnon le singe qu'il avait acheté à un Maure et qui se saoulait avec lui, succomba à une affection rapide (Kessel, Vent de sable, le pénitencier blanc).