Recherches sur l'origine et l'histoire d'Anza
Étymologie du toponyme Anza
 

 
Rechercher l'étymologie d'un toponyme c'est rechercher le sens initial, caché, voire perdu du mot ; c'est parfois voyager dans le temps à la recherche de l'histoire du lieu-dit comme celui d'Anza qui nous intéresse ici.

Pour des toponymes comme Aghezdiss (côte animale ou humaine), Ighir (épaulement), Aghroud (dorsale rocheuse), Imi (embouchure), etc., le lien entre le nom du lieu (en tachelhit ou en arabe) et la structure géographique s'établit facilement.
Pour d'autres noms comme celui d'Anza d'autres recherches sont nécessaires.

La légende attribue l'injonction Amzat (" Attrapez-le ") des cavaliers maures lors des combats avec les Portugais au XVIème siècle comme étant à l'origine du mot Anza.
Mbark Foques, enseignant chercheur à Agadir, préfère quant à lui avoir recours à l'origine portugaise du toponyme. Le mot Anza pourrait être traduit en français par anse ou havre dans le sens de port naturel. En langue amazigh on le traduit par : Aftas et en arabe par : Marsa.

Les Portugais qui occupèrent nombre de lieux de la côte marocaine au XVe et XVIe siècles ont nommé les lieux qu'ils fréquentaient soit en créant des mots nouveaux soit en les transformant (Santa-Cruz de Cabo de Gué, Founti (en lien avec founte : fontaine en portugais), Arsila pour Assila, Guz pour Mogador).
Le nom d'Anza apparaît dans les écrits concernant l'occupation portugaise du littoral marocain au XVIe siècle et en particulier dans la Chronique de l'anonyme portugais qui vécut à Santa-Cruz : "Chronique de Santa-Cruz de Cap de Gué (Agadir)" texte portugais du XVIe siècle, traduit et annoté par P. de Cénival en 1934.

On trouve dans ce texte, le lieu Anza cité à trois reprises :

1) "Anza est le nom de la plaine qui s'étend en une bande étroite le long de la mer, au nord d'Agadir" avec une erreur du copiste p. 40 : "ponta da Cuza" au lieu de "ponta d'Anza" (pointe d'Anza) comme écrit plus loin p. 50 (P. de Cénival, nb 2, pp. 40-41).


2) "Le capitaine envoya deux barques avec des berches [petites bouches à feu dont on armait les embarcations] à la pointe d'Anza [da ponta d'Anza, p. 50] pour les secourir et pour tirer sur les Maures qui allaient dans la plaine d'Anza [varzea d'Anza], afin de les mettre en fuite et de nettoyer la plaine " (ibidem, pp. 50-51).


3) "Ils établirent leur camp du côté de la pointe d'Anza [da ponta d'Anza, ibidem, p. 88], derrière le château, en une grande et large plaine très unie, où le bourg ne pouvait leur faire aucun mal avec son artillerie, parce qu'il était situé au pied du Pic, le long de la mer qui battait le château, et qu'il se trouvait plus bas que la plaine (v°) et celle-ci était masquée par un contrefort du Pic" (ibidem, pp. 88-89).
 

 

 
Historique d'Anza

La Chronique portugaise nous permet d'évoquer l'histoire d'Anza au XVIe siècle durant l'occupation portugaise (1505-1541) de Santa-Cruz.
Mbark Foques rappelle que les villages du Souss étaient la cible de razzias perpétrées par les Portugais ou leurs alliés castillans des Canaries. Selon lui, le port d'Anza comme celui de Tafdna (Tafedney) servaient de point d'attache aux caravellas lusitaniennes qui venaient capturer des villageois des tribus du Souss pour exploiter des terres et mines aux Canaries et au Brésil ; quant aux femmes, elles étaient exportées vers Lisbonne pour servir dans les domaines seigneuriaux.
En ce temps-là, Anza était déjà un port de pêche artisanal. La pêche à Anza constituait une activité qui remonte à la nuit des temps, permettant aux Soussi de faire face aux épidémies, sécheresses et famines récurrentes tous les 10 ou 15 ans selon Léon L'Africain.

