Le Maroc est situé dans une zone de collision continentale
due au rapprochement des plaques tectoniques Afrique-Europe dont
les contraintes sont principalement absorbées par la chaine
atlasique et le Rif.
Agadir se situe sur le versant Sud et à l'extrémité
occidentale de la grande chaîne atlasique (Haut Atlas ou
Atlas saharien) qui de l'Atlantique au golfe de Gabès
traverse toute l'Afrique du Nord. La ville se trouve placée
sur l'accident tectonique portant le nom d'accident sud-atlasique
qu'on peut suivre du golfe de Gabès à Agadir.
Cet accident traduit à cet endroit la discontinuité
qui sépare la chaine du Haut-Atlas reprise par les mouvements
alpins, de l'Anti-Atlas zone à substratum précambrien
rigide appartenant au bouclier saharien.
Accidents principaux
de la région d'Agadir |
Aux environs d'Agadir, l'accident sud-atlasique se divise
en 2 branches qui sont des flexures (brusques changements
de pendage selon une surface déterminée sans rupture).
Les grands accidents tectoniques de la région d'Agadir
sont principalement les deux grandes flexures qui limitent
la zone pré-atlasique méridionale définie
par Robert Ambroggi (ingénieur géologue
en chef à la Direction des Mines du Maroc) :
- Flexure nord-atlasique (accident sud-atlasien)
- Flexure sud-atlasique (accident pré-atlasien méridional)
Ces deux accidents, nous dit le géologue Ambroggi,
se confondent par endroits, jalonnent sur 2.000 km la bordure
méridionale du Haut-Atlas marocain et de l'Atlas saharien
d'Agadir à Gabès ; ils se prolongent sous l'Océan
atlantique en direction des Iles Canaries, témoins volcaniques
qui ont connu des éruptions au cours des siècles
passés (R. Ambroggi, Rapport géologique, mars
1960, Séisme d'Agadir (29 février 1960 à
23 h 41), 1961.
Ces accidents de direction générale ENE-WSW se
présentent sous forme de flexures de style tectonique
souple. Ils se sont amorcés lors du soulèvement
du pli de fond atlasique et sont encore vivants.

Contrairement aux accidents principaux précédents,
des accidents plus récents se présentent sous forme
de failles (cassures dans l'écorce terrestre accompagnées
d'un mouvement relatif (jeu) des deux compartiments qu'elles
déterminent), orientées NE-SW, de largeur faible
entre les lèvres (maximum de 1 à 5 m). À
Agadir même, la flexure sud-atlasique est compliquée
par un système de failles ou "failles des sources
d'Agadir" ou "failles du Tildi" (Duffaud,
p. 6). Ces failles sont localisées dans la zone pré-atlasique
méridionale décrite par Ambroggi.
Ce sont d'Ouest en Est :
- La faille de la Kasbah,
- La faille du Tildi,
- La faille du Lahouar.
La première des failles obliques (SW-NE) qui affectent
cette région est la faille de la Kasbah qui coupe l'anticlinal
du même nom au niveau du village d'Adouar. La seconde est
la faille du Tildi qui traverse de part en part
l'anticlinal des Aït Lamine.
Ces accidents ont pour effet de couper et de décrocher
les deux accidents principaux ainsi que les axes tectoniques
de la zone pré-atlasique. La conjugaison de ces 2 systèmes
d'accidents entraîne le découpage de la zone pré-atlasique
en 3 secteurs d'Ouest en Est :
- Le secteur occidental des Aït Lamine,
- Le secteur central d'Anounfeg,
- Le secteur oriental de Tagragra.
La faille de la Kasbah commence à 2 km au nord
de la Kasbah et se poursuit en direction de l'Atlantique au SW
en passant par le col de la Kasbah, au voisinage immédiat
d'Igoudar et vient recouper en mer la pointe turonnienne du port
d'Agadir.
La faille du Tildi a son origine à l'Adrar n'Oulma
(secteur occidental de l'anticlinal du Lgouz), se poursuit en
direction du SW, franchit l'Assif Assersif, atteint l'Oued Tildi
et ce confond avec lui jusqu'à son embouchure. Elle passe
par le quartier de Yachech et constitue la limite entre
le Quartier Administratif et la Ville Nouvelle d'Agadir.
La faille du Lahouar est jalonnée par l'Oued Lahouar
orienté NE-SW depuis son origine à Agadir Lrhazi
sur le flanc sud de l'anticlinal du Lgouz jusqu'au voisinage
de son embouchure. Elle a une longueur visible de 10 km dans
la zone pré-atlasique. Sa trace se confond approximativement
avec la limite SE du Quartier Industriel.
L'âge de ces accidents a pu être déterminé
avec précision dans cette région : formés
au cours de l'orogénèse fin pliocène, ils
ont rejoué à la fin du Villafranchien.
