Comparaison des effets du séisme du 29 février 1960 à Agadir
avec les structures tectoniques

 

Le Maroc est situé dans une zone de collision continentale due au rapprochement des plaques tectoniques Afrique-Europe dont les contraintes sont principalement absorbées par la chaine atlasique et le Rif.
Agadir se situe sur le versant Sud et à l'extrémité occidentale de la grande chaîne atlasique (Haut Atlas ou Atlas saharien) qui de l'Atlantique au golfe de Gabès traverse toute l'Afrique du Nord. La ville se trouve placée sur l'accident tectonique portant le nom d'accident sud-atlasique qu'on peut suivre du golfe de Gabès à Agadir. Cet accident traduit à cet endroit la discontinuité qui sépare la chaine du Haut-Atlas reprise par les mouvements alpins, de l'Anti-Atlas zone à substratum précambrien rigide appartenant au bouclier saharien.

  Accidents principaux de la région d'Agadir

Aux environs d'Agadir, l'accident sud-atlasique se divise en 2 branches qui sont des flexures (brusques changements de pendage selon une surface déterminée sans rupture).
Les grands accidents tectoniques de la région d'Agadir sont principalement les deux grandes flexures qui limitent la zone pré-atlasique méridionale définie par Robert Ambroggi (ingénieur géologue en chef à la Direction des Mines du Maroc) :

  • Flexure nord-atlasique (accident sud-atlasien)
  • Flexure sud-atlasique (accident pré-atlasien méridional)

Ces deux accidents, nous dit le géologue Ambroggi, se confondent par endroits, jalonnent sur 2.000 km la bordure méridionale du Haut-Atlas marocain et de l'Atlas saharien d'Agadir à Gabès ; ils se prolongent sous l'Océan atlantique en direction des Iles Canaries, témoins volcaniques qui ont connu des éruptions au cours des siècles passés (R. Ambroggi, Rapport géologique, mars 1960, Séisme d'Agadir (29 février 1960 à 23 h 41), 1961.
Ces accidents de direction générale ENE-WSW se présentent sous forme de flexures de style tectonique souple. Ils se sont amorcés lors du soulèvement du pli de fond atlasique et sont encore vivants.


  Accidents secondaires


Contrairement aux accidents principaux précédents, des accidents plus récents se présentent sous forme de failles (cassures dans l'écorce terrestre accompagnées d'un mouvement relatif (jeu) des deux compartiments qu'elles déterminent), orientées NE-SW, de largeur faible entre les lèvres (maximum de 1 à 5 m). À Agadir même, la flexure sud-atlasique est compliquée par un système de failles ou "failles des sources d'Agadir" ou "failles du Tildi" (Duffaud, p. 6). Ces failles sont localisées dans la zone pré-atlasique méridionale décrite par Ambroggi.

 Ce sont d'Ouest en Est :

  • La faille de la Kasbah,
  • La faille du Tildi,
  • La faille du Lahouar.

La première des failles obliques (SW-NE) qui affectent cette région est la faille de la Kasbah qui coupe l'anticlinal du même nom au niveau du village d'Adouar. La seconde est la faille du Tildi qui traverse de part en part l'anticlinal des Aït Lamine.
Ces accidents ont pour effet de couper et de décrocher les deux accidents principaux ainsi que les axes tectoniques de la zone pré-atlasique. La conjugaison de ces 2 systèmes d'accidents entraîne le découpage de la zone pré-atlasique en 3 secteurs d'Ouest en Est :

  • Le secteur occidental des Aït Lamine,
  • Le secteur central d'Anounfeg,
  • Le secteur oriental de Tagragra.

La faille de la Kasbah commence à 2 km au nord de la Kasbah et se poursuit en direction de l'Atlantique au SW en passant par le col de la Kasbah, au voisinage immédiat d'Igoudar et vient recouper en mer la pointe turonnienne du port d'Agadir.
La faille du Tildi a son origine à l'Adrar n'Oulma (secteur occidental de l'anticlinal du Lgouz), se poursuit en direction du SW, franchit l'Assif Assersif, atteint l'Oued Tildi et ce confond avec lui jusqu'à son embouchure. Elle passe par le quartier de Yachech et constitue la limite entre le Quartier Administratif et la Ville Nouvelle d'Agadir.
La faille du Lahouar est jalonnée par l'Oued Lahouar orienté NE-SW depuis son origine à Agadir Lrhazi sur le flanc sud de l'anticlinal du Lgouz jusqu'au voisinage de son embouchure. Elle a une longueur visible de 10 km dans la zone pré-atlasique. Sa trace se confond approximativement avec la limite SE du Quartier Industriel.
L'âge de ces accidents a pu être déterminé avec précision dans cette région : formés au cours de l'orogénèse fin pliocène, ils ont rejoué à la fin du Villafranchien.

