Ils partirent donc pour
une expédition qu'ils voulaient mémorable. Et elle le fut, mais pas comme
ils l'entendaient.
Ce désir était pourtant légitime ; le second
pilote, le toubib et le second mécanicien faisaient la
ligne pour la 1ère fois. Quant au 1er mécanicien
et au radio, c'était la dernière fois qu'ils y
allaient. Après 30 ou 40 rotations, cela faisait tout
de même quelque chose.
Junkers 52 56.S33
avant un vol Légumier (Bourneton)
Le vieux Junkers emportait
l'habituel chargement : du poisson conservé dans de la
glace, laquelle inondait régulièrement autour d'elle
en fondant des caisses de liquides variés, des sacs de
légumes et un magnifique fût de 200 litres de pinard.
Le départ
fut sans histoire. Tout en montant, l'avion survola la plaine
ocre parsemée de bosquets, jeta un petit bonjour condescendant
à Tiznit, puis attaqua les contreforts de l'Anti-Atlas.
Il commença alors à manifester sa joie en faisant
des bonds de cabri au-dessus des collines couvertes de maquis.
Au fond de la vallée, la route serpentait.
Puis, ce fut la tâche sombre de Bou Izakarn et,
de ce fait, le commencement du désert. Des lignes de crête
de roches sombres et luisantes séparaient les vallées
où, de temps à autre, une tache noire dans le lit
d'un oued à sec, marquait la présence d'une palmeraie.
Tout se passait pour le mieux dans le meilleur des mondes, sauf
pour le toubib
|
qui voulait prendre
des photos alors que le
Junkers ne voulait pas qu'il en prenne : il profitait
de chaque passage de crête ou de vallée pour faire
un bond imprévisible juste au moment où le toubib
s'apprêtait à prendre son cliché.
Or le Djebel Bani, comme chacun le sait, comporte une
succession importante des unes et des autres. Moyennant quoi,
le toubib continuait à pester et le Junkers à
sautiller avec grâce.
Ce dernier revint à des sentiments plus humains lors de
la traversée de l'oued Draa : à partir de
ce moment-là, il se tint à peu près tranquille
et tout le monde put s'estimer heureux.
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Tindouf : courte escale, particulièrement
sèche. En effet, les lignes AT/AF 8 et 9 sont des lignes
où l'on a le souci de la régularité. Quelques
passagers de marque embarquèrent : des R'guibats
de pure souche, trainant derrière eux leur déménagement
complet ainsi qu'une odeur sui generis qui vint s'ajouter à
celle du poisson faisant avec cette dernière un mélange
du plus heureux effet.
Le temps était loin d'être sensationnel : une visibilité
médiocre, des nuages menaçants et un solide vent
du Sud-Est permettait de prévoir pour ce jour-là
ou pour le lendemain, de bons coups de tabac. Il y a peu à
raconter sur l'étape Tindouf.
|
Aïn
Ben Tili. Ce trajet
est une survivance de l'époque glorieuse de l'aviation
de ligne, le Junkers lui-même, en est un contemporain.
Aïn Ben Tili : un carré blanc - un tout petit
carré blanc - dans le sable blanc, sous un ciel d'ardoise.
Il y a théoriquement une balise radio pour en faciliter
l'approche. En fait, elle ne marchait pas (elle ne marche pour
ainsi dire jamais). Il reste alors un repère - le seul
: le Tirsal El Kedras : le Tirsal noir. Un caillou
dans le désert. Si on le voit, on a des chances de trouver
Ben Tili. Sinon, le problème devient ardu. Or donc,
sautant toujours comme un cabri, le Junkers arriva à
Ben Tili après avoir vu le Tirsal.
|
Ils allèrent
tous au poste, histoire de se réconforter un peu. Là,
entre un pastis (du vrai à 45°) et une rondelle de
saucisson, les propos habituels s'échangèrent.