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Anticlinal de la Kasbah
Sur les flancs Nord et Sud du dôme de l'anticlinal des
Aït Lamine compris entre l'Océan et la faille du
Tildi, les couches sont ployées à la verticale.
Sur cet anticlinal sont construits les douars de Taddert, Igoudar,
Aït Lamine (Tagadirt), Aït Chleuh, Ifourirène,
Aït Mohand.
L'axe de l'anticlinal des Aït Lamine se complique vers le
sud, du repli constitué par l'anticlinal de la Kasbah,
très aigu et presque chevauchant sur la plaine du Souss.
Sur le rivage, entre les pointes de Sahnoun et d'Aghezdis, à
2 km au NW d'Agadir, le léger synclinal d'Anza
affecte la voûte anticlinale d'Aït Lamine suivi au
sud du brachyanticlinal d'Agadir-Kasbah ; large de 1 km,
celui-ci s'étend sur 3,5 km de longueur depuis l'Océan
en direction NE puis E. Une faille parallèle prend en
écharpe et décroche de 1.200 m en plan l'axe anticlinal
; au Nord de Talborjt, une autre faille de moindre importance
décroche encore mais légèrement son axe.
Cet anticlinal, est surmonté en discordance par des placages
de grès. |
Épicentre et carte des isoséistes
Selon le Pr Rothé le séisme d'Agadir
a été causé par un mouvement qui s'est produit
à 2 ou 3 km de profondeur au sein de la zone pré-atlasique.
Ce mouvement a entrainé une amorce de rupture le long
de la flexure sud-atlasique qui a joué le rôle
de charnière entre l'Atlas plissé et la fosse de
subsidence de la plaine du Souss (Rothé, p. 15). "C'est
un point situé à 1 km environ au N du faubourg
de Yachech. Nous considérons que ce point moyen représente
l'épicentre avec une approximation de l'ordre du
kilomètre" (Rothé cité par Benjelloun
et Droval). La profondeur du foyer fut estimée à
2 ou 3 kilomètres d'où l'ampleur des dégâts.
Ambroggi a situé quant à lui l'épicentre
du séisme à la Kasbah même ou légèrement
au S-W soit à l'intersection de l'accident pré-atlasique
et de la faille de la Kasbah, très près du rivage.
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Isoséistes
L'effet du séisme, en un point donné, fut évalué
par sa position par rapport à l'épicentre ; dans
l'échelle des magnitudes de Richter, les résultats
suivants se rapportent aux différents quartiers d'Agadir
: l'échelle X étant la plus importante avec
des destructions totales.
Founti, Kasbah, Yachech, Talborjt
: X
Plateau administratif et Ville Nouvelle ... : IX
Anza - Aghezdis
: VIII
Quartier industriel Sud
: VII
Khiam
: VI - VII
Villages et bourgs situés au Sud-Est d'Agadir :
Ben Sergao
: VI - VII
Inezgane
: VI
Aït-Melloul
: V
La Kasbah fut détruite à quasiment 100%. Seules
une ou deux constructions dont l'école résistèrent
au séisme.
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Destructions
Les destructions importantes produites par le séisme du
29 février 1960 qui rappelons-le était de magnitude
modérée 5,7 sur l'échelle de Richter,
sont en rapport avec ces accidents.
Les destructions majeures ont concerné la zone particulière
dite "pré-atlasique" décrite par
R. Ambroggi dans laquelle se trouvaient les quartiers d'Anza,
Aghezdis, Kasbah, Iachech, Founti, Talborjt et Quartier Administratif.
La Ville Nouvelle et le Quartier Industriel Sud
sont situés dans la zone synclinale du Souss.
Le Front de mer d'Agadir occupe une position particulière
débute dans la zone pré-atlasique et se poursuit
dans la zone synclinale du Souss.
Les destructions ont été maximales le long de
la flexure sud d'Agadir (accident pré-atlasien méridional)
jalonnée au N (et d'E en W) par la pointe rocheuse du
Port, la Kasbah, le ravin Nord de Talborjt, les maisons Nord
de Yachech et au Sud par le ravin de Tildi (c'est-à-dire
la faille de Tildi) "qui prend en écharpe la flexure
et la coupe au biseau, la pointe du biseau étant matérialisée
par Yachech" (Rapport Ambroggi).
Les destructions ont concerné l'anticlinal de la Kasbah,
les quartiers d'Agadir adossés à la branche
sud de la flexure et le village de Yachech adossé
à cette flexure et à la faille du Tildi
qui la relaie (G. Choubert et A. Faure-Muret, p. 64).
La zone synclinale du Souss semble avoir joué le rôle
d'amortisseur, puisque les destructions n'ont été
sensibles qu'au voisinage immédiat de la zone pré-atlasique.
