Désigné
pour la B.A.N. d'Agadir, je rejoins le clan des radios volants
de la base, et pas l'une des deux formations, pourquoi cette
affectation ? Je ne tarde pas à en avoir l'explication.
Le patron des radios volants de la base est alors le MP Mallégol,
surnommé "l'Amiral", un vétéran
certifié à Hourtin en 1931 ; il est secondé
par le PM Gode et le SM Dejean, deux anciens de
la flottille 2FB Wellington, formés à la
Radio School de Madley au Royaume Uni, le maitre Bernard Ternisien,
engagé depuis 1944 comme moi, complète l'équipe.
Mon travail va consister à l'entretien et au dépannage
des ensembles VHF SCR 522 montés sur les MB 175. |
C'est une confidence
du MP Mallégol qui me donne la raison de mon affectation,
il m'apprend que le grand manitou des radios volants est à
l'époque l'OE2 Kléber Leymerigie, un vétéran
de sa génération, certifié à Hourtin
en 1929. Affecté au S.A.M.A.N. de Toussus-le-Noble, l'OE2
Leymerigie est très influent grâce à
ses relations avec le bureau des désignations ; il choisit
par avance les radios volants selon les besoins des formations,
mais aussi et surtout en fonction de leurs compétences
connues, critères qui ne font pas toujours l'affaire des
intéressés. Et c'est au vu de mon activité
dans le dépannage en Indochine, que je me retrouve désigné
pour l'atelier radio de la B.A.N et non pour une formation. |
A l'époque, sur les
B.A.N. qui abritent plusieurs formations, c'est une équipe
de radios volants dépendant des services techniques de
la base qui s'occupe de l'entretien et du dépannage des
matériels de bord des avions, et non les radios des formations.
Avec ces derniers,
nous assurons néanmoins la veille graphie à tour
de rôle sur la fréquence marine de C.O.M.A.R. Casablanca.
Elle est peu contraignante, et a lieu uniquement lors des vols
de liaison vers les autres bases, et lors des vols de recherche
S.A.M.A.R. effectuées par les Catalina de la 22.S.
Cette veille en graphie, se fait dans un petit PC radio, situé
dans le bâtiment des flottilles près de l'extrémité
Est de la piste.
Le matériel de réception se compose de deux récepteurs
de trafic RU-93 et RU-95, et pour l'émission, de deux
ensembles GO-9 de Catalina de 200 watts, montés à
poste fixe et commandés à distance par ligne filaire.
Ils sont situés dans le bâtiment des émetteurs,
dans un local contigu à l'atelier radio. |
En 1950, il n'y a pas encore de G.C.A. ni
d'I.L.S. sur le terrain d'Agadir, et les pilotes effectuent leur
percée et leur approche par variation de QDM envoyé
par un operateur radio au sol. En fin de journée, après
les derniers vols, le personnel de contrôle quitte la tour
de contrôle, sauf les jours d'arrivée du DC-3
d'Air Atlas en provenance de Casablanca qui se pose vers
21 h 00.
Le matériel radio de
la tour de contrôle, date en partie de la période
américaine et se résume alors à un simple
poste VHF de bord à quatre fréquences, et pour
la phonie à plus longue distance sur la fréquence
HF de 6440 KHz, d'un émetteur Collins Radio et d'un récepteur
BC-348 de C-47.
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Au début de l'année
1950, le personnel de service à la tour, continue
d'être assuré par un civil du Contrôle Régional,
en alternance avec un contrôleur Air, tous deux restés
en poste pour initier les marins de la B.A.N à ces nouvelles
tâches. La spécialité de Contrôleur
aérien n'étant pas encore créée,
des QM ou des matelots assurent le service sous la houlette d'Officiers
mariniers volants disponibles. Les infrastructures radio du terrain
d'Agadir de l'époque sont donc très sommaires,
mais suffisantes pour permettre aux MB 175 de la 6.F
et aux Catalina de la 22.S d'effectuer leurs missions.
Une nouvelle
tour de contrôle, est alors en cours de construction au-dessus
du bâtiment de commandement de la base.
Elle est mise en service en avril 1950, et comme les matériels
prévus en dotation ne sont pas encore livrés, la
liaison tour-PC/Ops par interphone n'est pas installée.
Le commandement fait alors appel aux radios volants de la B.A.N.
pour réaliser une liaison provisoire. |
Avec mon camarade
Bernard Ternisien, qui en fait le schéma, nous
utilisons le câblage d'un téléphone de bord
de récupération de PV-1 Ventura, des clés
téléphoniques provenant du standard de la base,
et de petits haut-parleurs réversibles en micro, achetés
dans le commerce local et montés dans de petits caissons
en contreplaqué. |

Cette installation
simple est rapidement fonctionnelle et donne aussitôt satisfaction.
Ce qui fait monter les auteurs de cette réalisation dans
l'estime du commandement. A partir de cette opération
réussie, au lieu d'effectuer la veille radio avec les
autres volants des escadrilles, je fais mon tour de service au
PC/Ops ; |
ainsi que
le SM Dejean. Bernard Ternisien, quitte Agadir
pour suivre son cours de Breveté Supérieur. Il
fera par la suite une belle carrière, et deviendra officier
des Equipages, c'est lui qui participera en 1961, à la
fermeture de la B.A.N Agadir ; il sera le dernier officier à
la quitter après sa cession aux Marocains. |
Mon activité sur les VHF des MB 175, installés
sous la verrière, juste derrière la tête
du pilote, consiste à les maintenir en état de
fonctionnement opérationnel. Ils nécessitent d'être
fréquemment démontés, car ils se dérèglent
à cause des vibrations. Toute nouvelle reprise des réglages
nécessite leur envoi à l'atelier, ce qui me fait
partager le travail des équipes de piste, et agrémente
mes journées, par une activité en plein air.