Le mécanicien et le radio, grossistes du désert,
menaient leurs petites affaires. Le lieutenant, chef de poste,
nouvellement arrivé, avait entrepris le toubib sur la
situation de Dakar. Par contre, il répondait évasivement
à toute question concernant son secteur : il n'avait pas
encore l'habitude de ce genre de renseignement qui se colportait
de Dakar à Agadir, de poste en poste, à
travers tout le désert, et qui comportaient souvent plus
de vérités que les grandes théories tirées
de sources soi disant sûres dans le grand secret des bureaux
de l'État-Major.
|
Puis, le temps vint sur la
sellette. Un C 47 avait loupé le poste, le jour
même ou la veille. C'est alors que le destin du retour
se joua. Le navigateur fit remarquer avec un certain orgueil
que la 56 S n'avait pour ainsi dire jamais loupé
Ben Tili, quelque soit le temps. Il y avait par ailleurs
un certain nombre de circonstances sur lesquelles il valait mieux
ne pas revenir, mais qui justifiaient ces accidents ;
Une fois de plus dans sa vie, le navigateur aurait mieux fait
de se taire.
Enfin, l'escale tira à
sa fin. Entre Ben Tili et Trinquet, le temps était
un peu plus mauvais, le vent plus violent, le tout accompagné
d'une bonne turbulence.
|
Les passagers de
marque, embarqués à Tindouf, commencèrent
à être malades et allèrent copieusement décorer
la cabine arrière. Le vieux Junker en bondit de
joie. Enfin, il était dans son élément habituel.
Il manquait certes, la chaleur
étouffante dans laquelle il se complaisait. Mais sinon,
tout y était : l'odeur du poisson qui commençait
à passer, toute sa glace fondue ; celle des sacs de légumes
; celle des litres de sueur engloutis en son sein et qui remontaient
en surface ; celle des R'Guibats et de leurs cuirs mal
tannés ; et enfin, celle pestilentielle qui commençait
à remonter de la cabine arrière. Le navigateur
décida en lui-même qu'il préférait
crever de soif dans le désert plutôt que de retourner
prendre une dérive dans cette maudite cabine arrière.
pas d'héroïsme.
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 |
Pour ceux qui le connaissaient
un tantinet, cette résolution de mourir de soif ne manquait
Le radio expliquait au toubib qu'il se sentait la force de dévorer
sur le champ une bonne demi-douzaine de beefsteaks éventuellement
crus ; le toubib ne semblait pas du tout affligé d'une
fringale pareille.
La traversée
du Tamreikat atteignit le sublime.
Le Tamreikat est une importante ligne de collines de roches
parfaitement nues, située à une centaine de kilomètres
de Fort Trinquet. L'aspect - qui annonce déjà
celui de Trinquet - en est extrêmement curieux :
la surface plane des sables est crevée par des bulles,
ou des pointes d'environ 150 mètres de hauteur d'une roche
noire et brillante, tantôt lisse, tantôt déchiquetée.
À chaque colline, le Junkers bondissait en rugissant,
un plan dans le ciel et l'autre et l'autre au sol et les passagers
de marque en furent encore un peu plus malades, si la chose est
possible.
Puis ce fut à nouveau la plaine de sable. Lorsqu'enfin
d'autres roches en crevèrent la surface, Fort Trinquet
était en vue.
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Un sergent de la Coloniale
s'escrimait à montrer à tous ceux qui se trouvaient
à sa portée (le toubib, le radio, le second mécanicien
et le navigateur en l'occurrence) la tombe du sergent Nicolas,
tombé au pied du rocher du même nom - ce qui n'avait
rien de comique en soi.
Mais ledit sergent avait des accents et des trémolos dans
la voix pour montrer ces lieux au point qu'on pouvait se demander
s'il ne s'agissait pas plutôt de son 1er rendez-vous d'amour.
D'ailleurs, personne ne vit
quoi que ce soit, mais tout le monde opina gravement du chef.
Arrivés au sol, les drames commencèrent. Depuis
Agadir, il y avait un Junkers, son équipage
et des passagers.
|
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Dès l'arrivée
au bar des STS, la situation changea et devin cornélienne.