 Anticlinal de la Kasbah
Sur les flancs Nord et Sud du dôme de l'anticlinal des Aït Lamine compris entre l'Océan et la faille du Tildi, les couches sont ployées à la verticale. Sur cet anticlinal sont construits les douars de Taddert, Igoudar, Aït Lamine (Tagadirt), Aït Chleuh, Ifourirène, Aït Mohand.
L'axe de l'anticlinal des Aït Lamine se complique vers le sud, du repli constitué par l'anticlinal de la Kasbah, très aigu et presque chevauchant sur la plaine du Souss.
Sur le rivage, entre les pointes de Sahnoun et d'Aghezdis, à 2 km au NW d'Agadir, le léger synclinal d'Anza affecte la voûte anticlinale d'Aït Lamine suivi au sud du brachyanticlinal d'Agadir-Kasbah ; large de 1 km, celui-ci s'étend sur 3,5 km de longueur depuis l'Océan en direction NE puis E. Une faille parallèle prend en écharpe et décroche de 1.200 m en plan l'axe anticlinal ; au Nord de Talborjt, une autre faille de moindre importance décroche encore mais légèrement son axe. Cet anticlinal, est surmonté en discordance par des placages de grès.


 Épicentre et carte des isoséistes

Selon le Pr Rothé le séisme d'Agadir a été causé par un mouvement qui s'est produit à 2 ou 3 km de profondeur au sein de la zone pré-atlasique. Ce mouvement a entrainé une amorce de rupture le long de la flexure sud-atlasique qui a joué le rôle de charnière entre l'Atlas plissé et la fosse de subsidence de la plaine du Souss (Rothé, p. 15). "C'est un point situé à 1 km environ au N du faubourg de Yachech. Nous considérons que ce point moyen représente l'épicentre avec une approximation de l'ordre du kilomètre" (Rothé cité par Benjelloun et Droval). La profondeur du foyer fut estimée à 2 ou 3 kilomètres d'où l'ampleur des dégâts.

Ambroggi a situé quant à lui l'épicentre du séisme à la Kasbah même ou légèrement au S-W soit à l'intersection de l'accident pré-atlasique et de la faille de la Kasbah, très près du rivage.

 Isoséistes
L'effet du séisme, en un point donné, fut évalué par sa position par rapport à l'épicentre ; dans l'échelle des magnitudes de Richter, les résultats suivants se rapportent aux différents quartiers d'Agadir : l'échelle X étant la plus importante avec des destructions totales.

Founti, Kasbah, Yachech, Talborjt …… : X
Plateau administratif et Ville Nouvelle ... : IX

Anza - Aghezdis ……………………… : VIII
Quartier industriel Sud………………… : VII
Khiam………………………………… : VI - VII

Villages et bourgs situés au Sud-Est d'Agadir :
Ben Sergao…………………………… : VI - VII
Inezgane ……………………………… : VI
Aït-Melloul …………………………… : V

La Kasbah fut détruite à quasiment 100%. Seules une ou deux constructions dont l'école résistèrent au séisme.

 Destructions
Les destructions importantes produites par le séisme du 29 février 1960 qui rappelons-le était de magnitude modérée 5,7 sur l'échelle de Richter, sont en rapport avec ces accidents.
Les destructions majeures ont concerné la zone particulière dite "pré-atlasique" décrite par R. Ambroggi dans laquelle se trouvaient les quartiers d'Anza, Aghezdis, Kasbah, Iachech, Founti, Talborjt et Quartier Administratif.
La Ville Nouvelle et le Quartier Industriel Sud sont situés dans la zone synclinale du Souss.
Le Front de mer d'Agadir occupe une position particulière débute dans la zone pré-atlasique et se poursuit dans la zone synclinale du Souss.
Les destructions ont été maximales le long de la flexure sud d'Agadir (accident pré-atlasien méridional) jalonnée au N (et d'E en W) par la pointe rocheuse du Port, la Kasbah, le ravin Nord de Talborjt, les maisons Nord de Yachech et au Sud par le ravin de Tildi (c'est-à-dire la faille de Tildi) "qui prend en écharpe la flexure et la coupe au biseau, la pointe du biseau étant matérialisée par Yachech" (Rapport Ambroggi).
Les destructions ont concerné l'anticlinal de la Kasbah, les quartiers d'Agadir adossés à la branche sud de la flexure et le village de Yachech adossé à cette flexure et à la faille du Tildi qui la relaie (G. Choubert et A. Faure-Muret, p. 64).
La zone synclinale du Souss semble avoir joué le rôle d'amortisseur, puisque les destructions n'ont été sensibles qu'au voisinage immédiat de la zone pré-atlasique. La zone pré-atlasique a "encaissé" les secousses destructrices dans toute sa largeur (10 à 12 km du N au S) entre l'accident sud-atlasien et l'accident pré-atlasien méridional et sur une longueur de 15 km d'W en E.
Les deux accidents principaux : sud-atlasien et pré-atlasien méridional ont limité le séisme destructeur à la zone pré-atlasique. Deux des trois accidents secondaires (faille du Tildi et faille du Lahouar) ont fait écran à la propagation des ondes longitudinales à l'intérieur de la zone pré-atlasique : celle de Tildi en faisant des victimes, celle de Lahouar en les arrêtant.

