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C'était l'époque
où régnait l'insécurité dans le sud
marocain. René Bourneton pilote à la 56
S raconte : Nous ne pouvions descendre au-delà d'Inezgane
en raison de l'insécurité due à l'activité
de l'armée de libération marocaine (ALM).
Deux officiers des Affaires Indigènes avaient été
enlevés. Je décollais en JU 52 maintes fois
pour aller me poser sur des terrains non balisés au Sud
marocain (Akka, Tata, Foum El Hassan) sous le feu des rebelles
en vue de la libération des deux français et c'est
pendant ces évènements que j'ai eu quelques petits
soucis dus à un journaliste.
Ce dernier (Jean Larteguy, célèbre écrivain
et journaliste de France-Soir, Paris-Match, grand reporter à
Paris Presse) enquêtait sur la disparition du capitaine
René Moureau, officier des AI, chef de poste de Bou
Isakarn qui avait été enlevé le 23 juin
1956.
Le 3 juillet, une opération avait été
lancée localement à partir de Foum el Hassan où
se trouvaient encore stationnées des unités de
l'armée française pour tenter de retrouver le capitaine
Moureau.
Le 5 juillet, cette opération fut arrêtée
sur intervention directe des autorités marocaines qui
s'engagèrent à obtenir la libération du
capitaine dans les 48 h.
Le 20 octobre pas de nouvelle du capitaine, mais c'est
un deuxième officier français des AI qui fut enlevé
: le lieutenant Perrin parti lui aussi à la recherche
du capitaine Moureau.
Sept mois plus tard, ni le
capitaine, ni le lieutenant n'avaient réapparu. La presse
s'affaira ; le journaliste Jean Larteguy partit pour le
Maroc à la recherche des officiers disparus et rentra
le 20 mars 57. Le 29 mars 1957, le lieutenant
Perrin fut remis à l'ambassade de France à
Rabat par le prince MH. Le capitaine Moureau ne sera pas
revu vivant.
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Larteguy écrira "la Tragédie
du Maroc interdit" paru en 1957 concernant son enquête
au sujet de cette disparition.
C'est donc pendant ces évènements, raconte René
Bourneton, que j'ai eu quelques petits soucis. Larteguy
avait obtenu l'autorisation de faire partie de l'équipage
du légumier du 12 décembre 1956. La mission
se déroulait normalement sauf qu'à Fort-Trinquet,
15 jours avant notre arrivée, le bordj avait été
attaqué par des "rebelles" et depuis, il était
entouré d'une triple rangée de barbelés
laissant juste un passage pour mettre à l'abri les avions
en transit ; voie rendue un peu trop étroite pour le Junkers
qui s'écorcha l'aile gauche sur un piquet !
Bilan : une estafilade de 20 centimètres. Je demandais
au mécanicien Bartissol de mettre une rustine,
nous ne pouvions décoller dans cet état. Nous sommes
partis dans le bordj à la recherche d'une tôle ondulée
Nous sommes tombés en arrêt devant la porte d'une
tinette (WC des officiers) : juste ce qu'il fallait, vite fait
bien fait nous l'empruntons, la découpons, la vissons,
mastiquons
l'avion et son pansement étaient prêts
pour le retour du lendemain.
Six mois plus tard, le Pacha (LV d'Arcangues) se présenta
au bureau des vols, les mains derrière le dos, demandant
:
"- Quel pilote a effectué le vol du 12 décembre
?
- C'est moi, mon commandant.
- J'aimerais apprendre les incidents qui surviennent sur mes
avions par mes pilotes et non par les journalistes ", me
dit-il en sortant de derrière son dos "Le Maroc interdit",
dernier livre du journaliste Jean Larteguy.
Après lui avoir expliqué ce qu'il en était,
il me félicita pour ma mission. Je crois qu'il avait été
vexé car le journaliste lui avait décrit "
un vieil appareil tout rouillé ".

Source : René Bourneton,
pilote
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