En plus du mauvais temps, il y avait une nuée de généraux
qui inspectaient le poste. L'équipage fut alors victime
d'une dissociation justiciable d'une étude électrochimique
: il y eut les officiers-mariniers d'un côté et
les officiers de l'autre. Les premiers se virent attribuer une
chambre habituellement réservée à l'équipage
du Junkers - une chambre qui ne manquait pas de confort pour
être logés comme il se devait. Quant aux autres,
ils furent livrés à l'autorité militaire
- livrés n'était pas de trop - pour être
logés comme il se devait. Las ! L'autorité militaire
les expédia au fin fond du poste, dans une carrée
infecte et déjà affligée d'une densité
de population supérieure à la normale. Quand aux
lits, ils dépassaient en horreur toute tentative de description.
Ce fut donc là qu'aboutirent le second pilote, le toubib
et le navigateur. Cela les mit de fort méchante humeur
pour toute la soirée.
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Ah ! Oui quelle expédition
mémorable !
La 1ère moitié
de l'équipage faisait, paraît-il la sieste. La seconde
moitié rebutée par l'habitat qu'on lui proposait,
était revenue au bar du STS.
Le second pilote et le toubib jouaient au billard ; le navigateur
vautré dans un fauteuil, ronflait comme seul il en avait
le secret.
Sur le tard, ils partirent tous les trois faire un tour au bordj
indigène. Un plan d'urbanisme très net avait présidé
à l'érection de cette agglomération : les
rues, au nombre de 7 ou 8 se coupaient strictement à angle
droit.
La population locale ne semblait connaître qu'un seul mot
: cadeau.
C'est par ce mot que les gosses qui jouaient entièrement
nus à l'entrée du bordj accueillirent les trois
promeneurs. C'est ce même mot qui ressortit dans l'une
des 7 ou 8 rues : de belles enfants au visage dévoilé
le murmuraient avec un air prometteur.
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Il s'en suivit une
grave discussion : le second pilote prétendait que tous
ces braves gens, ravis de le voir, se proposaient de lui faire
un cadeau. Le toubib était réticent quand à
cette interprétation des faits.
De son côté, le
navigateur faisait remarquer que de toutes façons, les
garçonnets ne représentaient pas des interlocuteurs
valables, mais que des pourparlers pouvaient s'engager - sur
un plan strictement théorique s'entend - avec ces jeunes
personnes.
Le toubib, toujours en recul, fit remarquer que s'il y avait
échange de cadeaux, ça ne pouvait être que
des gonocoques contre espèces sonnantes et trébuchantes.
À 6 h du soir, le trio, conformément aux prévisions
des pessimistes, crapahutait dans les sables du désert
après une escale de Nicolas. Ils s'amusaient tellement,
qu'ils allèrent jusqu'à faire, pour se distraire,
une arrivée par variation de QDM (relèvement).
Le repas du soir fut morose.
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Elle était tout
à fait mémorable cette expédition !
À 21 heures,
tout ce beau monde alla rendre une visite de politesse à
Coria.
C'était dans les traditions. Le Junkers était
en effet l'émissaire de la mode dans le Sud. Il amenait
des robes et repartait avec les mesures pour les suivantes.
Ces séances de mensuration ne manquaient pas de sel :
lorsque les mesures étaient prises avec un optimisme auquel
le 45° (Pernod, Ricard ou autre) n'était pas étranger,
comme cela s'était produit il n'y a pas si longtemps,
tout un équipage n'hésitait pas à la rotation
suivante, à comprimer la belle Coria - les uns
lui appuyant les deux pieds sur le ventre, les autres montant
les fermetures éclair, de manière à réparer
l'erreur des mesures ; tout ceci se passant sans distinction
de grade ou de spécialité.
Qui est allé à Fort Trinquet, connaît
Coria. Et Coria, connaît fort bien tous ceux
qu'elle a vus, ce qui ne laisse pas d'être embarrassant
: elle demande des nouvelles de tout le monde - et quel monde
!
Ceci ne va pas toujours sans mal, tel cet équipage qui,
sous une direction auguste, cinq fois de suite se fit mettre
à la porte et cinq fois de suite réoccupa les lieux.
Ce soir-là, Coria n'eut qu'une fantaisie : en échange
du thé à la menthe, elle voulait s'offrir le second
pilote.