1529 : Bataille à la pointe d'Anza et dans la plaine entre les Portugais et les Ida Outanane

La Chronique portugaise fait le récit de ce qui s'est passé en 1529 à la pointe et dans la plaine d'Anza. La garnison portugaise avait l'habitude d'effectuer des razzias dans les bourgs environnants. Le gouverneur de la place Luis Sacoto envoya en expédition une soixantaine d'hommes sous les ordres de Francisco Romeiro pour razzier les douars rebelles des Ida Outanane. L'expédition partit de nuit sans rencontrer de difficultés. Mais sur le chemin de retour, elle tomba dans une embuscade préparée par les hommes et alliés du caïd Tanani Ambar Mansour Attanani. Ces derniers qui étaient au nombre de 300 cavaliers et 600 hommes de pieds se placèrent entre le Cap de Gué et les Portugais, leur coupant la route. Le combat eut lieu sur le mont Taddart. Pour venir en renfort à ses hommes, le gouverneur portugais, envoya à la pointe d'Anza deux embarcations armées de berches pour bombarder et stopper l'arrivée des cavaliers du caïd de Tamraght Sidi Yacoub venus grossir le camp d'Ambar Mansour. Mais les Portugais voyant arriver les barques, se débandèrent, descendirent de la montagne dans l'intention de les rejoindre au plus vite. L'ultime bataille se serait déroulée "à la pointe d'Anza" nous dit Mbark Foques, près du cimetière où est enterré le marabout Sidi Sahnoun, saint des Regraga, protecteur de la mer et des marins pêcheurs selon la légende.
La bataille d'Anza se termina par un massacre ; 51 hommes périrent sur les 60 de l'expédition portugaise. Le roi du Portugal avisé de ce désastre, investit Simão Gonçalves da Costa comme gouverneur en remplacement de Luis Sacoto qui fut mis aux fers et envoyé dans les prisons de Lisbonne (Chronique ibidem, pp. 46-55).

1525 - Combat et mort du caïd Malek Ben Daoud à la pointe d'Anza

En 1525, la plaine d'Anza connut un événement qui bouleversa la situation en faveur des Saadiens dans leur combat contre les Portugais. Le caïd de la tribu de Massa, Malek Ben Daoud, allié des Portugais, se trouva piégé et ses hommes décimés lors d'une attaque menée conjointement par le caïd d'Azrou (Azuro, Azero) et le caïd de Tamraght. Le caïd Malek fut tué alors qu'il venait secourir les siens qui se battaient à la pointe d'Anza. La situation des Portugais se trouva considérablement affaiblie par la perte de cet allié (ibidem, pp. 40-41).

1525-1541 - Les combats des Saadiens dans la plaine d'Anza

Les combats menés par les Saadiens contre les Portugais de 1525 à 1541 se préparèrent près de Taddart. D'après la Chronique, les Saadiens "établirent leur camp du côté de la Pointe d'Anza, derrière le château, en une grande et large plaine très unie, où le bourg ne pouvait leur faire aucun mal avec son artillerie, parce qu'il était situé au pied du Pic, le long de la mer qui battait le château et qu'il se trouvait plus bas que la plaine et celle-ci était masquée par un contrefort du Pic" (ibidem, pp. 88-89). Selon Mbark Foques, le quartier général du sultan saadien Mohamed Ech-Cheikh aurait été établi là où se trouve actuellement la base navale de la Marine royale (Mbark Foques, Chronologie succincte de l'histoire d'Anza, nb 9, Thèse de Master en Histoire, 2012).
Ces combats aboutirent à la chute de Santa-Cruz le 12 mars 1541.
"Date importante, nous dit P. de Cénival : celle du premier craquement dans l'armature du Maroc portugais" (ibidem, p. 19).

XVIIe et XVIIIe s. - Route des caravanes

Les chroniques des XVIIe et XVIIIe s. cessèrent d'évoquer Anza mais nous savons que les caravanes constituées à Mogador en direction du Soudan passaient par cette plaine.

Anza sous le Protectorat français

Anza fut un port de pêche artisanal (pêche à la ligne et pêche en barque ou pirogue berbère connue sous le nom d'"Aghrrabou"). Le grand réveil nous dit Mbark Foques se produisit au cours du Protectorat français (1912-1956). Les études précoloniales effectuées révélèrent la richesse de la région du Souss sur le plan de la pêche, des mines et des carrières.
La première cimenterie verra le jour à Anza en 1952.
Les eaux poissonneuses attirèrent rapidement les ateliers de salaison. C'est toute une industrie qui prospéra entrainant un flux migratoire important autour du marabout de Sidi Sahnoun, noyau de la future ville d'Anza.
 

 
 
Nous remercions Mbark Foques, enseignant chercheur, pour son aide qui nous a permis d'établir une Chronologie de l'histoire d'Anza ainsi que l'origine portugaise du nom (Mbark Foques, Précis de l'histoire des ports naturels du Sud marocain entre le XVIe et le XIXe siècle, Thèse de master en Histoire présentée à la Faculté des Lettres d'Agadir le 1 juillet 2012).