La zone pré-atlasique a "encaissé"
les secousses destructrices dans toute sa largeur (10 à
12 km du N au S) entre l'accident sud-atlasien et l'accident
pré-atlasien méridional et sur une longueur
de 15 km d'W en E.
Les deux accidents principaux : sud-atlasien et pré-atlasien
méridional ont limité le séisme destructeur
à la zone pré-atlasique. Deux des trois
accidents secondaires (faille du Tildi et faille du
Lahouar) ont fait écran à la propagation des
ondes longitudinales à l'intérieur de la zone
pré-atlasique : celle de Tildi en faisant des victimes,
celle de Lahouar en les arrêtant.
Données macrosismiques et
du mécanisme au foyer du séisme d'Agadir du 29
février 1960
(Taj-Eddine Cherkaoui et Fida Medina, 1988) |

La zone où ont été observées
les intensités maximales du séisme est géologiquement
complexe.
On y distingue 3 compartiments séparés par
2 accidents de direction NE-SW : les failles de la Kasbah
et les failles de l'oued Tildi
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1-Le compartiment NW : comprend des couches monoclinales
à faible pendage vers le NW avec une faille NE-SW
(F1 sur la figure 1A) parallèle à la faille
de la Kasbah, à jeu apparemment normal affaissant le compartiment
SE. Elle semble affecter le Pliocène et serait récente.
2- Le compartiment central : est plus complexe. Il abrite
un synclinal d'axe N100 au N, puis l'anticlinal aigu
de la Kasbah d'axe N070 plus au sud (AK sur la figure
1A). Le flanc méridional de ce dernier est redressé
et affecté par des failles longitudinales (figure
1B) mettant parfois en contact le Crétacé et le
Pliocène. D'autres failles, orientées NW-SE sont
indiquées sur la carte géologiques d'Agadir (Ambroggi)
sans que l'on soit sûr de leurs existence réelle
(Cherkaoui, 60)
3- Le compartiment SE : il est simple et monoclinal avec
des couches à pendage sud
La structure la plus affectée par le séisme
se résume donc à un compartiment central "
pincé " entre 2 accidents :
- au NW : une faille inverse à pendage sud ;
- au SE : un ensemble complexe de failles à pendage
nord (fig. 1B)
En plus du jeu inverse, il paraît exister une importante
composante en décrochement, sénestre (gauche)
pour la faille du Tildi et dextre (droit) pour la faille
de la Kasbah.
La complexité de ces structures s'explique par l'existence
de phases compressives superposées (Medina, 1985 et 1986)
dont les dernières se traduisent par l'étagement
différentiel de terrasses marines le long de la côte
atlantique.
Mécanisme focal
Le fait qu'aucune faille n'ait été observée
le long de l'axe de l'anticlinal de la Kasbah (AK)
suggère que le foyer était localisé sur
le plan des failles affectant le flanc sud de l'anticlinal,
et se prolongeant sous l'axe de ce dernier. Selon Cherkaoui,
la faille inverse préexistante (fig. 1B) aurait
rejoué lors du séisme en décrochement dextre
à composante inverse (Cherkaoui, 62).
Carte des isoséistes
Cherkaoui et coll ont utilisé l'échelle M.S.K.
qui tient compte du type et de la qualité de la construction
pour réévaluer les intensités locales
au lieu de l'échelle Mercalli modifiée utilisée
par Ambroggi, Debrach et Rothé.
La carte des isoséistes d'Agadir même et de ses
proches environs, établie par Choubert et Faure-Muret
d'après leurs propres observations des effets du séisme
sur le terrain n'a été modifiée que pour
l'isoséiste VI (Arhoud-Ida Outanane- Biougra) (p. 54).
Évaluation de la profondeur (Hypocentre)
En utilisant la relation de Sponheuer-Koveligethy, la profondeur
a été trouvée à :
- 1,4 km (plus ou moins 0,2 km)
-1 km (plus ou moins 5,8 km)
Mécanisme au foyer
Le mécanisme au foyer proposé montre que le séisme
d'Agadir semble lié au rejeu en décrochement
dextre d'une faille préexistante NSW.
Le mécanisme focal s'intègrerait bien selon
ces auteurs dans le modèle d'une avancée de l'Afrique
du Nord vers le NW par rapport à l'Ibérie comme
le suggèrent les autres mécanismes focaux déterminés
au Maroc et en Algérie
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Sources :
R. Ambroggi, Rapport géologique, mars 1960, Séisme
d'Agadir (29 février 1960 à 23 h 41) 1961.
Rothé, Le séisme d'Agadir et la sismicité
du Maroc
Rothé, Le tragique bilan des séismes de 1960
incombe en grande partie à la mauvaise qualité
des constructions.
Taj-Eddine Cherkaoui et Fida Medina, Données macrosismiques
et du mécanisme au foyer du séisme d'Agadir du
29 février 1960, 1988
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