Tout le monde en était songeur, d'autant plus qu'elle
se proposait de régler son compte à ce malheureux
gratuitement et
par les oreilles, ce qui ouvrait à
tous des perspectives inconnues voire vertigineuses - donc attirantes.
Pendant ce temps, le toubib vidait consciencieusement son thé
à la menthe sur le sol : toujours ces sacrés gonocoques
!
|
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René Bourneton, pilote et commandant
de bord du légumier raconte :
"Quelques temps après ce voyage, lors d'une autre
rotation de légumes au départ de Fort Trinquet,
le résident du district me remit un ordre de mission concernant
Coria (du BMC) pour destination Agadir via Tindouf (Coria était
native de la région de l'Anti Atlas).
L'officier des AI (Affaires Indigènes), membre de l'équipage,
vint me trouver et me demanda de ne pas embarquer cette passagère
pour Agadir car elle connaissait tout des évènements
récents qui secouaient cette région et de toute
manière, elle serait "trucidée" dès
son arrivée - Que faire ? J'ai un ordre de mission officiel
se dit Bourneton : je l'exécute.
Arrivée à Tindouf : tout le
monde descend pendant l'escale.
Au moment du départ, pas de Coria ;
René Bourneton demande à l'officier des AI ce qu'il
faut faire : "Ton ordre de mission prend fin à
Tindouf, elle se rendra au Maroc par Colomb Bechar - Oran et
Meknès". Elle n'est pas près d'arriver !
On ne reverra plus Coria à Fort Trinquet !
Source : René Bourneton
|
Le lendemain matin,
dès le décollage, le temps se présenta comme
un parfait temps de cochon. Tout contact radio était perdu
au bout de 5 minutes : dès le Tamreikat, une magnifique
barrière de cumulonimbus, cumulus, congestus, rugosus,
furiosus, et autres mots en "us", obligea le Junkers
à descendre au-dessous. La visibilité était
nettement mauvaise. Toutes les sebkras étaient mouillées,
rendant leur identification impossible. La dérive, qui
avait été d'abord de cinq degrés, monta
rapidement à quinze ou vingt degrés. Tout le monde
se sentait au "nord" de la route, mais sans pouvoir
en préciser davantage.
À l'heure prévue, pas de Ben Tili, pas de
Tirsal. Le navigateur, se maudissait en son for intérieur
de l'imprudence de ses propos de la veille. Il voyait déjà
un retour sans gloire, après avoir loupé Aïn
Ben Tili.
Toujours rien que le désert, ses sebkras mouillées,
des lignes de grains, la turbulence. La dérive passa à
25° et monta même par moment à 30°. Il fut
décidé de prendre le cap pour le Tirsal afin
de se recadrer. Suant d'angoisse, plissant par anticipation le
front sous la honte et le déshonneur, le navigateur voyait
de plus en plus nettement le Junkers posé dans
le désert et lui, tel Vatel (François Vatel, pâtissier
du roi qui s'était suicidé en raison du déshonneur
subi pour ne pas avoir réussi à nourrir tout son
monde) à se passant son compas à pointe sèche
au travers du corps.
De sombres histoires d'avaries de compas revenaient à
la mémoire de tous. "Le paradis des pilotes perdus"
se mariait lugubrement avec l'histoire de L'Hermès anglais
qui se cracha du côté d'Atar à quinze cent
milles de sa route.
|
Cap au 160, c'était toujours le désert,
les sebkras mouillées, les grains, la turbulence et toujours
pas de Tirsal.
Les R'Guibats semblaient cependant estimer que le nouveau
cap était le bon. Le goumier et sa charmante épouse
continuaient leur flirt (ils devaient être de jeunes mariés
en voyage de noce).
L'heure limite de 09. 45 arriva. Tout espoir était perdu
: sans aucun moyen radio, avec une visibilité inexistante,
perdu dans le désert, pour la 1ère fois, le Junkers
renonçait à Ben Tili. Déjà,
sur le journal de bord, le navigateur avait écrit : 09.
45 mise de cap sur Tindouf, lorsque Ô joie, le mécanicien
(qu'il soit loué et béni jusqu'à la 30ème
génération !) aperçut le maudit petit carré
blanc perdu dans les sables.