Des vols d'essai et de rodage
à la 6.F viennent aussi rompre mes activités
de dépannage et j'en suis satisfait. La découverte
en vol du Bloch 175 est une révélation pour
moi qui ne connait jusqu'alors que le Catalina, le Sea-Otter
et le Loire 130.
Je découvre avec intérêt
ce qu'est un bimoteur terrestre rapide et maniable, avec ses
qualités et ses défauts, il vole bien mieux quand
les moteurs Gnome et Rhône ne sont pas en
panne, et que le circuit hydraulique fonctionne, car en cas de
panne c'est le radio qui doit remettre de la pression dans le
circuit en manuvrant le levier d'une pompe à main
! A cette époque les équipements radar A.S.V. d'origine
britannique ne sont pas encore montés sur la plupart des
avions faute de disponibilité.
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Et de ce fait,
la lutte A.S.M. normalement vocation initiale de la flottille,
n'est pas encore au programme, les missions quotidiennes consistent
principalement en des vols d'entraînement en section, à
l'attaque au sol et au tir canon et roquettes. J'en fais quelques-unes, ces évolutions
aériennes, nouvelles pour moi, constituent une découverte
en matière de sensations physiques, sur le MB 175
le radio occupe le poste arrière, tourné vers l'empennage
à deux dérives, il dispose d'un champ de vision
central qui embrasse tout le paysage. Et selon les évolutions
parfois la terre défile au-dessous et parfois le ciel,
car le MB 175 vole très bien sur le dos. Les pilotes
prenant un malin plaisir à tirer tout ce qu'ils peuvent
de la manuvrabilité de l'appareil. De quoi mettre
l'estomac à rude épreuve et souvent au bord des
lèvres, |
Au mois d'août
1950, l'escadrille 55.S/ESM (École de Spécialisation
sur Multimoteurs) arrive de Port Lyautey, où elle a laissé
sa place à la flottille 2.F. L'arrivée des
Vickers-Armstrong Wellington et des Caudron Goéland
de cette escadrille, change la nature des travaux à l'atelier
radio, les ensembles TR.1155 et R.1154 Marconi s'ajoutent aux
SARAM 3.11 et aux matériels de bord des Catalina.
Pour les VHF dont j'ai la responsabilité, je dois faire
face à une charge de travail importante avec les VHF TR.1143
vétustes d'origine britannique qui datent de la 2ème
G.M. et équipent les Wellington. Le dépannage
se fait avec l'aide de quelques manuels britanniques disponibles,
jusqu'à l'arrivée du banc d'essais VHF en provenance
de Port-Lyautey.
Jusqu'à l'automne
1950, je continue
à voler à la 6.F, en alternance avec le
dépannage. Je garde d'excellents souvenirs des vols d'essais
et de rodage que nous accomplissons dans Sud marocain, entre
Foum-El- Hassane, Ouarzazate et l'Oued Dra, très souvent
à basse altitude pour regagner la base, le temps pour
moi tourné vers l'arrière, d'admirer les magnifiques
paysages qui défilent, faits de sable doré parsemé
de villages construits en terre ocre rouge, encadrés de
palmiers.
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C'est seulement
en novembre 1950 que je commence à faire les vols
d'essai et de rodage sur les Wellington et les Goéland
de la 55.S, ainsi que progressivement des vols d'entraînement
au pilotage, qui constituent la routine quotidienne de l'escadrille,
exercices peu contraignants et même un peu trop répétitifs
pour un radio volant.
Le 20 mars 1951, je grimpe pour un dernier vol de rodage
d'une heure dans un MB175, juste avant le départ
de la flottille 6.F pour la B.A.N Lartigue où elle
doit être transformée sur avion Grumman TBM Avenger.
Le 8 avril suivant, c'est au tour de l'escadrille 22.S
de rejoindre sa nouvelle base de rattachement, la B.A.N. Cuers
Pierrefeu.
Le 1er avril 1951, je suis promu au grade de maître,
et ce n'est pas un poisson d'avril, car le 16 juin 1951,
je suis désigné pour la Base Transit de Casablanca
dans le but d'y créer un magasin de pièces détachées
radio radar destinées aux Avro Lancaster WU (Western
Union) commandés en Angleterre. Une fois encore l'OE2
Leymerigie aura décidé non seulement de ma
nouvelle affectation, mais aussi de mon destin.
Mon séjour à Casablanca sera en fait de longue
durée et des plus agréables ; revenu à Agadir
au mois d'août 1961 pour me marier, je ne quitterai le
Maroc qu'à l'été 1955. |

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