 

Données macrosismiques et du mécanisme au foyer du séisme d'Agadir du 29 février 1960
(Taj-Eddine Cherkaoui et Fida Medina, 1988)
 
 


 La zone où ont été observées les intensités maximales du séisme est géologiquement complexe.
On y distingue 3 compartiments séparés par 2 accidents de direction NE-SW : les failles de la Kasbah et les failles de l'oued Tildi
 
.

1-Le compartiment NW : comprend des couches monoclinales à faible pendage vers le NW avec une faille NE-SW (F1 sur la figure 1A) parallèle à la faille de la Kasbah, à jeu apparemment normal affaissant le compartiment SE. Elle semble affecter le Pliocène et serait récente.

2- Le compartiment central : est plus complexe. Il abrite un synclinal d'axe N100 au N, puis l'anticlinal aigu de la Kasbah d'axe N070 plus au sud (AK sur la figure 1A). Le flanc méridional de ce dernier est redressé et affecté par des failles longitudinales (figure 1B) mettant parfois en contact le Crétacé et le Pliocène. D'autres failles, orientées NW-SE sont indiquées sur la carte géologiques d'Agadir (Ambroggi) sans que l'on soit sûr de leurs existence réelle (Cherkaoui, 60)

3- Le compartiment SE : il est simple et monoclinal avec des couches à pendage sud

La structure la plus affectée par le séisme se résume donc à un compartiment central " pincé " entre 2 accidents :

- au NW : une faille inverse à pendage sud ;
- au SE : un ensemble complexe de failles à pendage nord (fig. 1B)

En plus du jeu inverse, il paraît exister une importante composante en décrochement, sénestre (gauche) pour la faille du Tildi et dextre (droit) pour la faille de la Kasbah.
La complexité de ces structures s'explique par l'existence de phases compressives superposées (Medina, 1985 et 1986) dont les dernières se traduisent par l'étagement différentiel de terrasses marines le long de la côte atlantique.

Mécanisme focal
Le fait qu'aucune faille n'ait été observée le long de l'axe de l'anticlinal de la Kasbah (AK) suggère que le foyer était localisé sur le plan des failles affectant le flanc sud de l'anticlinal, et se prolongeant sous l'axe de ce dernier. Selon Cherkaoui, la faille inverse préexistante (fig. 1B) aurait rejoué lors du séisme en décrochement dextre à composante inverse (Cherkaoui, 62).

Carte des isoséistes
Cherkaoui et coll ont utilisé l'échelle M.S.K. qui tient compte du type et de la qualité de la construction pour réévaluer les intensités locales au lieu de l'échelle Mercalli modifiée utilisée par Ambroggi, Debrach et Rothé.
La carte des isoséistes d'Agadir même et de ses proches environs, établie par Choubert et Faure-Muret d'après leurs propres observations des effets du séisme sur le terrain n'a été modifiée que pour l'isoséiste VI (Arhoud-Ida Outanane- Biougra) (p. 54).

Évaluation de la profondeur (Hypocentre)
En utilisant la relation de Sponheuer-Koveligethy, la profondeur a été trouvée à :

- 1,4 km (plus ou moins 0,2 km)
-1 km (plus ou moins 5,8 km)

Mécanisme au foyer
Le mécanisme au foyer proposé montre que le séisme d'Agadir semble lié au rejeu en décrochement dextre d'une faille préexistante NSW.

Le mécanisme focal s'intègrerait bien selon ces auteurs dans le modèle d'une avancée de l'Afrique du Nord vers le NW par rapport à l'Ibérie comme le suggèrent les autres mécanismes focaux déterminés au Maroc et en Algérie

Sources :
R. Ambroggi, Rapport géologique, mars 1960, Séisme d'Agadir (29 février 1960 à 23 h 41) 1961.
Rothé, Le séisme d'Agadir et la sismicité du Maroc
Rothé, Le tragique bilan des séismes de 1960 incombe en grande partie à la mauvaise qualité des constructions.
Taj-Eddine Cherkaoui et Fida Medina, Données macrosismiques et du mécanisme au foyer du séisme d'Agadir du 29 février 1960, 1988