Vingt minutes plus tard, dans le poste, une discussion acharnée
fit rage : il s'agissait de savoir s'il aurait mieux valu se
poser dans la nature la veille ou ce jour-là. C'est le
mécanicien qui avait lancé la bagarre en disant
qu'au fond, il regrettait de ne s'être jamais posé
en panne dans le désert. Les données du problème
étaient les suivantes : la veille, en plus du lot désertique,
le Junkers avait à son bord des légumes, du poisson
et le fameux fût de 200 litres de pinard. Alors qu'il ne
restait plus ce jour-là, que le lot désertique.
Mais en compensation, il y avait l'épouse du goumier.
Le toubib trancha la question en affichant un parfait mépris
pour les personnes du sexe, toujours facile à remplacer
; par contre 200 litres de pinard, ça valait le coup,
insistait-il. La discussion en resta là.
|
Aïn Ben Tili
- Tindouf :
un vent à décorner les bufs, vingt-cinq degrés
de dérive. Et toujours de bons coups de bran, mais rien
de plus.
Le dernier acte débuta dans un décor wagnérien,
le Junkers montait péniblement entre la terre jaune
et le ciel noir de suie. Lorsqu'il rentra dedans, la véritable
turbulence commença. Le déroutement par la côte
avait été décidé. Tout le monde commençait
à être passablement abruti. Et voilà que
l'animal se mit à givrer ! La situation était loin
d'être rose. Les pilotes avaient bien assez de soucis pour
empêcher cet abruti d'avion de faire des cabrioles comme
il en manifestait le désir sans cesse renouvelé
; le mécanicien avait des ennuis avec le moteur central
qui givrait avec énergie ; le radio s'égosillait
et se cassait le bras à essayer mais en vain de passer
une position.
|
Le navigateur
se demandait avec inquiétude, à quel moment le
vent allait tourner comme il se doit à l'Ouest ; car s'il
le faisait trop tôt, ils avaient des chances d'aller voler
pas loin des sommets, volant plus haut que ce diable de Junker
qui ne voulait plus rien savoir pour monter ; quant au toubib,
il essayait de se faire une idée de la situation, mais
chacun, intensément plongé dans son problème
personnel, ne lui répondait qu'à demi-mot.
Il était impossible de faire un pas sans s'accrocher à
quelque chose. Et la plaisanterie dura une bonne heure jusqu'à
la côte enfin aperçue avec soulagement. Mer ! Mer
! s'écria le Junkers qui piqua littéralement
du nez vers des altitudes qu'il jugeait plus aéronautiques.
Il était ravi de revoir le bercail, cet avion. Ce qu'il
avait pu se trémousser jusqu'alors ne fut qu'un faible
aperçu de ce qu'il dansa - un rock'n roll - d'Ifni
à Agadir.
|
Trouvant cette danse fort
à son goût, et sûr d'arriver à bon
port, il décida qu'il était bien mieux en l'air
qu'au sol ! D'où cette discussion orageuse entre lui et
le pilote :
- Tu descends charogne, disait ce dernier en amorçant
son dernier virage ;
- Y a qu'à croire, répondait le Junkers,
en conservant son altitude ;
- Je te fous en glissade et tu verras bien, grogna le pilote
;
- Des prunes, ripostait le Junkers, qui se mit à
glisser gracieusement, mais sans perdre un poil d'altitude ;
- Je te bourre le nez dans le sol et tu seras bien obligé
de venir, cria le pilote ;
- Des clous, ricana le Junkers qui, le nez au sol et la
queue au ciel, continuait à jouer les planeurs.
Puis, il dut trouver ce jeu
lassant, car il finit par descendre quand même - et il
alla sagement se coucher.
L'équipage fourbu, transi, fut reçu à sa
sortie de l'avion par une averse glaciale.
C'était complet, maintenant, ils étaient crottés
et ne ramenaient pas un poil de gazelle.
Oui, ils revenaient
bien d'une expédition mémorable ! Mais pas du tout,
celle qu'ils avaient espérée
Source : René Bourneton,
pilote
(Signé EV1 Demarche pour le Périscope)
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